Gros coup de gueule à Bordeaux. Celui de Gérard Lopez, propriétaire et président du club, après la défaite à domicile contre Brest (1-2).
Pour y arriver, le dirigeant compte toujours sur un certain Vladimir Petkovic. Et ce, malgré le mauvais bilan de l'ancien sélectionneur de la Nati depuis le début de la saison: deux victoires, sept nuls et six défaites. Plus grave, Bordeaux, 16e, ne compte plus qu'un point d'avance sur le dernier, Saint-Etienne. Avec de tels résultats, plusieurs clubs auraient déjà actionné le couperet. Petkovic, lui, n'est même pas sur un siège éjectable. On en veut pour preuve les propos d'Admar Lopes, directeur technique des Girondins, dans les colonnes du Sud Ouest:
«Petkovic bénéficie de l'un des climats de travail les plus favorables de l’histoire des Girondins», analyse Yvan Plantey, journaliste à France Bleu Gironde et spécialiste du club. «Les supporters sont patients avec lui.»
Cette indulgence s'explique par le contexte dans lequel le Mister a débarqué cet été – à la surprise générale, après un superbe Euro. Bordeaux, étendard historique du foot français (six fois champion national), sortait d'une saison très mouvementée sportivement, mais surtout économiquement: il a échappé à la disparition uniquement grâce à son rachat par Gérard Lopez, homme d'affaires hispano-luxembourgeois.
«Petkovic est arrivé sur un champ de ruines», résume Yvan Plantey. «Il a pas mal de circonstances atténuantes», appuie son confrère du quotidien Sud Ouest Nicolas Le Gardien. Il enchaîne:
Souvent critiqué en Suisse pour sa frilosité tactique, Petkovic a étonnamment séduit les experts au niveau de la jouerie. «Il propose un style offensif, avec des latéraux qui montent beaucoup», applaudit Nicolas Le Gardien. «On voit des buts, on ne s’embête pas!», surenchérit Yvan Plantey.
Mais le gros problème, c'est qu'ils sont aussi souvent marqués dans la cage bordelaise. Les Girondins ont la moins bonne défense du championnat, avec déjà 32 pions encaissés en seulement 15 matchs. Pour sortir de cette zone dangereuse, il n'y a qu'un seul chemin: régler les problèmes défensifs. Et vite. «La situation n'est pas encore catastrophique, tempère Nicolas Le Gardien. Bordeaux n'est pas largué au classement, mais la pression est montée avec ces deux derniers mauvais résultats. Après quelques progrès le mois dernier, on pensait que ces deux matchs contre Metz et Brest, de petites équipes, allaient permettre de décoller enfin.»
Il n'en a rien été: les Girondins ont concédé le nul 3-3 en Lorraine, après avoir mené 2-0 et joué à 11 contre 10 les 25 dernières minutes. Dimanche, ils se sont faits renverser par les Bretons alors qu'ils menaient 1-0 à la mi-temps.
Vladimir Petkovic n'a remporté que 13,3% de ses matchs sur le banc avec les @girondins en @Ligue1UberEats (2/15). Pus faible ratio de victoires pour un entraineur dans l'histoire de Bordeaux dans l'élite. @PSSportsFR #FCGBSB29
— Stats Foot (@Statsdufoot) November 28, 2021
Pour le journaliste de Sud Ouest, l'ancien sélectionneur de la Nati est maintenant attendu au tournant: «L'équipe a besoin de points. Les supporters sont encore patients, mais s'il n'y a pas de bons résultats lors des deux prochains matchs, ça risque de changer. Il faudra qu'il gagne un ou deux matchs sur les quatre avant la trêve de Noël.»
Petkovic a donc encore la confiance de ses supérieurs, des fans et de ses joueurs. Mais ce lien est fragile. Et il commence déjà à s'effriter.
J'écoute la conférence de presse de Petkovic, j'entends sicuramente, j'éteins la conférence de presse de Petkovic
— bordelaiiiis1733 (@bordelais1733) November 4, 2021
Le Mister s'est engagé en Haute-Aquitaine pour trois ans, où ses dirigeants comptent sur lui pour reconstruire leur équipe à moyen terme. Désormais, le temps presse. Et la question se pose: l'ancien homme fort de la Nati est-il capable de redresser dans l'urgence une équipe en détresse, lui qui n'a jamais connu pareille situation dans sa carrière d'entraîneur?
Yvan Plantey en est certain. «Bordeaux sera 17e ou 18e à Noël, mais la mayonnaise Petkovic va prendre en janvier-février et l'équipe finira la saison à une insignifiante mais confortable 12e place», s'avance le journaliste sportif.
A Bordeaux, le Tessinois n'a pas gardé que ses habitudes langagières. Il a aussi conservé son calme sur et en dehors du terrain. En Suisse, ce trait de caractère était souvent assimilé à un manque de personnalité ou à de la froideur. Sur les bords de l'Atlantique, il est perçu comme une force. Qui pourrait même jouer un rôle clé dans le maintien en première division des Bordelais, seul objectif de cette saison tortueuse. «Il y avait le feu dans le club ces trois dernières années, rembobine Nicolas Le Gardien. Les prédécesseurs de Petkovic lâchaient parfois des bombes en conférence de presse. Alors sa sérénité est positive en temps de crise.»
Ce contraste avec le passé récent, Yvan Plantey le constate aussi. «On s'emmerde aux conférences de presse de Petkovic. On n'y apprend pas grand chose, et comme en plus on manque de moyens humains dans ma rubrique, on n'y va parfois même pas», rigole l'homme de radio. Pourtant, ce sont justement la retenue et les qualités humaines de l'Helvète qui lui plaisent. «Si j’étais footballeur, j’aurais aimé être entraîné par Petkovic. Devant les journalistes, il n'accuse jamais un joueur en particulier, mais pense toujours de manière collective, contrairement à d’autres entraîneurs.»
Yvan Plantey poursuit: «Petkovic est très classe, physiquement et dans son attitude. Il remercie par exemple toujours ses traducteurs et est respectueux avec ses interlocuteurs.»
Mais une telle attitude, aussi respectable soit-elle, permettra-t-elle vraiment de galvaniser des joueurs qui ne semblent absolument pas concernés par la situation critique de leur équipe, à en croire leurs dirigeants?
Tous les entraîneurs de haut niveau le disent: aujourd'hui, leur succès repose sur une maîtrise subtile de la psychologie. Le fameux «juste milieu», entre compréhension et autorité dans le vestiaire. On saura déjà d'ici à Noël si Vladimir Petkovic a réussi son début de numéro d'équilibriste. Il commence ce mercredi soir déjà, sur la pelouse de Strasbourg.