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Trans et sportive: «Pour moi, les vestiaires sont un problème»

Trans et sportive: «Pour moi, les vestiaires sont un problème»

Clémentine Merminod est une femme transgenre vaudoise. Elle est secrétaire des femmes romandes de l'UDC. Elle réagit au sondage de la Ville de Lausanne portant sur l'inclusion des minorités de genre et de sexe dans le sport. Elle donne par ailleurs son avis sur la proposition d'inscrire un troisième sexe dans l'état civil.
21.12.2024, 07:0522.12.2024, 00:20
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Clémentine Merminod est née homme et comme homme a eu six enfants. En 2022, alors en transition de genre, la Vaudoise aujourd'hui âgée de 51 ans a été nommée secrétaire des femmes romandes de l'UDC. Membre d'un club de natation, elle donne son avis sur le sondage de la Ville de Lausanne portant sur l'inclusion des minorités de genre et de sexe dans les pratiques sportives. Elle se prononce par ailleurs sur la revendication en faveur de l'inscription d'un troisième genre, ou sexe, dans l'état civil.

En tant que femme trans, avez-vous vu le sondage de la Ville de Lausanne s’adressant aux minorités OSAIEGCS (LGBTQI+)?
Clémentine Merminod: Oui, non seulement je l’ai vu, mais je l’ai rempli. Je l’ai reçu via le club de natation LGBT friendly Aquarius auquel j’appartiens. Un club lausannois qui fêtera ses 30 ans en 2025. Personnellement, j’y suis entrée en mars 2024.

Qu’avez-vous pensé de ce sondage?

«Je trouve que ce sondage est pertinent sur le fond»

Il est surtout pertinent pour les personnes trans. Il l'est ans doute moins pour les gays, qui peuvent penser que le travail d’acceptation a été fait pour eux il y a plusieurs années déjà, sinon plusieurs décennies. Je pense à tout le travail accompli, et ce fut difficile, à la suite de l’émergence du Sida dans les années 1980. Cela étant dit, être gay ou lesbienne ne va toujours pas de soi, notamment dans les sports collectifs d’élite, même si cela semble plus facile pour les lesbiennes.

Clémentine Merminod est une femme transgenre vaudoise et membre de l'UDC.
Clémentine Merminod.Image: dr

Aujourd’hui, c’est votre tour, en quelque sorte.
Oui, aujourd’hui, c’est la communauté trans, non-binaire et autre qui est sous le feu de la rampe.

«Cette attention a quelque chose de positif, mais elle peut être aussi un problème, car elle nous expose, alors que nous sommes une quantité infime»

Quels bienfaits peut avoir le sondage de la Ville de Lausanne?
L’intérêt de ce sondage est qu’il permet, premièrement, d’avoir une base de documentation, deuxièmement, d’obtenir une cartographie sociologique des minorités en question, troisièmement, de mettre en œuvre des actions pour que la minorité trans, pour ne citer qu’elle, puisse se sentir plus à l’aise dans le sport et tout ce qui entoure la pratique sportive.

Vous faites de la natation. Comment cela s’est-il passé avec votre parcours de transition entamé au début des années 2020, dont watson avait rendu compte en novembre 2022?
Avant ma transition, j’ai nagé pendant près de dix ans dans le club de Lausanne Natation, qui s’appelle aujourd’hui, je crois, Lausanne Aquatique – je précise que je suis aussi monitrice de ski. J’ai arrêté la natation en club pendant douze ans. Puis, avec ma transition, j’ai eu la volonté de recommencer à nager. Mais la question était chez qui et où. Je n’osais pas trop alors téléphoner dans des clubs de la région où j’habitais, dans le Nord vaudois.

«J’envoyais des e-mails, mais on me répondait souvent que c’était complet. C’était peut-être une façon élégante de me dire que je n’étais pas la bienvenue»
Clémentine Merminod est une femme transgenre vaudoise et membre de l'UDC.
Image: dr

Ces clubs savaient-ils qui vous étiez?
Nominalement, oui, je m'étais déjà enregistrée sous mon nom de femme, mais je n’étais pas encore opérée. La problématique des vestiaires se posait, pour moi aussi. Où aller? Dans les vestiaires hommes ou dans les vestiaires femmes?

Comment gérez-vous la question des vestiaires à Aquarius, votre club LGBT friendly?
Je nage à la piscine de Grand-Vennes. Je me change dans le vestiaire des filles, mais je me douche dans une cabine de douche fermée des coachs. Ils se trouve que le quartier des douches, à Grand-Vennes, est mixte. Les gens s’y douchent en maillot. Mais cela me gêne d’être en présence d’hommes dans cet espace malgré tout intime, et je préfère de toute façon pouvoir me doucher sans maillot, si bien qu’une cabine de douche fermée me convient très bien.

Pourquoi la proximité d’hommes, à cet endroit, vous gêne-t-elle?
La proximité avec le sexe masculin, dans un espace tel que les douches, me rappelle ma dysphorie de genre, qui était très axée sur ce que j’avais entre les jambes. Mais en tant que femme trans opérée, je serais également mal à l’aise si une femme trans non-opérée (réd: avec un sexe d’homme, car née homme) se changeait à côté de moi. C’est donc à ce type de situation qu’il faut qu’on réfléchisse, et le sondage de la Ville de Lausanne peut y aider. Car on est attaqué en permanence là-dessus.

Clémentine Merminod est une femme transgenre vaudoise et membre de l'UDC.

Qui vous attaque?

«Je pense notamment aux commentaires sur les réseaux sociaux durant les Jeux olympiques, qui disaient que les femmes trans n’ont pas leur place dans les catégories femmes»

Des gens disaient, en parlant des femmes trans: «Ils ne doivent pas avoir accès aux vestiaires, ce sont des pervers, n’importe qui peut se dire femme pour aller dans un vestiaire femmes ou dans des toilettes femmes.» Tout cela nourrit des craintes chez les personnes en transition, ce qui fait qu’elles hésitent beaucoup, et même renoncent à rejoindre un club de sport.

Que peuvent faire de plus les pouvoirs publics?

«Puisqu’il est question de sport, on pourrait se demander s’il ne serait pas judicieux de créer un troisième vestiaire pour les personnes qui ne se reconnaissent pas dans un sexe ou dans un autre»

Par exemple, moi, avant d’être opérée, j’allais me changer dans une cabine de toilettes. On peut peut-être trouver une solution pragmatique sans créer de polémique inutile.

Sur la question des sports de compétition, est-ce que vous admettez que la différence génétique entre hommes et femmes, XY pour les premiers, XX pour les secondes, fait qu’un femme trans, avec ses gènes XY, ne peut pas concourir avec les femmes aux gènes XX, dites aussi femmes cis dans le vocabulaire LGBTIQ+?
Je peux l’entendre et c’est pour cela que je souhaiterais qu’il y ait des compétitions au sein de la communauté trans. On sait – selon des études auxquelles je me rapporte, mais dont le défaut est de reposer sur des panels pas assez nombreux – qu’une femme trans conserve une force supérieure à une femme cis, mais que, par contre, sa capacité en termes de volume d’air est inférieure à une femme cis, ce qui aurait tendance à annuler le premier gain.

«Ce qui pourrait être tenté, c’est d’intégrer des femmes trans aux compétitions féminines, mais avec un classement distinct. Cela permettrait de vérifier, mais il faudrait un large panel, si les femmes trans ont un avantage ou pas sur les femmes cis»

Le sondage de la Ville de Lausanne emploie l’expression «sexe assigné à la naissance», ce qui suppose un arbitraire, alors que la loi fédérale parle, elle, de sexe enregistré à la naissance. L’expression «sexe assigné à la naissance» vous paraît-elle bienvenue?
Le terme «assigné» ou «assignation» vient du milieu LGBTIQ+ anglo-saxon, où l’on parle de personnes AMAB pour «Asigned Male At Birth» et de personnes AFAB pour «Asigned Female At Birth». L’emploi, dans ce sondage, du terme «assigné», vise à démontrer, auprès des personnes concernées, le côté un peu arbitraire du processus de désignation, puisque, dans l’absolu, on ne peut pas être sûr de l’identité de genre des individus à la naissance. De mon côté, je pense qu’il est important de garder l’actuel mode d’enregistrement comme homme ou comme femme.

Pourquoi?

«Pensons à la santé publique. J’ai besoin d’être reconnue comme née homme pour ce qui concerne le dépistage de certains cancers, celui de la prostate par exemple. Tous les deux ans je fais un dépistage»

Il est donc important que je sois enregistrée comme homme pour mon parcours de santé.

Le sondage fait appel à un grand nombre de catégories identitaires, de genre ou de sexe. Est-ce gage d’intégration, selon vous?
Je suis mitigé sur l’emploi de toutes ces catégories et sous-catégories. Je conçois que pour certains, cela puisse être important. Mais pour un grand nombre, cela peut avoir un effet repoussoir. Personnellement, je n’aime pas ces étiquettes. Si on me questionne, je dirai que je suis une femme trans, que je suis une femme. Créer ces catégories multiples, c’est peut-être aller un peu loin pour le peu d’apport que cela a. Les gens non concernés n’y comprennent plus rien. Même moi qui suis concernée, j’ai dû relire plusieurs fois l’acronyme OSAIEGCS, que je n’avais même jamais vu auparavant.

Etes-vous favorable à la création d’un troisième sexe ou troisième genre dans la loi, comme le demande Nemo par exemple ?
Non, pas tellement. En dehors de la problématique de l’intersexuation, qui doit être reconnue et qui l’est d’ailleurs, je préconise le maintien, à des fins statistiques et médicales aussi, de l’enregistrement à la naissance comme femme, comme homme ou comme intersexe.

«Mais je préconise par ailleurs la non-mention du genre sur les papiers d’identité. Cela n’a plus aucune sens, des pays y ont renoncé»

Ce qui revient à renoncer à la mention d’un troisième genre sur les papiers d’identité?
Oui, parce qu’on risque de se faire outer. On n’a pas forcément envie qu’un douanier ou un policier fasse un usage désagréable des informations de genre lorsqu'on est trans. La gauche hurle pour avoir la reconnaissance d’un troisième genre, mais dans le même temps, elle hurle face aux discriminations, parce qu’un policier, par exemple, est transphobe. Pour toutes ces raisons, je ne suis pas favorable à la création d’un troisième genre dans l’état civil.

Une athlète transgenre pulvérise ses adversaires sur 200 mètres
Video: twitter
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