Avec son nom de dossard (007), son haleine de Martini dry et sa tendance à préférer les chambres à coucher aux salles de fitness, James Bond n'a pas franchement le profil d'un champion de haut vol. C'est pourtant le meilleur d'entre nous. Un prodige qui pourrait remporter un paquet de médailles aux JO d'été comme d'hiver, tout en faisant passer n'importe quelle épreuve pour une promenade de santé (trop facile de dévaler une piste de ski parfaitement lissée sans se faire canarder par une horde de chasseurs vénères).
Échapper à ses adversaires, ça ne s'apprend évidemment pas en enquillant des Vesper Martini à une table de poker (Casino Royale) ou en roulant des galoches à Ursula Andress (James Bond 007 contre Dr No). Ça se travaille en sous-sol et à pas d'heure, en faisant couiner les machines de muscu malgré un pied en compote. C'est à ce régime sévère que s'est astreint Daniel Craig pour avoir le droit d'enfiler le costume en V de James Bond dans le dernier opus de la saga, en salles dès jeudi.
Un entraînement physique doublé d'une cure de vitamines qui a éloigné l'acteur des buffets pendant plusieurs mois. Le Figaro raconte ainsi qu'aux Golden Globes 2019, alors en pleine opération commando pour le tournage de «Mourir peut attendre», Daniel Craig a étonné les convives en «préférant l'eau au vin et en boudant les canapés. Sa seule folie? Mastiquer une peu affriolante barre de céréales.» #vismaviedespion
James Bond a toujours été un grand sportif, mais il n'avait encore jamais atteint un tel degré de performance. Certes, son géniteur Ian Fleming lui a transmis sa passion de l'exercice tout en le dotant d'une silhouette taillée pour/par l'effort (on apprend dans le roman «Bons baisers de Russie» que Bond mesure 1m83 et pèse 76 kg). Evidemment, James Bond est devenu espion après avoir suivi le programme des commandos, qui en a fait une machine de guerre.
Mais lorsque «JB» débarque sur les écrans en 1963, il a un physique de cavalier et «se bat un peu comme un cow-boy, rappelle Jan Fantys, directeur suisse de cascades. Il n'y avait pas encore toutes les formes d'arts martiaux que l'on connaît aujourd'hui.»
Assez rapidement toutefois, le personnage de James Bond développe des qualités athlétiques et techniques, comme autant de compétences lui permettant de déjouer les plans de ses affreux adversaires.
Lors du troisième épisode, on le découvre ainsi doué en golf. Son jeu est tellement bien maîtrisé qu'il lui permet de gagner un lingot d’or nazi sur le parcours après avoir substitué la balle de son adversaire.
Mais c'est dans des disciplines plus physiques qu'il s'illustre, notamment en ski alpin, sur les pentes de Lauterbrunnen en 68-69. Bernhard Russi joue au cascadeur. Il enfile le costume contre un cachet de 150 francs suisses, mais se brise le cou. Le film (Au service secret de Sa Majesté) sort quelques mois plus tard et ne montre pas seulement «JB» en démo skis aux pieds. L'espion y déboule aussi à toute berzingue sur une piste de bobsleigh tout en canardant son rival.
Cédric Grand, ancien bobeur professionnel, est hilare.
Cet épisode est révélateur de l'évolution de 007. Le Britannique devient très vite un personnage fantasmé. «Il sait tout faire: il pourrait opérer à coeur ouvert dans l'espace», ironise Jan Fantys.
James Bond s'émancipe en super-héros, doué dans toutes les disciplines.
On vous épargne les innombrables scènes de combats rapprochés, les courses poursuites sur les toits des immeubles ou cette improbable envolée sur un tremplin de saut à skis, autant d'épisodes qui nourrissent la légende de Mister Bond et lui permettent de survivre dans l'univers concurrentiel des blockbusters.
Que pourrait-il encore faire de mieux, cet espion qui a emprunté tant de talents aux autres? On a posé la question à Carlos Mühlig, rédacteur en chef du magazine de cinéma Daily Movies. Ce spécialiste rappelle que la série des James Bond a toujours été en concurrence avec celle de Mission Impossible. «Il y a comme une compétition entre les personnages des deux sagas: c'est à celui qui sera le meilleur et qui ira le plus loin.» Or il y a deux scènes que Tom Cruise a réalisé et que James Bond n'a encore jamais eu le cran de tourner:
Dès le début du film Rogue Nation sorti en 2015, Tom Cruise attrape un Airbus A400M au décollage et se trouve propulsé à plus de 800m du sol et à une vitesse folle de 300 km/h. L'acteur américain a poliment refusé les services d'une doublure avant de tourner la scène huit fois.
Dans le même film, l'acteur saute de 36m dans une cuve avant de plonger en apnée durant six minutes. «Pour réaliser cet impressionnant plan-séquence qui a pris deux semaines de tournage, il a dû s'entraîner auprès d'un spécialiste de l'apnée libre. A plusieurs reprises durant cet entraînement délicat, l'acteur se serait évanoui», rapporte le site Allociné.
On laisse à Daniel Craig (ou à son successeur) le soin de choisir par quelle séquence il veut commencer.