Nous avons épluché toutes les saisons de Stefan Küng depuis 2010 sur le site de référence Procyclingstats. Résultat: le Thurgovien a terminé 19 fois à la pire des places. Un chiffre qui, pris seul, ne veut toutefois pas dire grand-chose. Les coureurs cyclistes participent à de nombreuses épreuves chaque saison et terminer 2e à 19 reprises, ce n'est peut-être pas si étonnant que cela. Et puis, toutes les places de dauphin ne se valent pas. L'amertume dépend évidemment du prestige de la compétition (échouer au poteau sur une petite course est moins douloureux que sur le Tour de France ou les Mondiaux) et de l'écart avec le premier: plus il est infime, et plus les regrets sont grands. Penchons-nous donc plus en détails sur les malheurs de Stefan Küng.
Pour en avoir une idée, il faudrait idéalement comparer ce chiffre avec un coureur qui présenterait le même profil que Stefan Küng, donc trouver un spécialiste du contre-la-montre et des classiques, idéalement suisse. Vous l'avez? Fabian Cancellara, évidemment.
On pourrait aussi comparer les 19 deuxièmes places aux 22 de Peter Sagan rien que sur le Tour de France. Pourquoi les 2es places du Thurgovien nous marquent-elles autant? Peut-être parce que Stefan Küng n'a pas été récompensé autant que Fabian Cancellara. Sans doute aussi parce que certaines 2es places de Küng ont été particulièrement cruelles.
Le natif de Wilen a goûté très tôt à l'amertume d'une 2e place rageante. Il n'avait même pas 18 ans quand il a terminé juste derrière le vainqueur pour la première fois de sa carrière, échouant à...une seconde (!) de Danny Van Poppel après 104 kilomètres de courses sur les Trois Jours d'Axel, une épreuve juniors organisée aux Pays-Bas.
Il s'agit sans conteste de la saison 2017, avec pas moins de cinq places de dauphin en même pas trois mois. Sur l'épreuve en ligne des Championnats de Suisse d'abord, sur les deux chronos du Tour de Suisse ensuite, lors de l'épreuve par équipes des Mondiaux aussi mais, surtout, sur le Tour de France. Car le 1er juillet 2017, «King Küng» avait une occasion en or de revêtir le prestigieux maillot jaune sur le court tracé (14 km) de Düsseldorf, mais il a échoué à 5 secondes de Geraint Thomas.
«Geraint Thomas a dû voler (...) Je voulais gagner et endosser le maillot jaune. La déception l’emporte pour le moment sur la fierté d’avoir réussi une bonne performance», fulminait le Suisse à l'arrivée.
C'était il y a deux ans, à Munich. Ce jour-là, notre malheureux cycliste n'avait été battu que de 54 centièmes par Stefan Bissegger lors des Championnats d'Europe. Küng était pourtant devant au temps intermédiaire après 15,5 km, mais il avait craqué sur la fin.
On est obligé de penser aux Mondiaux de Wollongong (Australie) en 2022. Parce qu'il y avait la place pour frapper un grand coup, et parce que cette déception intervient dans une sale période pour Stefan Küng. Privé de bronze pour 4 dixièmes l'année précédente aux JO, battu de 54 centièmes par Bissegger lors des Européens, il n'a été cette fois devancé que de trois secondes par le Norvégien Tobias Foss. Küng en avait pourtant 12 d'avance sur son adversaire après 24,5 des 34,2 km du parcours.
Cette saison, Stefan Küng a manqué le titre aux Européens de Zolder (Bel) pour moins de dix secondes. Il a été battu par Italien Edoardo Affini et pouvait espérer mieux, si la pluie ne s'était pas mise à tomber dès son départ et si une erreur de trajectoire en fin de parcours ne lui avait pas fait perdre de temps. Mais le Thurgovien de 30 ans n'est pas du genre à ruminer ses échecs et son esprit est désormais tout entier tourné vers le chrono des Mondiaux à domicile (un tracé de 46,1 km avec 413m de dénivelé positif), ce dimanche 22 septembre.
La concurrence sera toutefois rude puisque Remco Evenepoel, Filippo Ganna, Primoz Roglic, Brandon McNulty, Magnus Sheffield ou encore Joshua Tarling espèreront tous priver une nouvelle fois le Suisse de la plus belle des médailles.