Son émission ne s'appelle pas «Piers Morgan Uncensored» pour rien. Mercredi soir, le truculent journaliste a fini par lâcher le morceau. Un morceau sur lequel le monde salivait comme un bon steak bien juteux depuis deux ans. L'identité des «racistes royaux».
Juste avant de vous les servir sur un plateau, rembobinons la moindre, voulez-vous?
Souvenez-vous. Nous sommes en mars 2021, dans un jardin rempli de roses et de verdure, dans la douce Californie. A l'occasion d'une interview devenue historique, Meghan Markle confie les «inquiétudes et les conversations» d'un membre de la famille royale sur la couleur de peau de son bébé à naître. Un aveu qui a le don d'arracher un grand «WHAT?!» dramatique à Oprah Winfrey.
La confession suscite un scandale tel qu'il vaut même à la défunte reine Elizabeth II de sortir de son éternel silence pour un communiqué et une formule devenue célèbre: «Les souvenirs peuvent varier». Quelques jours plus tard, de son côté, le prince William lance froidement à un journaliste:
En interne, le roi Charles et sa belle-fille auraient discuté de l'identité de ces personnes dans un échange de lettres privées pour régler la situation.
Deux ans plus tard, malgré des rumeurs et des spéculations sans fin, nous ne sommes guère avancés sur l'identité du «raciste royal». Jusqu'à la publication, ce mardi, du dernier brûlot controversé, Fin de règne. Une enquête signée du journaliste Omid Scobie que nous aurons la joie de découvrir en français ce vendredi, et dans laquelle le correspondant royal - aussi surnommé le «pote de Meg» pour ses accointances avec les Sussex - livre une attaque en règle de la monarchie.
Au-delà de ses «révélations» sur les dynamiques familiales un peu pourries, un autre détail a particulièrement marqué les commentateurs. Omid Scobie affirme en effet connaître l'identité des deux (oui, en fait, il y en aurait deux) racistes royaux. Tout en décidant expressément de ne pas les nommer, en vertu des restrictions légales du Royaume-Uni sur la diffamation.
Jusque-là, rien de neuf sous la brume britannique. C'était sans compter sur la publication d'une autre version en langue néerlandaise, qui, elle, citerait les noms en toutes lettres. Scandale international. Des milliers d'ouvrages se retrouvent aussitôt arrachés des rayons des librairies des Pays-Bas et de Belgique. Sans pour aller jusqu'à confirmer que les noms sont à l'origine du retrait, les éditeurs se sont contentés d'expliquer que le livre est effectivement «temporairement retiré» de la vente, «en raison d'une erreur survenue dans l'édition néerlandaise». «L'édition rectifiée» sera en librairie le vendredi 8 décembre.
Alors qu'une enquête active est en cours pour tirer au clair le pourquoi du comment de ce fiasco éditorial, c'est le Sun qui est parvenu à mettre la main sur la version interdite mercredi soir, à Amsterdam. Le tabloïd confirme bel et bien une différence sur la «querelle raciale», entre la version anglaise et la néerlandaise. Selon nos confrères, la version anglaise du livre d'Omid Scobie indique que:
Alors que la version néerlandaise note:
Un «membre royal de haut rang» dont le nom a largement circulé au sein des rédactions des grands médias britanniques. Un secret de polichinelle. Pourtant, la plupart d'entre eux, du Mirror en passant par le Daily Mail, ont largement choisi pour le moment de ne pas l'écrire.
Mais attendez. C'était oublier la fougue de l'animateur Piers Morgan! «Je vais mettre fin à toutes ces conneries», s'est agacé mercredi soir le célèbre animateur sur la chaîne nationale ITV, avant d'avertir ses téléspectateurs qu'il s'apprête, enfin, à mettre un terme au tabou.
«Parce que, franchement, si les Néerlandais qui se promènent dans une librairie peuvent prendre ce livre et voir ces noms, alors vous, les Britanniques, qui payez pour la famille royale britannique, vous avez le droit de le savoir aussi», clame le journaliste. «Nous pourrons ainsi avoir un débat plus ouvert sur toute cette farce.»
«Mais maintenant, nous pouvons commencer à découvrir s'ils ont été prononcés, quel était le contexte et s'il y avait une quelconque intention raciste. Comme je l'ai dit, je ne crois pas qu'il y en ait eu», poursuit-il. (Oui, le suspens est insoutenable.)
Autant dire que l'effet de cette annonce est équivalent à un tremblement de terre d'intensité 10 sur l'échelle de Richter. Alors que les noms sont désormais largement diffusés en ligne, le Mirror a indiqué dans la foulée que la famille royale, «totalement consternée», aurait pris des conseils juridiques et «envisageait toutes les options» - y compris une action en justice.
Contacté par plusieurs médias pour une réaction, le palais de Buckingham n'a pas encore répondu aux sollicitations.
Quant à l'autre principal concerné, Omid Scobie, il a réagi à chaud dans l'émission très scrutée «This Morning» sur la chaîne ITV. Sans pour autant les confirmer, l'auteur s'est dit «frustré» et «bouleversé» par la publication des soi-disant racistes royaux dans la version néerlandaise. Il a également farouchement nié qu'il s'agissait d'un coup de pub.
Ne nous reste qu'une seule certitude: déclenchée il y a plus de deux ans, la tornade de la «querelle raciale» est loin de retomber.