Sport
Football

Pourquoi les clubs embauchent d'anciens arbitres

Football: Pourquoi les clubs embauchent d'anciens arbitres
D'anciens arbitres de football sont engagés pour expliquer les nouvelles règles et en maîtriser toutes les finesses. shutterstock

Les clubs de football recrutent désormais d'anciens arbitres

L'Olympique de Marseille vient de recruter un ex-arbitre, et il n'est pas le seul: peu à peu, des directeurs de jeu à la retraite sont engagés à grands frais et intégrés au staff technique. Qu'est-ce que ça cache?
12.12.2024, 18:46
Plus de «Sport»

La dernière recrue de l'Olympique de Marseille est...un arbitre. Retraité du sifflet depuis 2022, Frank Schneider a été engagé la semaine dernière afin d'apporter son expertise à Roberto de Zerbi et ses joueurs.

L'OM n'est pas la seule équipe à travailler avec un ex-directeur de jeu: de nombreux clubs ont aussi fait ce choix qui, au premier abord, peut paraître un peu étrange, voire suspecte. Que peut bien enseigner un ancien arbitre à une équipe de foot, sinon l'art de l'entourloupe et de la flagornerie? En général, les gens honnêtes, s'ils n'ont pas de mauvais desseins, ne ressentent pas le besoin de consulter un gendarme.

Mais en parlant avec les intéressés, l'idée paraît immédiatement moins sotte. Un constat émerge au-dessus de tout soupçon: il y a un savoir, un champ de connaissances mal exploitées. Dans sa quête obsessionnelle de gains marginaux, le football moderne a pensé à tout (GPS, bains d'azote, matelas avec mémoire de forme), sauf à l'arbitrage. «C'était la dernière pièce manquante d'un professionnalisme généralisé», affirme Sébastien Pache, 234 matchs parmi l'élite.

«Chaque année, le football édicte de nouvelles règles. Très souvent, ces règles ont une influence directe sur la tactique. Par exemple, la possibilité de ressortir le ballon depuis les seize mètres a transformé le jeu en profondeur. De nombreuses équipes ont remplacé les longs dégagements aériens par des passes au sol depuis l'arrière. L’œil d'un arbitre aide à comprendre ce qui est permis ou non, d'en évaluer les avantages.»
Sébastien Pache

Mais pas seulement: ancien arbitre Fifa, Stéphan Studer ne cache pas une certaine méfiance. «Si l'intention est de mieux comprendre les règles du football, d'en assimiler les changements incessants et d'en maîtriser les finesses, je trouve l'idée très bonne. Mais si le but est de mieux contourner ces règles, d'exploiter des zones grises, je suis évidemment moins fan.»

Sébastien Pache ne le nie pas: ceux qui engagent d'anciens arbitres ne se contenteront plus d'analyser leurs futurs adversaires. Ils étudieront le profil complet du directeur de jeu, ses principes et ses failles, dans le même but (somme toute très contemporain) de réduire l'imprévu. Mais sans forcément penser à mal.

«Il existe différents styles d'arbitrage», rappelle le Vaudois. «L'un sera peut-être plus sévère sur le comportement, l'autre plus pointilleux sur certains gestes. Par exemple, l'un sifflera immédiatement une faute de main quand l'autre interprétera davantage l'intention. Avec l'un, il sera possible de discuter, tandis que d'autres n'aiment pas du tout cela. Ces renseignements sont utiles. Ils peuvent éviter pas mal de coups francs et de cartons jaunes.»

Une sortie de balle depuis l'arrière, avec la possibilité de relancer dans les seize mètres.
Une sortie de balle depuis l'arrière, avec la possibilité de relancer dans les seize mètres.

Le rugby a compris avant tout le monde le poids des erreurs et des sanctions sur son bilan comptable. D'autres diront qu'il vit avec son temps, celui du contrôle et du risque zéro, depuis qu'il est privé d'apéro. Reste que dans le Top 14 français, plus de la moitié des clubs emploie un arbitre, parfois chèrement, pour éduquer les joueurs à davantage de civilité (sinon de discrétion). Le football commence tout juste.

«Je vous avoue que le thème de votre article m'a d'abord surpris», rigole Stéphan Studer. «A la réflexion, je vois un vrai potentiel. Tactiquement, c'est un avantage considérable de savoir que votre prochain arbitre ne siffle pas beaucoup les petits contacts, les petits tirages de maillot, parce qu'il privilégie la fluidité du jeu. On pourrait citer d'autres domaines assez classiques (hors-jeu, marquage) où un travail préventif peut donner des clés.»

Sébastien Pache approuve: «Fatalement, les joueurs ne contesteront pas des règles qu'ils connaissent mieux. Un arbitre employé par un club peut même débriefer les litiges a posteriori, surtout s'il y a un sentiment d'injustice, afin d'évacuer la frustration».

Selon Sébastien Pache, il serait vain de vouloir amadouer un arbitre. «En revanche, on peut déjà éviter de l'énerver. Avec moi, le joueur qui aboyait à chaque fois que je sifflais finissait souvent par prendre un carton. Il n'était pas inutile de le savoir.»

Le Vaudois insiste: «Le football a apporté des améliorations dans tous les domaines, la psychologie, la nutrition, le sommeil. L'arbitrage représente 10% d'amélioration supplémentaire, les 10% manquants.» En Suisse, pourtant, aucun club n'y a pensé. «Avant chaque saison, la Swiss football league (SFL) organise une séance d'information d'environ une heure, mais c'est tout. Et ces séances intéressent peu les joueurs...», témoigne Sébastien Pache.

Le jeune retraité raconte une anecdote: «Un jour, devant une équipe romande tout entière, j'ai demandé qui avait déjà lu les règles du football. Personne n'a levé la main». Stéphan Studer n'est pas étonné: «En général, les joueurs connaissent très mal les règles. J'ai l'impression que mieux ils les maîtriseront, mieux ils en exploiteront les subtilités. Tactiquement, techniquement ou mentalement. Engager un ancien arbitre, finalement, c'est assez malin».

Plus d'articles sur le sport

«Les joueurs de l'équipe de Suisse, c'est des amateurs, non?»
Video: watson
Ceci pourrait également vous intéresser:
0 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
Deux stars du sport s'écharpent sur le voile islamique
Le judoka Teddy Riner et l'ex-champion du monde de boxe Mahyar Monshipour se disputent sur le voile islamique, au moment où un projet de loi en France veut l'interdire dans les compétitions sportives.

C’est un débat incandescent que la loi pourrait prochainement trancher en interdisant le port des signes religieux dans les compétitions sportives en France. Le voile musulman, appelé aussi hijab, est concerné au premier chef, sans jeu de mots. Deux sportifs de très haut niveau, la star du judo Teddy Riner et l’ancien champion du monde de boxe d’origine iranienne Mahyar Monshipour, ont fait connaître leur point de vue sur le sujet. Ils sont diamétralement opposés.

L’article