Ce 27 avril 2019, Nelson a un prétexte tout trouvé pour faire une grosse nouba dans la capitale. L'équipe qu'il supporte, le Stade Rennais, vient de battre le Paris Saint-Germain en finale de la Coupe de France et de remporter un premier trophée après 48 ans. Mais pour le fan breton, cette soirée ne restera pas un bon souvenir. Non parce qu'il l'a oubliée dans un excès de chouchen et de lambig. Mais parce qu'elle marque le début d'un cauchemar dont il n'est toujours pas sorti.
Tout commence dès la fin de cette finale. Quelques minutes après leur séance de tirs au but perdue, les joueurs du PSG montent dans la tribune pour aller chercher leur médaille. Nelson se trouve sur leur passage, juste à côté des escaliers. Pas très malin sur le coup, il chambre les Parisiens en leur adressant directement la parole. A Neymar, il glisse ce «conseil»:
C'est peu dire que la star brésilienne n'apprécie pas: elle colle une gifle à son détracteur. Si Nelson n'est pas le plus avisé des experts, il n'en est pas moins victime d'un geste violent qui fait le buzz dans le monde entier. Mais la claque sur son visage n'est qu'un amuse-gueule de ce qu'il s'apprête à subir.
Dès le lendemain, le compte Twitter pro-PSG «Paname Squad» poste une vidéo de Nelson souriant en compagnie d'un joueur rennais, peu après l'incident, avec la légende:
A ce moment, on ne le sait pas encore, mais ce compte est contrôlé directement par le service communication du Paris Saint-Germain, comme l'a révélé l'enquête de Mediapart. Une heure et demie plus tard, «Paname Squad» tweete à nouveau, cette fois pour demander aux internautes s'ils ont le contact du supporter breton, dont l'identité est encore inconnue.
Mais cette identité sera vite trouvée puis divulguée. Cinq jours plus tard, un faux compte de l'armée numérique du PSG publie les coordonnées complètes de Nelson. Ces informations sont accompagnées d'un message diffamatoire et d'un emoji qui vomit: «Le mec ne serait qu'un petit escroc, connu des services de police, selon les mecs de sa ville.»
Le calvaire commence. «Quand mon prénom, mon nom et mon adresse sont sortis, j'ai paniqué. Je me suis demandé comment ils savaient tout cela», rembobine Nelson dans L'Equipe. Les soupçons portent sur un ancien agent de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), devenu salarié du PSG en 2018 et qui aurait eu accès aux informations confidentielles grâce à la complicité d'anciens collègues policiers. Le Rennais prend peur et il a raison: «Plusieurs fois, la nuit, des voitures sont passées à côté de chez moi, les gars m'ont insulté en klaxonnant.» Il complète, dans Mediapart:
Le Français tombe alors dans la paranoïa: «Je regardais derrière moi, pour voir s'il y avait des détectives privés.»
Cette atmosphère délétère et anxiogène le pousse à fermer son restaurant. «Après cette histoire, j'ai vendu mon établissement, car je n'en pouvais plus. C'était n'importe quoi. J'avais fait plusieurs mois de travaux pour arriver le matin et voir des crachats sur les vitres. Quand j'ai vendu, j'ai été soulagé.»
Mais ça n'a pas suffi à le tranquilliser. Nelson explique avoir déménagé et fait «encore des cauchemars». On peut être certain que le Breton ne possède pas de poster ni de vignette Panini de Neymar dans sa chambre, même pour y lancer des fléchettes:
Alors qu'il avait commencé à oublier, trois ans et demi après l'incident du Stade de France, le supporter du Stade Rennais a été rattrapé par son passé. Les fantômes ont ressurgi le 6 septembre dans le bureau de l'enquêteur qui travaille, parallèlement à Mediapart, sur l'affaire des faux comptes Twitter. «Je me suis demandé jusqu'où cela a été, et quand ça s'arrêtera», avoue-t-il.
Nelson craint aussi que sa plainte déposée ce mardi contre X – mais qui vise clairement le PSG et l'agence de communication Digital Big Brother – ne lui cause d'autres ennuis. «S'ils ont été capables, pour protéger leur joueur, de m'envoyer une armée de pirates (sic) et salir mon image, que pourraient-ils faire pour sauver l'image du club, et non plus seulement d'un joueur?», anticipe-t-il.
Quoi qu'il en soit, le Breton a eu le courage de porter l'affaire en justice. Il est la première victime des faux comptes Twitter du PSG à l'avoir fait. De quoi ouvrir la voie à d'autres actions en justice? On pense en premier lieu à l'ex-joueur parisien Adrien Rabiot et à Jean-Michel Aulas, président de l'Olympique lyonnais, tous deux insultés par ces profils pirates.