Depuis vendredi, Alex Wilson est l'athlète de haut niveau le plus sévèrement sanctionné de l'histoire du sport suisse. Le sprinteur de 34 ans est suspendu pour une durée totale de 14 ans en raison de plusieurs infractions liées au dopage. Cependant, ce n’est pas le seul record que Wilson détient. Le Bâlois d'origine jamaïcaine reste le détenteur des records de Suisse du 100 mètres et du 200 mètres. Ces performances datent de 2019.
Le nom désormais entaché de celui qui fut autrefois l'athlète suisse le plus populaire continue donc d’être associé visuellement à des performances exceptionnelles lors de nombreuses compétitions de sprint en lien avec la Suisse.
Une situation qui ne suscite pas l'enthousiasme de Markus Lehmann, directeur de Swiss Athletics. Mais «il existe des règles claires pour l’homologation des records nationaux. Nous n’avons actuellement aucune base légale pour retirer à Wilson ses records. Les infractions pour lesquelles il a été condamné ont été commises près de deux ans après ses performances», explique-t-il.
Les marques de Wilson ne sont pas les seules au «goût douteux». Les records du monde féminin du 100 mètres (10"49) et du 200 mètres (21"34), qui remontent à 1988, appartiennent à Florence Griffith-Joyner, décédée dix ans plus tard à l'âge de 38 ans. Bien qu’elle n’ait jamais été formellement accusée de dopage, les spéculations vont bon train et sont alimentées par sa mort prématurée, causée par une hémorragie cérébrale. De nombreux experts sont convaincus que «Flo-Jo» a utilisé des stéroïdes anabolisants et des hormones de croissance. Pourtant, ses deux performances légendaires figurent toujours dans les livres.
Pour Alex Wilson aussi, il n’y a, à première vue, aucune possibilité d'annuler les performances réalisées le 30 juin 2019 à La Chaux-de-Fonds. Le troisième des championnats d'Europe 2018 a subi un test antidopage dans les 24 heures qui ont suivi le meeting, comme l'exige le règlement, et celui-ci s'est avéré négatif. Tant que Wilson ne fera pas ses aveux sur son passé, ses résultats obtenus avant mars 2021 resteront intacts.
Ernst König, directeur de Swiss Sport Integrity (SSI), répond également par la négative à la question de savoir s'il existe des indices selon lesquels Alex Wilson aurait déjà eu recours à des pratiques illégales avant le printemps 2021. En dehors des aveux, des découvertes futures issues d’enquêtes policières pourraient potentiellement remettre en question cette évaluation.
Cependant, il existe une autre voie qui, à l'époque de Florence Griffith-Joyner, n'était pas encore disponible. C’est ce que révèle précisément la deuxième condamnation de Wilson: la prise d'EPO a été découverte un an après le test, grâce à un laboratoire de Lausanne. L’échantillon avait été congelé pour une conservation longue durée.
Il est en effet possible, depuis 20 ans désormais, de préserver des échantillons pendant un maximum de 10 années, afin de pouvoir détecter des substances illégales dans des analyses précédemment négatives, grâce aux progrès de la science. Plus de 100 athlètes des JO de Londres ont ainsi été pris par la patrouille longtemps après et leurs résultats ont été annulés rétroactivement.
Swiss Sport Integrity mène depuis 2019 des analyses de suivi. Il y en a eu par exemple 122 en 2023. Lorsqu'on lui demande s’il existe des échantillons congelés appartenant à Alex Wilson, en particulier de 2019, Ernst König répond: «Nous ne donnons pas de renseignements à ce sujet». Mais puisque SSI conserve en moyenne environ 400 échantillons par an, il existe une possibilité pour que le nom d'Alex Wilson apparaisse sur un tube à essai. Après tout, en tant que sprinteur, il pratiquait une discipline à haut risque selon l'Agence mondiale antidopage (AMA).
Dans l'idéal, SSI pourrait même avoir accès à l'échantillon de La Chaux-de-Fonds. Et comme le test standard, à l'époque négatif, ne comprenait pas les analyses supplémentaires pour l'EPO et les hormones de croissance, des substances que Wilson a utilisées selon les derniers rapports, il y a une chance de repérer un éventuel cas de tricherie.
Qu'en pense Swiss Athletics? «Nous sommes en contact avec SSI et nous examinons actuellement nos options. Si l'occasion d'obtenir des informations supplémentaires se présente, grâce à un contrôle antidaté, il serait dans l'intérêt de tout le monde d'exploiter ces possibilités».
La décision concernant le traitement de ces échantillons revient uniquement à Swiss Sport Integrity. Jusqu'à présent, à l'exception de l'échantillon collecté en juillet 2021, il n'y a eu aucune analyse ultérieure positive dans le cas d'Alex Wilson. Ernst König reste donc discret sur la question de savoir si cela pourrait changer dans un avenir proche. Il n'y en tout cas pas d'urgence. Après tout, Wilson est désormais un athlète du passé, contrairement à ses records, toujours en vigueur.