L'affaire des faux comptes Twitter aux contenus insultants secoue le Paris Saint-Germain. Entre 2018 et 2020, une agence mandatée par le club, Digital Big Brother (DBB), basée à Barcelone, aurait produit de nombreux tweets dans le but de nuire à la réputation d'individus et de médias jugés hostiles au PSG.
Dans cette liste de personnes et entités visées, on trouve, c'est à peine croyable, des joueurs du club: Kylian Mbappé lui-même et Adrien Rabiot (aujourd'hui à la Juventus, alors qualifié de «Gros FDP»). Mais aussi le président de l'Olympique lyonnais Jean-Michel Aulas, ou encore un supporter rennais que la star brésilienne Neymar avait giflé en avril 2019 au Stade de France à l'occasion de la finale de la Coupe de France opposant Rennes au PSG.
Des médias ont également été ciblés, notamment L'Equipe et Mediapart (traité de «Mediapartouze»), ce dernier étant à l'origine des présentes révélations.
Le PSG nie avoir contracté avec quelque agence que ce soit. Or, si le club présidé par le Qatari Nasser al-Khelaïfi n'a pas signé de contrat avec l'agence DBB, il l'a bel et bien rétribuée pour ses services, comme en attestent des documents de Mediapart. Contacté par watson, un ancien salarié de Digital Big Brother le confirme:
Le collaborateur en question se nomme Jean-Martial Ribes. Ce proche d'al-Khelaïfi dirige alors la communication du Paris Saint-Germain.
«Des virements nous arrivaient tous les mois du PSG avec en-tête du club», relate notre source. L'un de ces paiements, dont watson a obtenu copie, daté du 31 juillet 2019, porte sur un montant de 25 000 euros. Joint par e-mail, le service de communication du PSG n'avait pas répondu à watson au moment de la parution du présent article.
Menée par une «armée numérique» (l'agence DBB) pour le compte du PSG, cette activité de trolling a fait l'objet d'un rapport de 50 pages. Selon des informations récoltées par watson, ce rapport aurait été découvert au cours d'une perquisition menée en lien avec la gifle donnée par Neymar au spectateur rennais.
Comment se fait-il que le PSG soit entré en contact avec l'agence Digital Big Brother, immatriculée à Barcelone? DDB est contrôlée par l'homme d'affaires franco-tunisien Lotfi Bel Hadj, «à la tête d’une myriade de sociétés qui louent leurs services à des personnalités, des entreprises ou des États pour gérer leur communication numérique», rappelle Mediapart.
Mais surtout, Lotfi Bel Hadj et Nasser al-Khelaïfi se connaissent. Le premier a œuvré à la communication du Qatar lors de la crise du Golfe qui a opposé l'émirat à son voisin l'Arabie Saoudite entre 2017 et 2021, a appris watson.
Derrière DDB, on trouve UReputation, une société dirigée par Lotfi Bel Hadj, spécialisée dans la «cyberinfluence». UReputation a intenté un procès à Faccebook après que le réseau social de Mark Zuckerberg a fermé en 2020 182 comptes Facebook et 209 comptes Instagram.
Le géant américain reproche à UReputation et à son dirigeant Lotfi Bel Hadj d'utiliser des données personnelles pour orienter les choix lors des campagnes électorales effectuées dans des pays africains. Notamment à l'occasion des élections présidentielles de 2019 en Tunisie, en faveur du candidat Nabil Karoui, un homme d'affaires qui sera battu par Kaïs Saïed, l'actuel président tunisien.
Avant cela, en 2018, le nom de Lotfi Bel Hadj avait été associé à la défense de Tariq Ramadan, lorsque l'islamologue genevois, alors en bons termes avec le Qatar, avait été incarcéré préventivement en France à la suite de plaintes pour viols déposées contre lui. Des «faux comptes», en soutien au mis en cause, avaient été évoquées à l'époque.
La dernière affaire en date, celle éclaboussant le PSG, aura-t-elle une suite judiciaire? Des plaintes pour diffamation seront-elles déposées contre le club parisien et l'agence DBB? Les faits seraient prescrits pour ce qui concerne le chef de diffamation.
Pour rester dans le domaine du football, les familiers des grands clubs professionnels rappellent à quel point les coups donnés en dehors du terrain peuvent être rudes. Et que le trolling, le démontage d'individus à coups de «FDP» et autres joyeusetés du langage, serait à la communication footballistique ce que le méchant tacle est au tacle dans les règles. Ça fait mal, mais on s'en remet.