A force de compter les absents pour le match de vendredi ou de relire le règlement de qualification pour le Mondial 2022, on a un peu oublié que la rencontre face à l'Italie n'était pas seulement importante pour des footballeurs et pour une nation, mais qu'elle l'était aussi pour un homme: Murat Yakin.
Quand il a été contacté le 1er août pour succéder à Vladimir Petkovic sur le banc de la Nati, le Bâlois de 47 ans n'a eu besoin que de quelques heures pour accepter. C'est qu'il n'y avait pas vraiment de quoi hésiter. Le poste représentait une opportunité rare pour un coach alors en poste au FC Schaffhouse et les objectifs étaient limpides: qualifier l'équipe nationale pour la prochaine Coupe du monde (21 novembre - 18 décembre), peu importe la manière.
Trois mois plus tard, il y a déjà la manière, mais pas encore la qualification. Celle-ci viendra à coup sûr si la Suisse termine première de son groupe.
Si elle ne finit que deuxième, elle aura besoin de deux rencontres supplémentaires pour se qualifier en passant par ce qui s'appelle les barrages (l'idée sera alors de ne rien laisser passer). Ceux-ci se disputeraient en mars prochain sous la forme d'un mini-tournoi (demi puis finale). Des nations comme la Russie, la Serbie, la Suède ou encore la Turquie pourraient se dresser sur sa route. Autant d'équipes que la Nati pourrait affronter à l'extérieur (cela dépendrait du tirage au sort), ce qui ne serait une bonne nouvelle pour personne.
Et surtout pas pour Murat Yakin, que le sort n'a pas gâté depuis sa prise de fonction. L'ancien international (49 sélections) a dû se passer de Shaqiri, Embolo, Gavranovic, Seferovic (tous blessés) ou encore Xhaka (positif au Covid), avant de perdre d'autres joueurs sur blessure pour le rendez-vous capital de ce vendredi à Rome.
Cette longue liste de forfaits cumulés ne l'a pas empêché de réaliser un début de mandat exceptionnel à plus d'un titre.
Murat Yakin a battu un record en seulement trois mois, puisqu'aucun de ses prédécesseurs sur le banc suisse n'avait débuté son mandat par quatre matchs sans encaisser le moindre but. Cette statistique réjouit le coach, mais pas complètement non plus, car elle le fait encore passer pour un entraîneur défensif, un qualificatif que Yakin réfute. «Cela ne signifie pas que nous basons notre jeu sur la défense», se défend-il dans la NZZ. «Nous avons créé beaucoup d'occasions, nous aurions pu marquer plus de buts.»
Le sélectionneur ne s'est jamais plaint des forfaits qui ont frappé son équipe. Il s'est au contraire révélé comme un excellent gestionnaire de crise. «Plus la situation est difficile, plus je réagis de manière calme et créative», a-t-il récemment admis à nos confrères de la Basler Zeitung. Sa décision d'organiser des entraînements ouverts au public, notamment lors du passage de la Nati en Suisse romande, a aussi rapproché la sélection de son public.
En relançant Fabian Frei, en responsabilisant Remo Freuler, en alignant un cran plus haut Breel Embolo ou en passant du malheureux 4-1-4-1 de Belfast au parfait 4-2-3-1 de Genève, Murat Yakin a prouvé qu'il avait des solutions à tous les problèmes.
C'est une excellente nouvelle, car d'autres problèmes ne manqueront pas de se poser dans les cinq prochains mois et même au-delà, lors de la phase de groupes de la Ligue des Nations (du 2 juin au 2 septembre), la seule compétition que Murat Yakin est à ce jour certain de disputer avec l'équipe de Suisse l'an prochain.