Faire carrière dans le tennis professionnel est déjà, de base, très compliqué. La tâche devient encore plus ardue avec une maladie qui perturbe fortement les performances. Mais Alexandre Müller réussit cet exploit.
Ce Français de 27 ans souffre de la maladie de Crohn, une «maladie inflammatoire chronique de l’intestin qui peut s’étendre à l’ensemble du tube digestif», comme le précise la clinique Hirslanden. Et autant dire que les symptômes n'ont rien d'agréable: diarrhée, vomissements ou encore maux de ventre. Ils n'ont toutefois pas empêché Alexandre Müller de se qualifier pour le deuxième tour de Roland-Garros (il affrontera l'Italien Matteo Arnaldi mercredi) ni de battre la star russe Andrey Rublev il y a deux semaines en 16e de finale du Masters 1000 de Rome.
Mais, à long terme, ces désagréments sont un gros obstacle pour Alexandre Müller. «Peu importe où je finirai ma carrière, j'aurais pu faire un peu mieux sans cette maladie. Je ne peux pas être à 100% tout le temps, je suis plus fragile», déplore dans L'Equipe l'actuel 90e joueur mondial, dont le meilleur classement est un 71e rang (obtenu en janvier dernier). S'il explique ne pas être perturbé pendant les rencontres, ses échauffements d'avant-match et ses après-matchs sont, eux, parfois un «enfer». Dans le premier cas, ses symptômes sont accentués par le stress de l'enjeu.
Après les rencontres, le Français vit un autre calvaire à cause des remontées gastriques qui l'empêchent de boire suffisamment. «Quand, après trois heures de match, je ne peux pas boire plus de quatre gorgées d'eau sans avoir l'impression que je vais dégueuler sur le court, je le paye forcément». Cette déshydratation altère alors la récupération, indispensable pour enchaîner les matchs dans un tournoi. «Je suis parfois dans un sale état après un match, j'ai des contractures de partout», témoigne Alexandre Müller.
Pour alléger les symptômes de la maladie de Crohn, dont il souffre depuis son adolescence, le tennisman doit s'injecter toutes les deux semaines un anti-inflammatoire spécial pour le colon. Et ce n'est pas sans poser quelques soucis logistiques: le produit ne peut pas rester hors frigo plus de huit heures. Autrement dit: quand Alexandre Müller voyage jusqu'en Australie, il ne peut pas l'emporter. Le Français se pique alors juste avant de partir.
C'est peu dire qu'un oubli de traitement serait dramatique. «Je peux faire une crise», alerte-t-il, toujours dans L'Equipe.
Pour se soigner dans pareille situation, il ne reste qu'un seul remède: des «charges de cheval de cortisone pendant deux mois». Problème: ce produit est considéré comme du dopage et les démarches pour obtenir une autorisation spéciale sont «un enfer administratif», selon le 90e joueur mondial.
La maladie de Crohn a un autre effet vicieux pour lui. Indirect, cette fois. «Je n'ai pas le droit de prendre d'autres anti-inflammatoires parce que ça peut déclencher une crise. Après Roland-Garros 2023, je prenais des anti-inflammatoires pour soulager une pubalgie. On m'a dit: "Alex, vraiment, arrête." Donc quand j'ai mal, soit je joue avec la douleur, soit j'arrête.»
Le natif de Poissy, en région parisienne, dégage toutefois un point positif de sa maladie: elle lui a forgé un caractère de battant. Un trait de personnalité crucial pour performer à haut niveau. «Je pense que c'est grâce à ça que je suis un "matcheur" et que je me bats tous les jours», se félicite-t-il. «De temps en temps, je me dis que c'est quand même assez fort ce que je suis en train de faire».
Qu'il gagne ou qu'il perde ce mercredi au deuxième tour de Roland-Garros, Alexandre Müller a effectivement de quoi être une belle source d'inspiration pour beaucoup d'entre nous.