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Sandro Michel sur son crash: «Ma jambe ne tenait qu'à un fil»

Plusieurs mois après son accident, Sandro Michel estime avoir eu de la chance dans son malheur.
Plusieurs mois après son accident, Sandro Michel estime avoir eu de la chance dans son malheur.image: Keystone

«Ma jambe ne tenait qu'à un fil»: cet athlète suisse raconte son crash

Sandro Michel a participé aux Jeux olympiques et remporté des médailles aux Championnats du monde, en tant que pousseur en bobsleigh. Mais un terrible accident à l'entraînement a changé sa vie l'hiver dernier. Il revient sur les faits et raconte son difficile chemin vers la guérison. Interview.
13.11.2024, 18:4913.11.2024, 18:49
Martin Probst et Fabio Baranzini

Cette liste est horrible. Mais Sandro Michel a tenu à énumérer toutes les blessures qu'il a subies en février dernier lors de son accident sur la piste de bobsleigh d'Altenberg en Allemagne. Attention, cet inventaire n'est pas pour les âmes sensibles.

«En plus de diverses côtes cassées, d'une omoplate brisée, de muscles déchirés dans la poitrine, d'une perte de sang considérable et d'un poumon rempli de sang, j'ai été particulièrement touché au niveau de la hanche. Le rapport indique que la blessure mesurait 35×50 centimètres. L'os de la hanche était luxé et visible. Ma jambe ne tenait plus que par un peu de peau et quelques brins de muscles.»
Sandro Michel

Michel était assis en tant que pousseur dans le bob à quatre suisse de Michael Vogt. Mais il a été éjecté dans la zone d'arrivée en pente, avant que le traîneau de plus de 200 kilos ne glisse vers l'arrière et l'écrase, alors qu'il était allongé et inconscient sur la piste.

Sandro, peut-on dire que le fait que vous soyez encore en vie tient du miracle?
Dans une certaine mesure, oui. Pendant quelques heures, voire une journée, il y avait un danger de mort. Je suis très content que ma jambe soit encore en place. On ne savait pas s'il fallait amputer et on avait très peur d'une infection. Je tire mon chapeau aux médecins qui m'ont rafistolé.

Est-ce que vous réalisiez ce qu'il était en train de se passer?
Je ne me souviens pas de mon passage par l'hôpital de Dresde. J'ai complètement oublié huit ou peut-être neuf jours. On m'a dit que j'étais conscient. J'ai également parlé avec le personnel. Mais ce n'est plus présent dans ma mémoire.

Et est-ce que vous vous souvenez de la descente?
Toute la descente a également complètement disparu. Mon dernier souvenir, et il est flou, remonte à l'échauffement et à notre approche de la piste. Mais le passage par les vestiaires ou la façon dont j'ai poussé, cela a disparu.

«Je dois dire qu'en fait, je suis content de ne rien savoir»

Pourquoi?
Si je m'en souvenais plus ou moins, je pense que j'aurais peur de reprendre le bobsleigh. Il m’a également fallu beaucoup de temps pour voir les photos de la blessure.

Quand avez-vous regardé les images pour la première fois?
En juin ou juillet. On m'a dit que je voulais déjà les voir à l'hôpital, parce que je voulais savoir ce qu'il s'était passé. Mais comme je l'ai dit, je ne m'en souviens pas. Apparemment, je parlais aussi d'un crocodile m'ayant attaqué dans le train...

Et pourquoi, à un moment donné, avez-vous voulu les voir de manière consciente?
Parce qu'elles m'aident à faire le point. Je vois que beaucoup, beaucoup de choses ont été cassées. Cela m'aide en rééducation. Quand j'arrive à un point où je pense que je ne peux pas aller plus loin, je regarde les photos et je me dis: «Ok, c'est normal que ça ne puisse pas encore fonctionner. Ce n'est pas grave si ça ne marche toujours pas». C'est comme ça qu'on apprécie les progrès.

Ce doit être des images insoutenables.
En les regardant, je n'ai pas vraiment réalisé que c'était moi. C'était très surréaliste. On aurait dit des images de guerre. Aujourd'hui, je peux les regarder sans problème.

«Mais si quelqu'un a l'estomac fragile, ces images peuvent être très perturbantes»
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Sandro Michel est pousseur en bob. L'impulsion qu'il donne au départ est primordiale.
image: Keystone

L'accident s'est produit il y a plus de neuf mois. Que s'est-il passé depuis?
J'ai été opéré trois fois de la hanche à Dresde. On ne voulait pas refermer la plaie trop vite pour éviter une infection. La plaie a été rincée avec des litres de liquide et refermée progressivement. Elle a été entièrement suturée sept jours après l'accident.

Et ensuite?
J'ai été rapatrié en Suisse par un avion de la Rega et j'ai passé environ deux semaines à l'hôpital cantonal d'Aarau. J'y ai subi une opération du dos pour recoudre les muscles et retirer le sang qui se trouvait entre les poumons et le diaphragme. Je suis ensuite allé à la clinique de rééducation de Bellikon. J'y suis resté pendant dix semaines. Le 13 avril (réd: deux mois après l'accident), j'ai pu rentrer chez moi pour la première fois.

A Bellikon, vous avez rencontré d'autres personnes victimes d'accidents. Qu'est-ce que cela vous a fait?
On y voit des choses très mauvaises. Quand je suis arrivé, je pensais que j'étais la personne la plus démunie du monde. Mais ensuite, j'ai vu des gens qui avaient perdu leurs jambes, qui avaient subi les pires brûlures ou de graves accidents à la tête.

«C'est dans ces moments que l'on réalise que l'on a eu de la chance»
Sandro Michel dépendait d'un fauteuil roulant au début de sa rééducation à la clinique de de Bellikon.
Sandro Michel dépendait d'un fauteuil roulant au début de sa rééducation à la clinique de de Bellikon.image: Keystone

A quoi ressemble votre quotidien aujourd'hui?
Je vais toujours en thérapie trois fois par semaine à Bellikon. Parallèlement, je travaille à nouveau. Je suis encore en congé maladie à 50%. Dernièrement, j'étais avec mes coéquipiers au Centre sportif de Macolin. J'ai fait ma rééducation pendant qu'ils s'entraînaient. Ca m'a fait beaucoup de bien d'être avec eux.

A quel point êtes-vous encore limité?
Désormais, la vie quotidienne se déroule à nouveau plutôt bien. J'ai une canne parce que la stabilité de ma hanche n'est pas encore totale. En fait, c'est la mobilité de la hanche qui me limite le plus. C'est parfois un défi de lacer mes chaussures ou d'enfiler mes chaussettes. Mais on trouve des moyens d'y arriver.

Le contraste avec le sport de haut niveau doit être énorme. Vous avez participé aux Jeux olympiques et maintenant, vous avez du mal à lacer vos chaussures.
Ce n'est pas facile. Mais jusqu'à présent, je m'en sors relativement bien. Je n'ai pas l'impression de souffrir d'un traumatisme. J'ai perdu environ 16 à 17 kilos. Au début, c'était violent de me regarder dans le miroir et de me dire: «C'est moi, c'est mon corps». J'ai des cicatrices partout. Mais je suis sur la bonne voie. Je retourne aussi au fitness et j'ai pris quelques kilos.

«Il me reste toutefois encore beaucoup de travail à accomplir»

Votre rêve est de refaire du bobsleigh. Est-ce réaliste?
Je ne sais pas s'il sera possible de revenir. Mais je vais tout faire pour que ce soit possible. Je ne veux pas avoir à me reprocher un jour de ne pas avoir essayé. Mon objectif est de participer aux Jeux olympiques de 2026, mais je suis conscient que c'est très ambitieux. Mon voyage n'est pas encore terminé. Je suis loin du point où je pourrais me dire: «ce n'est plus possible».

N'avez-vous jamais perdu confiance?
Les vidéos me permettent d'éviter ça. Nous filmons régulièrement mon processus. Quand j'arrive à un point où je pense que je ne peux plus continuer, je regarde d'anciennes vidéos. Je vois alors où j'étais il y a un mois, où j'étais il y a deux mois. Et on se rend compte que les choses avancent dans la bonne direction.

Sandro Michel (à gauche) et son pilote Michael Vogt sur un podium en bob à deux.
Sandro Michel (à gauche) et son pilote Michael Vogt sur un podium en bob à deux.
image: Keystone

Etes-vous encore préoccupé par l'accident?
Cela me préoccupe. Il y a quelques semaines, j'ai écrit mes pensées et les ai partagées publiquement. Cela faisait un moment que j'envisageais d'écrire à ce sujet. Mais il y avait toujours quelque chose ou alors je repoussais l'échéance.

Qu'attendez-vous en partageant votre vécu?
Il est extrêmement important pour moi que des conclusions soient tirées de mon accident afin qu'une telle chose ne se reproduise plus jamais. Mais j'ai l'impression que ce n'est pas le cas. C'est pourquoi je veux faire tout ce qui est en mon pouvoir pour changer cela.

«Peut-être que mes paroles déclencheront une certaine pression»

Selon vous, qu'est-ce qui n'allait pas?
Pour les entraînements, nous avons été répartis en deux groupes. Un groupe a glissé le matin et nous, l'après-midi. Dès le matin, il y a eu un crash. Là aussi, un pousseur est tombé de son bob et est resté inconscient. Ils ont simplement eu beaucoup de chance de pouvoir maintenir l'engin d'une manière ou d'une autre pour qu'il ne glisse plus et ne recule pas dans la zone d'arrivée.

Vous n'avez pas eu cette chance.
Le matin, des spectateurs étaient présents et ont pu sortir l'athlète inconscient de la piste. Toutes les personnes impliquées se sont alors activement adressées aux exploitants en leur demandant de placer davantage d'assistants dans la zone de sortie. Mais il n'y a rien eu. C'est mon point principal: ils auraient dû réagir. Cela n'aurait pas été trop demander.

Le concept de sécurité d'une piste est approuvé par la Fédération internationale de bobsleigh (IBSF). Des erreurs ont-elles également été commises à ce niveau?
Oui exactement, chaque piste est homologuée. Celle d'Altenberg prévoit que dans la zone finale, les engins glissent en arrière pour les retirer au point le plus bas de la piste. Je ne comprends pas. En bob, les chutes sont fréquentes. Il peut toujours arriver que quelqu'un tombe et reste couché. Tout le monde est conscient de ce risque. Je ne comprends pas pourquoi le concept a malgré tout été approuvé par la fédération.

«On dirait que l'on a tout simplement accepté des accidents comme celui qui m'est arrivé»

Ont-ils désormais réagi?
Une déclaration a été publiée récemment. A l'avenir, davantage de personnes seront postées à la sortie. Or à Altenberg, il n'est pas facile d'accéder à la piste. Ajouter du monde n'a qu'une utilité limitée, car les assistants auront toujours du mal à atteindre le traîneau. D'autres mesures seraient certainement plus efficaces. Je ne sais pas s'il y en aura. Mais je l'espère.

Adaptation en français: Romuald Cachod.

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