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Ron DeSantis, le Trump «avec un cerveau», est grillé

Le candidat à la présidentielle Ron DeSantis a tout misé sur l'Iowa, dont il doit absolument remporter la primaire le 15 janvier.
Le candidat à la présidentielle Ron DeSantis a tout misé sur l'Iowa, dont il doit absolument remporter la primaire le 15 janvier.Image: keystone

Le Trump «avec un cerveau» est grillé

Ron DeSantis doit absolument marquer des points lors des primaires de l'Iowa. Ou il risque d'être définitivement hors jeu.
14.01.2024, 19:1915.01.2024, 08:39
Philipp Löpfe
Philipp Löpfe
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«He’s toast» est une expression américaine populaire pour désigner quelqu'un qui est fini. Grillé. Après des mois de campagne, c'est le candidat Ron DeSantis qui sera sans doute le prochain à prendre la forme métaphorique de pain de mie toasté. Qualifier sa situation de «déplorable» serait un euphémisme flagrant. «Désespérée» serait plus exact.

Mardi prochain, comme le veut la coutume, les premières élections de la primaire se tiendront dans l'Etat de l'Iowa. Le candidat républicain a presque tout misé sur la carte de cet Etat conservateur. Quitte à se plier à un exercice qu'il déteste: parcourir personnellement tous les districts, serrer des mains et embrasser des bébés. Un sacrifice qui lui a au moins valu de rafler le soutien de la très populaire gouverneure de l'Iowa, Kim Reynolds.

Le risque de l'humiliation ultime

Un soutien qui ne devrait guère lui être utile. Bien que Donald Trump ait à peine levé le petit doigt pour se faire apprécier des habitants de l'Iowa, il devance Ron DeSantis de plusieurs kilomètres dans les sondages. Même Nikki Haley, désormais la concurrente la plus féroce derrière l'ancien président, peut espérer dépasser son rival. Ce serait l'humiliation ultime pour le gouverneur de Floride.

Ron DeSantis a axé toute sa stratégie sur une victoire dans l'Iowa. Conformément à une loi tacite, certes douteuse, selon laquelle le vainqueur de l'Iowa obtient le «momentum», un avantage pour la primaire de l'Etat suivant. Une sorte d'effet domino: plus le candidat remporte d'Etats, plus il serait avantagé dans les suivants.

Pour Ron DeSantis, c'est un mauvais calcul. Même s'il battait Donald Trump - ce qui est peu probable -, cela ne lui garantit en aucun cas de nouveaux succès. Pour rappel, en 2016, Trump avait perdu dans l'Iowa contre le sénateur américain Ted Cruz - pour ensuite naviguer sans encombre vers l'investiture présidentielle.

La faiblesse de Ron DeSantis

D'une manière générale, la stratégie de campagne de Ron DeSantis est un véritable malentendu. Aveuglé par une victoire écrasante dans l'Etat de Floride, il s'est senti appelé à tenter sa chance sur la scène nationale comme le «Trump avec un cerveau». Il ne s'est toutefois pas rendu compte que son adversaire en Floride - un républicain qui avait fraîchement changé de camp - était extrêmement faible.

Florida Gov. Ron DeSantis, center, with his wife Casey, right, and son Mason, left, after the CNN Republican presidential debate with former UN Ambassador Nikki Haley at Drake University in Des Moines ...
Ron DeSantis avec sa femme Casey et leur fils.Image: keystone

Surtout, Ron DeSantis n'a pas compris que la base du Grand Old Party (GOP) ne veut pas d'un «Trump avec un cerveau». Elle s'accommode très bien du chaos provoqué par l'ex-président. Les fans de Trump adorent quand leur idole divague, menace de représailles et scande des slogans fascistes.

Donald Trump parvient à faire ce que Ron DeSantis ne parviendra jamais. Il peut faire sentir aux petites gens qu'il est l'un d'entre eux. Il peut ressentir avec eux l'humiliation réelle ou imaginaire qu'ils subissent de la part d'une prétendue élite. L'ex-président non plus n'a jamais réussi à se faire accepter par la haute société new-yorkaise, et il en souffre toujours aujourd'hui. Il existe même une thèse, pas si improbable, selon laquelle le magnat de l'immobilier ne serait entré dans la course à la présidence que parce qu'il avait été ridiculisé par Barack Obama lors d'un discours prononcé lors du traditionnel gala des journalistes.

Ron DeSantis est certes issu d'un milieu modeste, mais il a étudié dans deux universités d'élite, Yale et Harvard. Son empathie pour la classe populaire est limitée, il doit la simuler. Exactement comme il essaie de paraître plus grand avec les semelles glissées dans ses chaussures de cow-boy. (De toute façon, en matière de chaussures, il n'a pas la main heureuse, à juger ses bottes blanches lors des inondations).

Un bilan politique mitigé

La Floride aussi a perdu de sa superbe. Il y a quelques années, Ron DeSantis semblait encore réussir à vendre le Sunshine State comme une alternative conservatrice à la Californie prétendument décadente. Des impôts bas, peu de réglementation et une lutte acharnée contre le wokisme devaient faire de ce royaume des retraités un paradis pour la classe moyenne.

A view of the boots worn by Republican presidential candidate Florida Gov. Ron DeSantis as he speaks at the Heritage Foundation, Friday, Oct. 27, 2023, as part of the Mandate for Leadership Series in  ...
Ron DeSantis devrait porter des bottes de cow-boy avec des semelles.Image: keystone

Avec le recul, cela n'a pas vraiment fonctionné non plus. Avec sa querelle idiote avec Disney - l'une des entreprises les plus populaires des Etats-Unis et le plus grand employeur de Floride - Ron DeSantis a irrité le monde économique. En interdisant l'avortement de manière trop drastique, il s'est aliéné la sympathie des femmes. Ajoutez à cela que les conservateurs ont été outrés par le scandale sexuel dans lequel sont impliqués l'ancien chef des républicains de Floride, Christian Ziegler, et sa femme.

La stratégie de campagne de Ron DeSantis était un malentendu, sa tactique de la lâcheté. Jusqu'à présent, il n'a pas osé attaquer son rival Donald Trump de front. Lors d'un débat avec Nikki Haley mardi, il a certes fait quelques timides tentatives, mais il a toujours l'air, face à l'ex-président, d'un écolier qui n'ose faire des grimaces qu'une fois que son professeur a le dos tourné.

Il y a un an, Ron DeSantis pouvait espérer entrer à la Maison-Blanche. Les mauvais résultats des républicains lors des élections de mi-mandat avaient donné un coup de vieux à Donald Trump. L'annonce de sa candidature à une réélection accueillie avec circonspection, pour le dire poliment. Au point que même Fox News avait laissé tomber pendant un certain temps l'ancien président et a accordé à Ron DeSantis un temps d'antenne très important. Des mécènes de renom avaient ouvert leur porte-monnaie au gouverneur de Floride.

Entre-temps, la chaîne de Rupert Murdoch et l'ex-président se sont retrouvés. Les donateurs, eux, se sont tournés vers Nikki Haley. Les disputes et tensions permanentes au sein de l'équipe de campagne de DeSantis n'ont rien eu pour arranger les choses.

Republican presidential candidate former New Jersey Gov. Chris Christie announces he is dropping out of the race during a town hall campaign event Wednesday, Jan. 10, 2024, in Windham, N.H. (AP Photo/ ...
Le candidat Chris Christie, au moins, est sorti avec panache.Image: keystone

Mardi, c'était au tour du candidat Chris Christie d'annoncer qu'il se retirait de la course à la présidence. L'ex-gouverneur du New Jersey a été le seul candidat du GOP à oser attaquer Donald Trump de front et à reconnaître que son soutien d'autrefois à l'ex-président était une erreur, guidée par une ambition aveugle.

Ron DeSantis a encore une infime chance d'accéder à la présidence. Si Trump devait se retirer pour des raisons de santé, les voix de ce dernier se reporteraient probablement sur lui - Nikki Haley étant trop «woke» pour la base du GOP. Il est en revanche beaucoup plus vraisemblable que le gouverneur de Floride doive se retirer parce qu'il n'a tout simplement plus d'argent. Et cela risque de s'achever sans le style de Chris Christie.

(traduit et adapté de l'allemand par mbr)

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Video: watson
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