Tout à coup, plus de batteries. Pendant des mois, voire des années, ces mères et ces pères sont à bout de souffle, jonglent entre les nécessités, les devoirs, les exigences, jusqu'à se retrouver un jour à bout de souffle. Puis, un beau jour, il devient même impossible de se sortir du lit ou de dormir. Le diagnostic tombe: dépression provoquée par un épuisement, autrement dit burnout. Certains font alors appel à la psychologue Angela Häne. Elle conseille et suit de nombreux parents souffrant de ce syndrome.
Les symptômes d'un burnout parental, explique la psychologue, vont au-delà du burnout généralement lié au travail:
On est irritable, on ne se connaît plus soi-même face aux réactions impulsives et aux larmes. Si la souffrance persiste au-delà de trois mois, il vaut la peine de demander l'évaluation d'un spécialiste. «Parfois, quelques séances thérapeutiques suffisent – tout ne débouche pas sur une thérapie de plusieurs mois», rassure Angela Häne.
Alors que le terme «Parental Burnout» est courant dans les pays anglo-saxons, Angela Häne parle le plus souvent de «Mom-Burnout». Cela s'explique chiffres à l'appui: dans les pays égalitaires, où les sexes sont plus ou moins égaux, le rapport entre les mères et les pères épuisés s'établit certes à 2:1. Mais dans de nombreux autres pays autour du globe, il se situe plutôt à 9:1.
Si on analyse l'évolution de l'humanité, une certitude se dégage: la volonté de faire les choses parfaitement a servi aux femmes dans des temps plus anciens et plus rudes. La survie de l'enfant dépendait en effet fortement du comportement de la mère. La volonté de tout bien faire a donc aussi une origine génétique. Cette prise de conscience soulage certaines mères, dit Angela Häne.
Mais le perfectionnisme peut aussi relever du trait de personnalité à part entière. Les circonstances défavorables et les aléas de la vie mettent aussi parfois les ressources parentales à rude épreuve. Foyers monoparentaux, familles nombreuses ou enfants souffrant de maladies chroniques: le manque de soutien et les problèmes financiers finissent par engloutir toute l'énergie des géniteurs.
«Je me souviens très bien du jour où j'ai cessé de fonctionner. J'étais en réunion. Nous avions déjà dépassé l'horaire prévu et j'étais tellement fatiguée que je ne pouvais plus suivre les échanges. La nuit précédente, notre fille avait très mal dormi. Après avoir jeté un coup d'œil à ma montre, j'ai réalisé que j'aurais dû être partie depuis 15 minutes pour récupérer la petite à l'heure.
J'ai alors senti mes mains devenir moites d'un coup et mon cœur battre la chamade. Je me suis excusée, je suis sortie de la pièce, j'ai pris mon sac, je suis sortie en courant du bâtiment et je me suis effondrée. A ce moment-là, je ne me doutais pas que je quittais pour la dernière fois le bureau où j'avais travaillé pendant presque une décennie.
La machine s'est emballée lorsque je suis tombée enceinte. Tout à coup, c'est un peu comme si nous étions deux dans mon corps. La collaboratrice toujours de bonne humeur et la femme aux pieds gonflés qui avait constamment la nausée. L'une se montrait au grand jour, l'autre devait se cacher. Et ce jeu absurde ne s'est jamais arrêté: après l'accouchement, j'ai repris le travail et je suis repartie à fond. Comme si je n'avais pas mis d'enfant au monde entre-temps.
Et comme si cela n'était pas assez grave, les deux mondes résonnaient en moi, me demandant de ne pas laisser transparaître l'autre: «Fais comme si tu n'avais pas d'enfant. Sois une mère au foyer exemplaire.» Voilà qui ressemble à une loi tacite pour celles qui ont l'audace de vouloir les deux à la fois: enfant et carrière. Quand j'ai compris à quel point tout cela était inhumain, il était trop tard. Mon corps avait tiré la sonnette d'alarme depuis plusieurs mois, me poussant dans les retranchements les plus obscurs de mon être.
Après mon effondrement lors de cette séance, j'ai pleuré durant des semaines. J'étais rongée par la culpabilité – envers mon enfant et mon employeur – et par la honte. Je me disais régulièrement que je préférerais avoir une «vraie» maladie. Quelque chose pour laquelle on m'enverrait des fleurs avec des vœux de guérison, au lieu de me prendre pour une folle ou une simulatrice.
Et aussi une thérapie intensive, un séjour de quatre mois dans une clinique pour mères en burnout et de nombreuses lectures pour comprendre comment je m'étais retrouvée dans ce pétrin. Aujourd'hui, je qualifie volontiers cette période de formation continue la plus dure et la plus précieuse de ma vie. Parce que le burn-out m'a obligée à sortir de la roue du hamster et à me demander ce que je faisais là et pourquoi.
J'ai donc décidé de briser le silence. D'abord dans mon entourage privé, puis sur LinkedIn. Et j'ai mis le doigt là où ça fait très mal: des centaines de femmes et quelques hommes ont aimé, commenté et m'ont écrit des messages. Une communauté s'est créée et elle ne cesse de grandir.
J'ai donc développé la plateforme mamibrennt avec des femmes qui me suivaient. Elle s'adresse à toutes les mères actives qui se sentent concernées. En tant que société, nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre de laisser des femmes par centaines s'épuiser.»
«Avant la naissance de mon fils, j'étais employée en marketing dans le secteur de la cybersécurité, je gagnais bien ma vie et je me sentais épanouie. Je pouvais me projeter avec ou sans enfant. Mais mon partenaire, lui, désirait vraiment en avoir. Comme je l'aimais et que je voulais vieillir avec lui, j'ai accepté. La grossesse est arrivée étonnamment rapidement.
Elle a réagi très froidement, bien que nous ayons eu de bonnes relations jusque-là. Même dans les semaines qui ont suivi, elle a pris ses distances et ne m'a tout simplement plus invitée aux réunions importantes. Quatre semaines avant le terme, j'ai fondu en larmes chez mon gynécologue. Il m'a immédiatement mise en arrêt maladie, car le stress émotionnel pouvait avoir des répercussions sur le bébé. J'étais à la fois soulagée et inquiète, car rien n'avait encore été réglé au boulot, si ce n'est que je prolongerais mon congé maternité de deux mois non payés.
Après le rendez-vous, j'ai appelé ma cheffe et je lui ai demandé directement si je pourrais reprendre ensuite. Sa réponse fut brève: «Je ne peux pas te le dire pour l'instant.» Ce n'est que lorsque mon bébé a eu trois mois que j'ai reçu un message de sa part. Je pouvais recommencer, mais seulement à temps plein et avec au moins trois jours en présentiel. J'avais auparavant été à 100% en home office, car j'habitais à une heure et demie du bureau.
Ce que mon employeur ignorait, c'est qu'à ce moment-là, mon partenaire et moi étions sur le point de nous séparer. Il m'a soudain avoué qu'il ne se sentait pas prêt à assumer son rôle de père. Je suis tombé de haut, de très haut, et en même temps, j'ai paradoxalement compris que, dans ces circonstances, il me fallait absolument garder mon emploi.
En rassemblant mes dernières forces, j'ai organisé ma propre hospitalisation dans le service mère-enfant d'Affoltern (ZH), où on m'a diagnostiqué un burnout. La clinique a été mon salut, mais pour ma supérieure, c'était sans doute la confirmation que tout cela n'était plus tenable. A partir de ce moment-là, elle a cessé de réagir à mes messages.
A la clinique, j'ai enfin reçu du soutien et de l'affection, et j'ai pu me remettre de mon épuisement émotionnel et physique.
Aujourd'hui, j'occupe un poste similaire à 80%, mais dans une autre entreprise et j'ai un chef lui-même papa. Il me soutient énormément, si bien que je me sens valorisée et respectée. Avec le recul, je ne m'exposerais plus à un environnement aussi toxique que celui de mon dernier employeur, et encore moins peu de temps après un événement aussi marquant qu'une naissance.»
(Adaptation française: Valentine Zenker)