Sondre Ringen connaît bien les terres de Marco Odermatt. Il arpente assidument la Continental Cup – le deuxième échelon mondial en saut à ski – depuis 2017 et se rend donc chaque année à Engelberg, au pied du Titlis, pour la traditionnelle manche helvétique du calendrier. «J'adore ce tremplin», dit-il aujourd'hui au sujet d'un site qui lui a souvent réussi, mais où il a gravement chuté la saison dernière. Son accident le marque encore et le privera des Mondiaux 2025 dans son pays.
Sondre, comment allez-vous depuis votre chute en Suisse, le 27 décembre 2023?
Je lutte toujours contre des maux de tête fréquents et un certain épuisement. La moindre activité – physique ou mentale – est exigeante.
Il existe une vidéo de votre saut. Or celle-ci ne montre que votre phase d'élan et vous disparaissez en direction du point K. La chute n'a donc pas été filmée et vous ne vous souvenez de rien. Savez-vous désormais ce qu'il s'est passé?
Tout cela reste vague. Mais en rassemblant tous les éléments, je suis arrivé à une conclusion. Je crois qu'à l'atterrissage, mon ski gauche a accroché quelque chose, de la neige ou de la glace. Cela a provoqué une rotation vers la gauche et j'ai atterri avec l'arrière de la tête. J'ai cassé mon casque et je suppose que j'ai perdu connaissance à cet instant.
Le concours a été interrompu durant 45 minutes et vous avez été évacué par hélicoptère à l'hôpital de Lucerne. Quel a été le diagnostic?
Trois hémorragies cérébrales distinctes. Cela signifie un grave traumatisme crânien, m'a-t-on dit. Les médecins suisses m'ont déconseillé tout saut pendant trois mois, mais à l'époque, je me disais: «Impossible, j'ai plusieurs compétitions à disputer». Je trouvais cela exagéré. J'avais des douleurs, ce qui est normal après un accident sur le tremplin, mais je pensais que ça ne durerait que 4 à 6 semaines. Je ne ressentais pas le besoin de rester à l'hôpital, je suis d'ailleurs rentré chez moi rapidement.
Comment se sont déroulés les semaines et les mois qui ont suivi?
Je suis resté endolori par l'accident et les maux de tête n'ont pas disparu. Dès que j'essayais de faire quelque chose, bouger ou réfléchir, cela empirait. Seul le fait de rester au lit permettait de réduire les douleurs, ce que j'ai donc fait la plupart du temps.
Il y a donc des progrès, mais vous souffrez toujours à ce jour.
Les maux de tête sont toujours présents. Mais ce qui me dérange le plus, c'est l'épuisement à la moindre activité. Les maux sont ennuyeux et douloureux, mais être épuisé rien qu'en sortant du lit, c'est hyper frustrant, surtout pour un athlète.
Désormais, comment voyez-vous la suite? Remonter sur un tremplin est-il envisageable?
Au rythme actuel, j'espère pouvoir sauter à nouveau en fin d'hiver. Mais ce ne sera pas en compétition. Il est très peu réaliste de me voir porter un dossard cette saison.
Ce n'est donc pas pour tout de suite. Etes-vous quand même parvenu à faire un peu de sport, dernièrement?
J'ai pu marcher un peu dans les montagnes. Mais tout ce qui nécessite un pouls élevé, une réflexion rapide ou des mouvements brusques est loin d'être envisageable. La course à pied me fait mal à la tête à chaque foulée, mais pratiquer le vélo calmement semble fonctionner un peu.
Il s'agit probablement de votre blessure la plus grave. Si un retour devient possible, il y aura des craintes en haut de la plateforme.
J'ai eu plusieurs accidents au cours de ma carrière, mais cela n'a jamais nécessité plus de 2 ou 3 mois d'arrêt, et je pouvais suivre un entraînement alternatif. C'est donc plus lourd, mais vous savez, mon envie de sauter est revenue au bout d'une semaine, puis à chaque fois que j'ai été faire un tour au tremplin proche de chez moi (réd: celui d'Holmenkollen à Oslo). Je compte m'élancer à nouveau!
Vous avez 28 ans et avez davantage arpenté la Coupe continentale. Craignez-vous de ne pas retrouver votre place en équipe nationale, sachant que le circuit B est souvent considéré comme celui de la relève?
Je suis encore loin de ces préoccupations, car loin d'un retour. Mais en effet, la priorité est donnée aux jeunes depuis quelques années en Norvège. Or quand je sauterai à mon meilleur niveau, je retrouverai ma place dans l'équipe, ça ne fait aucun doute.
Dernière question, Sondre. Votre première victoire en Coupe d'Europe a été glanée à Engelberg et vous avez décroché plusieurs podiums là-bas. Ce lieu devait avoir une place particulière. Qu'en est-il maintenant?
C'est vrai, et c'est aussi à Engelberg que j'ai débuté ma première saison complète en équipe de Norvège. C'est un lieu à part. J'aime cette station et son tremplin. Il est regrettable que cette chute se soit produite là-bas. Cependant, je crois qu'en cas d'accident nécessitant l'intervention des premiers secours et une hospitalisation, la Suisse est, en dehors de chez moi, le meilleur endroit où l'on peut se trouver.