«Vous nous rejoindrez à l’hôtel et on fera le brief ensemble». Au téléphone, J-M Richard est, comme à son habitude, jovial et disponible. Ce lundi matin, il se prépare aux premières répétitions du concours avec Nicolas Tanner, expert de l'Eurovision. «Le public pense que notre semaine de travail commence à l’Eurovision, mais c’est tout le contraire. Le travail est fait en amont», sourit l'animateur. Sur sa table, on trouve le script, soit le déroulé de l'émission contenant toutes les interventions des présentatrices sur scène ainsi que la durée de chacune. Jean-Marc Richard y a ajouté, par écrit, les commentaires qu'il fera en direct avec Nicolas Tanner.
Ce travail de préparation, l'animateur tenait à nous le montrer. En effet, depuis trois décennies, il récolte des informations pour constituer son commentaire, ce qui n'est pas toujours le cas à l'Eurovision. «Stéphane Bern, pour la France, n'écrit pas ses fiches, c'est une autre personne qui passe la semaine en répétitions avec nous et qui lui prépare son commentaire», explique-t-il. Tout le contraire de l'homme de radio qui aime le travail «artisanal» dira-t-on. Ecrire ses propres fiches, échanger avec son expert, Nicolas Tanner et décrire ce qu'il voit, sans jamais rire des artistes.
En 34 années de l'Eurovision, Jean-Marc Richard a été témoin de commentaires acerbes émis en direct par ses confrères à l'encontre de certains candidats, une attitude qu'il déplore vivement. «L'Eurovision est une famille, on passe notre temps à croiser les artistes, à voir les répétitions, parfois à discuter avec eux, on ne peut pas débarquer et rire de leur prestation en direct à l'antenne», explique-t-il.
Son acolyte Nicolas Tanner ajoute qu'il existe une sensibilité culturelle du commentaire pour chaque pays. «Le public britannique attend un commentaire plus humoristique et critique envers les artistes et c'est exactement ce que leur apporte leur commentateur star Graham Norton», analyse l'expert du concours.
Alors que nous débattons sur les styles de commentaires de nos voisins européens, une visite (presque) inattendue nous interrompt. La radio télévision suisse italienne souhaitait rendre hommage à l'animateur pour son dernier tour de piste à l'Eurovision. Un gâteau, des chapeaux de fêtes et des remerciements chaleureux.
A la question des raisons qui l'ont poussé à se retirer du commentaire du concours, l'animateur répond en toute transparence:
La forêt noire rangée dans le frigo, il est bientôt l'heure de se rendre du côté de St. Jakobshalle, où les deux commentateurs ont une réunion professionnelle avec l'équipe de production. Nous n'aurons pas accès à cette réunion de travail, mais le rendez-vous est pris quelques heures plus tard dans la salle de presse où peuvent se réunir près des centaines de membres des médias.
A voir cette salle qui fourmille de journalistes, on ne peut que saluer l'engouement dont le concours fait preuve aujourd'hui auprès des médias internationaux, mais aussi à l'échelle nationale, ce qui n'a pas toujours été le cas. Lorsqu'il nous rejoint, Jean-Marc Richard ne peut s'empêcher de relever qu'il y a quelques années, le concours était encore considéré comme démodé.
Les journalistes s'affairent, nous remarquons le regard satisfait et fier de notre interlocuteur. «Certains de mes confrères ne comprennent pas ma décision de lâcher le commentaire du concours, mais je le fais au meilleur moment», explique-t-il. Dans les allées de la salle de presse, Jean-Marc Richard tenait à nous présenter Stéphane Chiffre, président de Eurofans français. Lorsqu'on lui demande ce que signifie le départ du commentateur, il ne tarit pas d'éloges:
Une pluie de compliments qu'il est inutile de mettre en doute, car nous comprenons rapidement au travers de ses interactions qu'il est une figure respectée du concours de l'Eurovision.
En début de soirée, à l'Arena, nous nous posons enfin au coin d'une table pour manger sur le pouce et discuter avec notre binôme. Au tour de son partenaire de l'Eurovision, Nicolas Tanner, qui travaille depuis 18 ans à ses côtés, de s'exprimer:
Alors que l'animateur rejoint notre conversation, nous cherchons à connaître les différents papables pour son poste. L'animateur ne veut pas donner de noms de remplaçants ou remplaçantes potentiels, il nous regarde avec un sourire malicieux.
Une grande fierté éclaire le regard l'animateur et nous devinons un sentiment de satisfaction. Celui d'avoir contribué depuis 34 ans à la popularité du plus grand concours de chanson au monde.