Il y a un mois jour pour jour, Charles III devenait roi. Un premier mois de règne qui se résume par quelques apparitions publiques, des cakes tranchés, des arbres plantés, des mains serrées et une poignée de médailles distribuées. Le train-train d'un roi comme les autres, en somme.
La monarchie britannique s'apprête à affronter un creux. Un trou dans l'agenda qui, sauf surprise majeure, pourrait durer 20 ans. La plus longue période de notre histoire sans naissance, mariage, jubilé, couronnement, ni aucun évènement d'ampleur susceptible de rappeler la monarchie au bon souvenir de ses sujets, et booster sa cote de popularité.
Quelques jours avant le sacre, le correspondant royal Marc Roche, faisait déjà part à watson de ses craintes:
A moins que la famille royale ne décide de rompre avec la tradition en faisant tout un plat du 10e anniversaire de Charles sur le trône, le prochain grand jubilé n'aura pas lieu avant 2047, les 25 ans de son accession au trône. Tout «révolutionnaire» qu'il est, on en viendrait presque à espérer que le nouveau roi n'attende pas trop longtemps pour casser sa pipe.
Qui d'autre que le fils et héritier prodigue pour booster cette monarchie ensommeillée? Ce n'est pas parce qu'il a ployé le genou et promis d'être son «homme de confiance», que William va se cacher dans les robes de papa. A 40 ans, le nouveau prince de Galles entend jouer un rôle déterminant dans le prochain chapitre de la monarchie. Et rapidement.
Le «souverain en attente» est un héritier impatient. Il a beau affirmer humblement à la BBC ne pas rester «éveillé la nuit dans l'attente ou l'espoir d'être roi», il est déjà en train de réfléchir activement à son propre règne.
En mai dernier, les festivités données pour Charles ne sont pas encore terminées que l'on dit William en «pleine réflexion» sur son propre sacre. Il imagine déjà une cérémonie remaniée, modernisée, sans «hommage du peuple», ni promesse d’allégeance moyenâgeuse. «Pas moyen qu'il emprunte cette voie», jure une source proche du prince au Times.
«Il réfléchit vraiment», abonde un autre.
William s'est trouvé bien inspiré par la volonté affichée de son père de donner un coup de fouet à la Firme. Il a déjà renoncé à des lourdeurs et quelques traditions séculaires. Notamment son investiture en tant que prince de Galles, que son père avait-lui même vécue en 1969.
William le sait: pour survivre, il doit commencer à convaincre la jeune génération que la monarchie a encore un sens. La bataille ne se joue pas que sur Instagram. Comme Charles, il devra apprendre à jouer avec les limites de la neutralité politique qu'exige la tradition monarchique.
Digne petit-fils d'Elizabeth II, William a aussi retenu de sa grand-mère l'importance de rayonner à l'extérieur des frontières, comme homme d'Etat international. C'est donc lui, et non le roi, qui a fait sensation au «mariage royal de l'année», jeudi dernier, en Jordanie.
William peut compter sur un atout déterminant: Kate. En quelques années, la lovely-but-just-a-little-frumpy («charmante-mais-juste-un-peu-mémère») duchesse, timide, nerveuse et effacée, s'est métamorphosée en actrice du pouvoir royal à part entière. Une future reine en puissance, tout aussi charismatique que son royal mari. Si ce n'est plus. A chaque apparition, Kate déclenche les passions. Ce n'était pas gagné pour cette épouse-fidèle-maman-aimante, longtemps convaincue que son rôle devait se limiter à la figuration ou au travail de coulisses. Depuis quelques années, Kate s'est enhardie. Tranquillement, sans bruit, elle a bâti un socle de pouvoir solide.
Sublime, stylée, souriante, irréprochable, engagée et surtout, extrêmement investie, la princesse de contes de fées est fin prête à enfiler l'étoffe de sauveuse potentielle de la monarchie.
La future reine peut aussi remercier une certaine... Meghan Markle. Les efforts acharnés de sa belle-sœur pour déstabiliser la monarchie – une institution à laquelle Kate a volontairement accepté de consacrer sa vie – ont été un coup de fouet décisif. «Elle savait qu'elle allait devoir améliorer son jeu, et elle l'a fait. Maintenant, c'est une rock star royale – tout ce que Meghan aurait dû être», glisse un haut responsable royal au Daily Mail.
Il ne s'agit pas pour la princesse de remporter une élection, bien sûr. Mais Kate le sait mieux que quiconque: pour survivre, les royals ont cruellement besoin du soutien populaire. Jusque-là, sa survie semble garantie.
La popularité du prince et de la princesse de Galles est telle qu'elle en serait «troublante» pour le roi, note l'auteur royal Richard Eden. «Maintenant que Charles et Camilla sont roi et reine, ils veulent attirer l'attention sur leurs causes et les choses qui leur tiennent à cœur. Il pourrait être un peu troublant qu'ils n'obtiennent pas cette attention.»
Du coup, les médias se régalent déjà des prétendues rivalités que se disputent Charles, son fiston et sa belle-fille pour l'attention du public. Il y a dix jours, en plein «Chelsea Flower Show», célèbre exposition horticole annuelle, on frôle le conflit diplomatique. Alors que le roi détaille aux médias sa quête de nouveaux plants d'arbres, Kate fait une apparition très (trop?) remarquée, toute de rose vêtue, au point d'éclipser son royal beau-père.
Une simple erreur de coordination entre les équipes respectives du monarque et de la princesse de Galles, affirme-t-on. Un terrible impair, disent les mauvaises langues, dont Charles III serait furieux. Après tout, n'a-t-on pas affirmé pendant des années qu'il ne supportait pas de faire piquer la vedette par sa première femme, Lady Di?
Une théorie absurde et «à côté de la plaque», juge pour sa part le biographe Robert Jobson, fin connaisseur de la machine. Selon lui, le roi a pleinement conscience de l'atout que constituent Kate et William et leur proximité avec les médias.
De là affirmer que le roi pourrait goûter au pouvoir quelques années, avant d'abdiquer en faveur de son fils, seuls les observateurs royaux les plus audacieux osent l'affirmer.
Lui qui a attendu 70 ans pour jouer le premier rôle, pas sûr que Charles III concède à remettre sa couronne de sitôt. Pendant ce temps, William attend son heure. Après tout, la disparition de son paternel du devant de la scène est déjà en train de s'opérer.