Voilà 22 ans, plus de la moitié de sa vie, que le «Chosen One» («l'Elu») – deux mots tatoués dans son dos –, ainsi désigné par Sports Illustrated alors qu'il n'était encore qu'un lycéen, embrasse l'excellence.
Devenu mardi soir le premier basketteur à franchir la barre symbolique des 50 000 points (saison régulière et play-offs confondus), James parvient encore, à 40 ans, à garnir en records un palmarès gargantuesque (4 fois champion, 4 fois MVP, 3 fois champion olympique...), convoquant tous les superlatifs réservés aux immenses champions.
Mais avant de connaître la gloire, LeBron Raymone James, né le 30 décembre 1984, d'une mère adolescente, Gloria, et d'un père délinquant aux abonnés absents, n'échappe pas à la case galère.
Ses dix premières années sont instables. La précarité est son quotidien, les déménagements se succèdent: il passe d'école en école, manque la moitié de l'année de CM1. «Je suis issu des cités, j'ai vu la drogue, les armes, les meurtres», résume celui qui aime à se présenter «juste» comme «un gamin d'Akron» (Ohio), pour mieux donner une idée du chemin parcouru.
Son destin bascule lorsque Frank Walker, un entraîneur de football américain, le repère. Impressionné par ses aptitudes physiques, il le met... au basket et accueille LeBron dans sa famille, le temps que sa mère stabilise sa situation.
A 12 ans, il est scruté par des recruteurs de lycées, éblouis par sa puissance et son QI basket. Il opte pour St. Vincent - St. Mary, un établissement composé en majorité de blancs, plutôt que John Buchtel High School, où étudie Savannah Brinson, sa future épouse et mère de leurs trois enfants.
La raison de ce choix, perçu comme une trahison par la communauté afro-américaine? LeBron veut rester avec ses copains. Parmi eux, Maverick Carter, devenu son associé dans d'avisés investissements (cinéma, clubs sportifs...), lesquels, s'ajoutant à ses faramineux salaires et contrats publicitaires, en feront le premier sportif milliardaire encore en activité.
A 18 ans, en 2003, celui qu'on surnomme déjà le «King» devient le plus jeune N.1 de la draft de l'histoire, choisi par Cleveland. Force brute et diamant déjà poli, James impressionne: on n'a jamais vu un panzer de 2,03 m et 120 kg se déplacer comme ça, avec l'agilité d'une mobylette. Mais il ne gagne pas encore, malgré tout le talc jeté en l'air avant les matchs, son rituel superstitieux.
Il perd deux premières finales, avec les Cavs en 2007, puis avec Miami en 2011, où il a décidé l'été précédent «d'emmener (ses) talents», selon ses propres mots, longtemps raillés. Mais au Heat, une équipe compétitive l'entoure et James remporte son premier titre la saison suivante. Un doublé l'attend même en 2013 contre San Antonio, mais la finale 2014 se solde par un cuisant revers face à des Spurs revanchards.
James décide alors de revenir chez lui: il y a un travail à finir. Avec Cleveland, quatre autres finales consécutives s'enchaînent, toutes contre Golden State. Il en perd trois, mais une suffit pour déboulonner sa réputation de perdant magnifique. Car le sacre de 2016 (4-3), après avoir été mené 3 victoires à 1, est un exploit encore jamais vu en NBA.
Une image reste: ce contre stratosphérique sur Andre Iguodala à la fin du match N.7. Peut-être la plus mémorable action de sa carrière. «Là, je me suis dit que j'étais le meilleur joueur qu'on ait jamais vu», confiera James plus tard, ravivant le débat quant à savoir qui de lui ou de Michael Jordan mérite ce statut.
Durant cette finale, il regarde sans cesse «Le Parrain», inspiré par l'ascension d'un homme arrivé très haut en étant parti de rien, pour qui la famille est tout. Une histoire américaine en somme, comme la sienne.
Il se veut aussi leader en son pays sur le plan de l'activisme, comme avant lui Bill Russell ou Kareem Abdul-Jabbar. Très présent sur les réseaux sociaux (159 millions d'abonnés sur Instagram), il dénonce les injustices raciales, soutient «Black Lives Matter», critique Donald Trump lors de son premier mandat, quitte à s'entendre dire «dribble et tais-toi».
Il fonde «I promise» – une école à Akron –, finance des programmes d'aides et crée en 2020 une association visant à inciter les Noirs à voter. Un «game changer» dont profite Joe Biden élu.
Cette année-là, James enfile sa 4e bague de champion avec les Lakers, démontrant qu'il n'est pas en préretraite à Los Angeles, même si Hollywood lui offre le premier rôle dans Space Jam 2, 25 ans après Michael Jordan.
Jordan, encore et toujours... Tout là-haut, avec ses six sacres de champion en autant de finales, quand «LBJ» n'en est «qu'à» quatre sur dix disputées. Mais LeBron ne lâche rien, mû par un rêve ultime: jouer avec son fils Bronny. Moment d'émotion qui se produit le 22 octobre 2024.
«Tant que je serai sur un parquet, j'essaierai d'être le meilleur joueur de tous les temps. Et aussi, le meilleur homme et le meilleur père. Tout ça sur le même chemin.» Qu'il continue, inlassablement, d'arpenter.