Fribourg-Gottéron est un des clubs de National League qui dispose de la fanbase la plus enthousiaste. Enraciné dans sa ville ou auprès de ses fans, il l'est aussi avec son folklore. On parle évidemment de son emblème: le dragon.
Et ce dragon, il est partout. Sur les maillots du club, les drapeaux, les bonnets, dessiné sur tout le merchandising possible et imaginable, sur les gobelets en plastique de la BCF-Arena qui débordent de Cardinale, jusque dans les colonnes de La Liberté sous la plume de son dessinateur, Alex.
Mais «Gottéron», ça veut dire quoi? Et en quoi c'est lié au dragon? Pour les Fribourgeois qui nous lisent, les lignes qui vont suivre vont paraître évidentes comme une poire à Botzi posée dans une assiette de Bénichon. Pour les autres, laissez-vous guider dans les contes et légendes de la cité sarinoise.
Le Gottéron (Galtera en allemand), c'est cette vallée qui s'ouvre au fond de la basse-ville de Fribourg et le nom de la rivière qui la traverse. Elle est surplombée par le pont du Gottéron, visible de loin dans la ville.
Le cours d'eau prend sa source à l'est, dans la région alémanique du canton. Après une quinzaine de kilomètres parmi les vertes collines et les prés, elle termine sa course au milieu de cette vallée, faite de falaises de molasse escarpées. Elle se jette dans la Sarine, en pleine vieille ville de Fribourg, non loin du pont de Berne, dans le quartier de l'Auge.
Bon, merci pour le cours de géo, professeur. Mais il vient d'où, ce dragon? La légende date du Moyen-Âge: une puissante créature vivrait dans cette vallée, mystérieuse et sauvage, qui inspire un certain lyrisme.
Les Légendes fribourgeoises, un ouvrage de contes folklorique de l'abbé Joseph Genoud datant de 1892, détaillent précisément la peur que faisait subir l'inquiétante bête ailée, aussi redoutable que redoutée, aux pauvres Fribourgeois.
«Une longue gueule armée de dents tranchantes comme une scie révélait ses instincts féroces et son formidable appétit», raconte le texte. Le dragon «se contentait d'ordinaire par année de deux proies bien choisies. C'était peu, mais encore trop», raconte-t-on.
Les pauvres habitants de la cité des Zähringen, las de devoir sacrifier trop des leurs, ne pouvaient pas venir à bout du monstre. Ce n'est pas tout:
Mais on ne combat pas toujours le feu par le feu. Un disciple de Saint-Meinrad — un ermite du 9e siècle qui a réellement existé —, qui selon la légende disposait du «secret d'apprivoiser les animaux féroces», fut appelé en dernier recours.
Se dressant face au dragon, «fier et menaçant sur le seuil de sa caverne», le moine murmure des prières pour faire fuir le monstre. Celui-ci, pas le moins du monde intimidé, «s'élance jusqu'au sommet de son rocher» et s'avance vers le disciple, prêt à le dévorer.
Mais «le moine poursuit ses exorcismes» et hausse le ton, criant ses incantations. Celles-ci s'accumulent, se transforment en écho bruyant et le sol finit par trembler alors qu'un «effrayant craquement retentit».
Le dragon est vaincu, écrasé par les roches. «A cette vue, le peuple applaudit bruyamment et félicita le moine», nous dit le conte de l'abbé Genoud.
En souvenir de cette histoire, une tête de dragon est gravée dans la roche, dans la vallée. D'autres légendes existent dans le canton, telle que celle des Fées du Lac Noir, en Singine (où se trouve également une sculpture de dragon), ou encore de la fontaine de Lessoc, en Gruyère.
Le nom du HC Fribourg-Gottéron est lui aussi lié à cet endroit très particulier: il a été fondé par de jeunes hockeyeurs enthousiastes de la Basse-Ville de Fribourg, en 1937. L'histoire veut qu'ils allaient s'entraîner sur des surfaces de pisciculture aménagées sur des pans de la rivière, dans la vallée, et qui gelaient en hiver.
Entre les années 1940 et 1980, lorsque le club passe en LNA, le dragon ne sera pas aussi largement montré qu'aujourd'hui. Les années 1990 voient le développement du dragon comme mascotte. L'animal sera définitivement consacré par une sculpture mécanique, gueule ouverte et béante, de laquelle débarquent les joueurs avant le match.
C'est Hubert Audriaz, artiste bien connu du tout-Fribourg, qui l'a créée en 1998. Elle restera en service durant vingt saisons, jusqu'à sa remise en 2018.
Mais les dragons continuent d'entrer sur la glace sur le thème des mythes et légendes de la vallée du Gottéron, avec un dispositif plus récent. Il faut dire que le nouveau dragon respecte parfaitement l'esprit de la créature redoutable de la légende. Ajoutez-y quelques flammes pour faire le show, et l'effet est parfait.
La légende, quant à elle, est toujours vivante. En 2022, un livre pour enfants racontant une histoire d'amitié entre le dragon et un enfant a été publié. Bien loin de l'histoire originale, elle perpétue cependant le mythe du dragon de Gottéron.