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Jacobs préfère les Nike aux Puma pour réaliser ses records

epa10502947 Lamont Marcell Jacobs of Italy competes in the third race in the Men's 60m semi final at the European Athletics Indoor Championships in Istanbul, Turkey, 04 March 2023. EPA/Tolga Bozo ...
Marcell Jacobs aux Européens d'Istanbul début mars.Image: EPA
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Comment un changement de chaussures a déréglé une star du sprint

Le champion olympique Marcell Jacobs a tellement de peine à apprivoiser ses nouvelles Puma qu'il a utilisé ses anciennes chaussures Nike, le week-end dernier aux Européens en salle. Un coach et un athlète expliquent la façon dont le matériel modifie la façon même de courir.
07.03.2023, 18:4707.03.2023, 19:42
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Surprise, ce week-end aux Européens en salle: lorsque Marcell Jacobs est apparu sur la piste grise d'Istanbul, journalistes et spectateurs ont découvert qu'il portait les chaussures jaunes de son ancien sponsor (Nike), quatre semaines pourtant après avoir signé un contrat longue durée avec Puma. Le Transalpin a procédé à cette modification de dernière minute pour «retrouver ce feeling» qui lui manquait «ces derniers temps», a-t-il confié après la course. «J'ai besoin de travailler beaucoup plus avec mes nouvelles pointes (réd: le nom donné aux chaussures d'athlétisme) pour essayer de trouver mes repères.»

Son aveu nous rappelle que les chaussures sont aux sprinters ce que les pneumatiques sont aux pilotes de Formule 1 ou les skis aux descendeurs: des pièces maîtresses de la performance. Un changement de matériel peut causer de grands bouleversements et affecter n'importe quelle star de sa discipline, comme Jacobs ou la skieuse Michelle Gisin, méconnaissable depuis son transfert chez Salomon en début de saison.

On peut s'étonner qu'un athlète aussi renommé que Marcell Jacobs, champion olympique en titre sur 100 et 4x100m, pactise avec un nouvel équipementier quatre semaines seulement avant des championnats d'Europe. Mais Kenny Guex, entraîneur en chef du sprint suisse, n'est pas vraiment surpris:

«Pour qu'il le fasse à ce moment-là, l'enjeu financier devait valoir le coup. On touche aux limites du sport business»
Kenny Guex.
Kenny Guex.Image: Swiss Athletics

C'est aussi ce que pense le sprinter genevois Felix Svensson. Il est bien placé pour savoir qu'adopter un nouveau modèle de chaussures n'est pas anodin: comme Jacobs, il a, lui aussi, troqué ses Nike contre des Puma la saison dernière.

Selon Svensonn, les différences entre les deux marques se situent surtout au niveau des sensations:

«La Nike possède une bulle sous la plaque carbone. Celle-ci crée un effet rebond qui modifie les sensations lors du contact au sol et peut, selon votre style de course, vous servir ou vous desservir. Lorsque la bulle touche le sol en effet, elle se déforme, puis doit prendre le temps de se reformer afin de «répondre» à votre puissance. Pour ressentir cet effet rebond, il faut marquer un appui plus long, ajouter quelque chose comme 1 millième de seconde de contact au sol, ce qui modifie la position du bassin et jusqu'à la façon de courir. Or c'est totalement différent avec les Puma qui, elles, possèdent une mousse, mais pas de bulle. Le retour au sol est donc moins important.»
Switzerland's Felix Svensson after the Men's 200 m Round 1 competition of the 2022 European Championships Munich at the Olympiastadion in Munich, Germany, on Thursday, August 18, 2022. (KEYS ...
Felix Svensson (10''51 sur 100m et 20''43 sur 200m) est membre de l'équipe de Suisse.Image: KEYSTONE

Le Genevois dit qu'il lui a fallu un mois pour se sentir parfaitement à l'aise avec ses nouvelles pointes Puma. Kenny Guex préfère compter un peu plus large. «On considère qu'un athlète a besoin de 20 à 30 entraînements pour se familiariser avec son matériel.» Un temps que Marcell Jacobs n'a pas vraiment eu. Il n'a participé qu'à trois compétitions (Lodz, Lievin et Ancône) avec ses «evoSpeed Tokyo Nitro», au cours desquelles il n'a guère brillé.

Conscient que sa foulée n'était pas aussi fluide qu'en 2022, il a ensuite passé cinq jours dans les locaux de son nouveau sponsor à Francfort afin d'étudier et de développer une chaussure qui réponde parfaitement à ses besoins. Celle-ci ne pouvant être conçue en un laps de temps aussi court, il a demandé à Puma (et obtenu de la marque) l'autorisation de renouer avec ses anciennes pointes le temps des Européens.

epa10504251 (L-R) Silver medalist Lamont Marcell Jacobs, gold medalist Samuele Ceccarelli, both of Italy and bronze medalist Henrik Larsson of Sweden celebrate on the podium for the 60m Men's Fin ...
Le podium sur 60m: Marcell Jacobs (argent), Samuele Ceccarelli (or) et Henrik Larsson (bronze).Image: EPA

Sa deuxième place est une contre-performance, qu'il serait toutefois purement spéculatif d'attribuer à son «transfert» en amont de la compétition, surtout que le tenant du titre est apparu diminué physiquement en finale. Ce qui est vrai en revanche, c'est que les changements auxquels il a dû faire face depuis le début de l'année ont parasité sa préparation.

Le jeu en valait-il la chandelle? Après tout, Marcell Jacobs était devenu avec Nike une star multimédaillée, l'homme le plus rapide d'Europe (9''80). Il connaissait chaque couture de sa chaussure, qui lui allait comme un gant. En optant pour les pointes carbones d'une marque concurrente, l'Italien n'était pas certain d'aller plus vite, encore moins d'avoir de meilleures sensations sur la piste. Il savait en revanche que son partenariat serait un énorme coup marketing et financier, et qu'il lui permettrait de facto de marcher sur les traces d'Usain Bolt, ancienne égérie de la marque allemande.

Un héritage que l'athlète de 28 ans devra assumer jusqu'au bout. Il n'est pas certain en effet que Puma autorise aussi facilement son nouvel ambassadeur à chausser ses anciennes pointes lors du prochain meeting. En coureur habitué à défier le chrono, Marcell Jacobs sait que le temps presse...et qu'il vient de manquer sa sortie des starting-blocks.

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Video: watson
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