Gregor Deschwanden ne pouvait pas rêver mieux. A Lillehammer ce week-end, le Suisse a parfaitement lancé sa saison, signant deux résultats dans les 10 dont une cinquième place. Des performances qui laissent présager de belles choses, comme un troisième podium en Coupe du monde à venir prochainement. Autre motif de satisfaction: le précieux point glané par Simon Ammann, dès la première de l'hiver.
Or ce ne sont pas les résultats prometteurs des Suisses qui ont animé les discussions en Norvège. Un autre sujet était sur toutes les lèvres et il concerne le télémark, cette technique de réception en fente, les skis parallèles et le buste droit, notée par le jury et prise en considération dans le résultat final.
La Fédération internationale de ski (FIS) a décidé cet été d'accorder plus d'importance à cet art, en sanctionnant davantage les sauteurs imprécis. Ces derniers peuvent désormais subir une déduction allant jusqu'à trois points par juge en cas de télémark imparfait, et non plus deux comme par le passé. Cela signifie une pénalité totale pouvant atteindre neuf points une fois les deux notes les plus extrêmes retirées. «C’est une façon de mieux identifier les athlètes qui présentent un très bon télémark, voire un télémark parfait», a souligné Sandro Pertile, en charge du saut à ski à la FIS, à l'annonce de cette évolution.
Karl Geiger, 17e dimanche sur le Tremplin de Lysgårds, fait partie des principaux réfractaires. L'Allemand ne digère pas la façon dont sa discipline évolue. «Nous ne sommes pas au patinage artistique ou au dressage. Nous voulons que le saut le plus long gagne», a-t-il déclaré dans un podcast de l'émission Sportschau, pointant toutefois que «le style fait partie du saut à ski».
Son compatriote Markus Eisenbichler, 24e samedi en Norvège, partage le même avis: «En toute franchise, ce que la FIS a inventé est totalement stupide». Le sextuple champion du monde déplore le pouvoir cédé aux juges et craint que les sauteurs ne donnent plus leur pleine mesure. «Parce que si tu voles loin et rates le télémark, tu risques de ne pas être sur le podium. Ce n'est pas juste», a-t-il ajouté.
La mesure irrite passablement les dirigeants allemands. Mais certains de leurs sauteurs comme Andreas Wellinger, vainqueur en septembre du Grand Prix d'été d'Hinzenbach, la voient d'un bon œil. «L'esthétisme est honoré. Le brut est davantage puni. Je crois que c'est une bonne chose», a confessé le troisième du classement général de la Coupe du monde la saison dernière.
Le Saint-Gallois produit rarement un télémark parfait. Pourtant, il semble lui aussi convaincu par la décision de la Fédération internationale de ski. «J’espère que cela permettra d’endiguer la chasse aux records de longueur. Cela me convient», note-t-il dans les colonnes de Blick. Un discours qui tranche avec les propos de Karl Geiger et de la majorité des sauteurs allemands.
Son équipier Kilian Peier est tout aussi satisfait. «Je trouve que c’est une bonne chose. Cela oblige le jury à regarder encore plus attentivement», détaille l'athlète originaire de La Sarraz (VD), pointilleux sur la notation. Or son entraîneur Martin Künzle n'affiche pas le même enthousiasme, preuve que le nouveau règlement divise plus que jamais le petit monde du saut à ski.