En cinq jours la semaine dernière, deux génies sont sortis de leur boîte pour donner la victoire à leur équipe; deux joueurs auxquels beaucoup pourtant ne croient plus vraiment et aimeraient voir sur le banc, voire carrément ailleurs: Xherdan Shaqiri (32 ans) et Rodrygo (23 ans).
Le premier joue en équipe de Suisse et face à l'Irlande le 26 mars, il a inscrit la seule réussite de la rencontre sur un coup de patte dont il a le secret. Le second évolue au Real Madrid et il a marqué les deux buts des merengues lors de leur victoire 2-0 contre l'Athletic Bilbao, d'abord au terme d'un splendide enchaînement accélération-contrôle-frappe, ensuite après un dribble inspiré face au dernier défenseur basque.
Le Suisse et le Brésilien ont rappelé en quelques heures pourquoi leur équipe avait encore besoin d'eux et ce n'était pas inutile. Car leur légitimité dans le onze est remise en question exactement pour les mêmes raisons, même si le contexte entre les deux équipes pour lesquels ils jouent est bien différent.
Ce qui est reproché à Shaqiri et Rodrygo, c'est de ne pas peser suffisamment sur les matchs. Ce sont des footballeurs dont on connaît les qualités mais qui peuvent aussi "se montrer transparents" (!). Or que faire de ces joueurs capables de faire basculer une partie sur une action de génie mais qui, trop souvent, n'apportent pas assez? Faut-il pardonner les «non-matchs» en attendant (espérant) la fulgurance qui va tout changer, et tant pis si elle ne vient pas?
Dans une récente interview accordée à CH Media, le groupe auquel appartient watson, Johann Djourou avait expliqué en quelques phrases tout le paradoxe d'un joueur comme «XS».
C'est peut-être ce qui attend Rodrygo au Real Madrid. Le Brésilien est en effet sous la menace de Kylian Mbappé. Le Français sera intouchable, au même tire que Vinicius. Que fera-t-on de Rodrygo? La chaîne RMC rappelle que l'attaquant «est souvent présenté au Real comme la variable d'ajustement depuis que Mbappé y est attendu. Sera-t-il relégué sur le banc ou ne vaudrait-il pas mieux le vendre en fin de saison?» La question se heurte à une réalité récente: «Quand on voit le match qu'il fait dimanche...»
Voilà: il a suffi d'un match et deux éclairs pour que Rodrygo rappelle qu'il serait peut-être judicieux de le garder cet été. Comme Johann Djourou, un spécialiste du football espagnol sur RMC explique tout le paradoxe de ce fantastique joueur en quelques phrases:
Cette question, c'est exactement celle que Murat Yakin doit être en train de se poser à deux mois et demi de l'Euro. Et ce n'est pas la seule: car la question subsidiaire à laquelle devront répondre le sélectionneur national et Carlo Ancelotti, c'est aussi de savoir comment ces deux stars du vestiaire réagiraient si elles étaient déclassées. Accepteraient-elles de passer du terrain au banc sans moufter?
On dit de Rodrygo que c'est un homme de caractère doté d'une forte personnalité. Un joueur différent des autres, aussi, et cette observation rejoint celle de Djourou quand il estime, à propos de Shaqiri cette fois, que la Nati n'en a «pas d'autre comme lui».
Deux artistes confrontés au même calendrier. Le Brésilien et le Suisse joueront en effet chacun leur avenir immédiat dans les mois brûlants de l'été. Le premier devra gérer la venue de Kylian Mbappé lors du mercato, le second prouver que l'équipe nationale ne peut pas se passer de lui à l'Euro. Mais ce n'est pas pour tout de suite et il faut espérer qu'en juin et juillet, l'un et l'autre ressembleront encore aux joueurs qu'ils étaient à la fin du mois de mars.