Cela fera bientôt trois mois que Jannik Sinner a trouvé un accord avec l'Agence mondiale antidopage (AMA) et accepté une suspension, suite à son contrôle positif au clostébol. Traduction: le numéro un mondial s'apprête à reprendre du service. Il participera la semaine prochaine au Masters 1000 de Rome.
Là-bas, Sinner captera toute l'attention, et pas seulement parce qu'il est un joueur transalpin. Depuis la révélation de son contrôle positif, puis l'annonce de sa sanction alors qu'il avait été initialement blanchi par l'International Tennis Integrity Agency (ITIA), le monde du tennis est divisé.
Certains ont ainsi dénoncé une supposée justice antidopage à deux vitesses, profitant aux stars du circuit comme Jannik Sinner et Iga Swiatek, la numéro deux mondiale ayant été suspendue un mois en fin de saison dernière, après un contrôle positif à la trimétazidine. Les deux cadors n'ont manqué aucun tournoi du Grand Chelem. L'Italien trône par ailleurs toujours en haut du classement ATP. Et plus son retour à la compétition se rapproche, plus la scission semble marquée.
«Je crois à 100% que Jannik est innocent. Je crois en ce processus. Je crois que nous sommes dans un monde juste en la matière», a par exemple déclaré Rafael Nadal dans une interview accordée à CNN ce mardi, tandis que le Vaudois Stan Wawrinka a eu des propos diamétralement opposés dans les colonnes d'Eurosport, samedi.
Mais le fait que le numéro un mondial soit en passe de revenir n'est pas la seule raison qui pousse certains tennismen à s'exprimer. L'International Tennis Integrity Agency a divulgué mardi la suspension du 141e joueur mondial Max Purcell, qui a écopé d'une peine de 18 mois. En temps normal, cette sanction n'aurait pas été commentée, l'Australien étant un «galérien» du circuit, un spécialiste du double dont personne ne se soucie. La suspension aurait très certainement été acceptée de tous.
Or dans le contexte actuel, des rapprochements sont inévitablement établis avec l'affaire Sinner, surtout que Purcell, qui a donc reçu une sanction plus importante que l'Italien, n'a pas été controlé positif et n'a pas non plus utilisé une substance interdite, ce qui peut surprendre en premier lieu.
Concrètement, le joueur a reçu deux perfusions intraveineuses de vitamines les 16 et 20 décembre 2023. Or celles-ci étaient de plus de 500 ml, quand le Code mondial antidopage limite les perfusions et injections intraveineuses à 100 ml par période de 12 heures.
Dès lors, sans contrôle positif, comment l'Australien a-t-il été repéré? Par des messages WhatsApp envoyés à un autre tennisman sous le coup d'une enquête. Dans ces échanges, Max Purcell s'interrogeait sur la légalité de ce mode de fonctionnement, cherchait des excuses afin de se justifier et concédait avoir demandé à la clinique de ne pas conserver les reçus.
Ces messages ont permis à l'ITIA de constater «un degré significatif de faute ou de négligence» de la part du joueur. Or l'intentionnalité de Purcell n'a pas pu être prouvée. L'Australien a donc reçu une suspension de deux ans, ramenée à 18 mois parce que le vainqueur de Wimbledon en double a collaboré avec l'instance dès le premier jour de l'enquête.
Cette décision a très vite été jugée «ridicule» par quelqu'un qui n'a pas sa langue dans sa poche: son compatriote Nick Kyrgios. «Des sentiments sur le ridicule de la suspension de Purcell? Des vitamines? Pouvons‐nous justifier cela? Ou pouvons‐nous simplement admettre que tout le système est cuit?», a-t-il commenté sur «X». Ces propos font écho à ceux d'un autre Australien: John Millman, jeune retraité des courts.
Jannik Sinner peut s'attendre à ce que dès qu'une nouvelle affaire de dopage sortira, il souffrira de la comparaison avec le joueur nouvellement suspendu, comme ici avec Purcell. Et ce, au-delà du tennis, la preuve avec cette sanction prononcée mercredi à l'encontre de l'athlète paralympique Yassine Ouhdadi, privé de sport pour trois ans après son contrôle au clostébol, soit la même substance pour laquelle Sinner a été suspendu.