Ils sont de plus en plus nombreux à courir en pleine nature, de préférence à proximité des cimes. S'il faut souffrir, pourquoi ne pas le faire dans des décors idylliques, loin du bitume.
Cette nouvelle tendance est cristallisée - pour les plus acharnés - par le circuit Ultra-Trail du Mont-Blanc World Series (UTMB): 36 événements aux quatre coins du globe, avec des courses en Asie, en Océanie, en Europe, en Afrique et en Amérique.
Ces forçats du relief se sont donnés rendez-vous à Chamonix (du 28 août au 3 septembre) pour en découdre, sur les crêtes et les sentiers alpestres. Une grande fête pour les traileurs, comme le rappelle Libération, dans un papier qui recense les chiffres importants de la manifestation:
A ce petit monde, se greffe une grappe 118 exposants et tout leur barnum, sur la place du Mont-Blanc, pour le salon international du trail: pas moins de 50 000 visiteurs par jour.
Mais derrière cette grande caravane d'exploitants, de coureurs, de visiteurs et d'organisateurs, au milieu du brouhaha, il y a des locaux irrités.
Alors que les coureurs sont à la recherche du grand air pour transpirer, les locaux, eux, voient leur air se transformer en une brise chargée de pollution.
Pour les habitants du coin, avec les années, la manifestation est un cadeau empoisonné. Stéphane Lagarde, élu écologiste de Chamonix, ne s'en cache pas: «L’UTMB a toute sa raison d’être mais il ne faut pas le développer de manière inconsidérée: il devient le centre mondial du trail, on arrive à un effet de seuil».
De son côté, Eric Fournier, le maire de la commune des Houches, n'est pas tout à fait de cet avis, clamant que «le nombre de coureurs a été bloqué depuis six ans». Il ajoute que le pic de fréquentation est «tout aussi élevé que lors des vacances hivernales». Il explique enfin, toujours au quotidien français, que les autorités s'efforcent d'en faire «un rendez-vous de qualité, respectueux des populations et des territoires, et une fête».
L'évolution du groupe UMTB, organisme familial sans prétention, qui comptait sur ses bénévoles, s'est ensuite transformé en une quasi multinationale avec ses 36 événements à travers le monde. La participation d'Ironman dans l'entreprise (financée par un conglomérat chinois, Wanda Group) révèle ce désir de grandir et d'étendre son activité.
En témoigne le souhait du groupe d'atteindre les 50 trails dans la décennie à venir et de gonfler son chiffre d’affaires, de 14 millions d’euros l'an dernier, à 40 millions à l'avenir.
Si le groupe, par l'intermédiaire de sa présidente Isabelle Viseux-Poletti, parle des retombées économiques pour Chamonix (près de 23 millions d'euros), elle reconnaît une légère «tension» au village chamoniard. Des mesures sont mises en place pour optimiser les transports et une profonde sensibilisation autour des enjeux climatiques. Derrière ce discours écolo, l'organisation souhaite supprimer la voiture de l'événement.
Mais là où le bât blesse, c'est que le sponsor principal est précisément une marque de voiture: Dacia. Renommé le Dacia UTMB Mont-Blanc, l'événement et l'arrivée de la marque automobile ont fait naître de fortes critiques dans le peloton de coureurs. Comme le rappelle Libé, une lettre a été rédigée et adressée à l'organisation de l'événement par le collectif américain The Green Runners, pour mettre fin immédiatement au partenariat. Le spectre du greenwashing est brandi par les détracteurs.
Or, un tel événement engendre un lourd bilan carbone. L'érosion des sentiers est aussi pointée du doigt, sachant que de nombreux coureurs coupent des sentiers pour aller plus vite - traversant parfois des réserves naturelles.
Bien que l'UMTB ne soit que la pointe de l'iceberg, les perturbations sont multiples. Mais un événement de cette ampleur favorise la pratique et amplifie, par sa médiatisation, le désir d'une partie de la population; ce vœu de courir au milieu de secteurs vierges, bercé par la beauté poétique des cimes. (svp)