Lorsque les footballeurs veulent souligner leur attachement à leur région d'origine ou évoquer leur parcours semé d'embûches, ils disent volontiers: «Je sais d'où je viens». Cette phrase a été entendue à maintes reprises. Ayo Akinola ne la dit pas. Mais quoi qu'il raconte, on sent qu'il sait exactement d'où il vient. Du bas de l'échelle. En raison de son passé, il est extrêmement reconnaissant pour tout ce qu'il vit désormais.
Lorsqu'il était enfant, Akinola a passé des mois dans des programmes pour sans-abri dans la banlieue de Toronto. Il est né à Détroit d'un couple nigérian qui avait quitté l'Afrique pour les Etats-Unis. Mais très vite, la mère et son fils sont partis au Canada et le père est resté à Détroit, juste avant que ne naisse le frère du petit Ayo. Or même en Ontario, de l'autre côté de la frontière, l'argent ne suffisait pas pour un appartement. Ils dormaient parfois tous les trois dans la voiture.
Mais le pire était encore à venir. Un documentaire d'une chaîne canadienne raconte comment les deux jeunes frères ont dû emmener leur mère à l'hôpital après une tentative de suicide. Son adolescence était «rough» («brutale»), résume Akinola.
La tournure qu'a prise sa vie est finalement celle que des millions de jeunes dans le monde souhaiteraient. Le joueur s'en est sorti et a même été en passe de devenir une star du football. Il a régulièrement marqué en MLS, inscrivant également un but pour l'équipe nationale des Etats-Unis. Mais les coups ont suivi et Ayo Akinola vit désormais à Wil (SG), où sa mère lui a rendu visite récemment, comme le jeune homme de 25 ans le raconte fièrement.
Akinola est sous contrat avec le FC Wil depuis le début de la saison. Le directeur sportif Jan Breitenmoser a pris contact avec son agent à l'été 2024 et s'est renseigné pour voir s'il y avait une possibilité d'engager le joueur de Toronto. Mais Breitenmoser a jeté un œil à son salaire en MLS et a vite déchanté: «Il est impossible que nous l'engagions chez nous». Il était écrit 750 000 dollars.
Ce montant dévoile le potentiel autrefois attribué à l'attaquant américain. Lui et son frère ont été admis très tôt dans l'académie du Toronto FC. «Nous n'avions jamais prévu de devenir professionnels, nous jouions simplement au football tous les jours, pour le plaisir et pour nous distraire», raconte Akinola. Mais ils se sont fait remarquer et tout est allé très vite. Ayo a été formé durant un an dans un pôle de talents en Floride, alors que son frère évolue aujourd'hui en Australie.
Il a ensuite a été sélectionné pour représenter les équipes jeunes des Etats-Unis, mais il a choisi le Canada, après donc un match sous les couleurs de Team USA. Au final, Akinola a servi quatre fois les «Canucks». «Est-ce que je me sens plus Américain ou Canadien? Ne me posez pas cette question», dit Akinola en riant. Il ne peut pas y répondre.
Ayo Akinola a convaincu en MLS par sa vitesse et sa puissance. Des offres de grands clubs européens lui sont parvenues, mais Toronto ne l'a pas laissé partir. Et au moment où sa carrière prenait son envol, une rupture des ligaments croisés l'a freiné. Il a certes continué à jouer en MLS par la suite, mais il a perdu un peu de sa fougue. Après un prêt aux Earthquakes de San Jose, le footballeur n'a plus beaucoup joué à Toronto.
Cela signifie que les 750 000 dollars n'étaient pas la valeur sur laquelle le FC Wil devait se baser. Cela aurait tout de même représenté un quart du budget annuel du club.
Mais qu'importe le salaire, c'est le changement qui intéressait Akinola:
Autrement dit, il savait qu'il jouerait devant 1 000 spectateurs au lieu de 20 000, que la ligue serait moins médiatisée et que son salaire serait beaucoup plus faible. Mais il savait aussi qu'il aurait certainement plus de temps de jeu.
Ce ne fut toutefois pas le cas durant ses premières semaines en Suisse, car le joueur a eu du retard à rattraper sur le plan physique. Il a cependant été régulièrement titularisé depuis la fin du mois de novembre et totalise sept buts cette saison, dont un doublé contre Bellinzone le 8 mars.
Il se présentera vendredi soir (19h30) sur la pelouse du Stade Nyonnais en qualité de meilleur attaquant du FC Wil, et avec l'ambition de marquer encore. Histoire d'intégrer un jour un grand championnat européen, comme son compatriote et ami Alphonso Davies, à qui il rend régulièrement visite au Bayern Munich.