Les créations de Linnéa Samia Khalil savent comment attirer l'attention. Elles sont colorées, flamboyantes, massives. Des qualificatifs qui s'appliquent également au manteau qu'elle a conçu pour l'Eurovision.
Fin janvier, les délégués de la ville de Malmö en Suède où s'est déroulé le concours en mai 2024, l'ont symboliquement remis à la nouvelle ville hôte, Bâle. Le manteau coloré y sera conservé avec d'autres cadeaux d'état, et finira probablement exposé au Musée historique de Bâle, dans l'église Barfüsser.
Pour la Suédoise de 37 ans, qui a fondé la marque Pampas en 2020, «c'est absolument fou!», dit-elle dans un entretien avec l'Aargauer Zeitung. La créatrice décrit ce moment comme «une expérience qui n'a lieu qu'une fois dans une vie». Elle ajoute:
Depuis l'Eurovision dans sa ville natale de Malmö, la vie de Linnéa Samia Khalil a changé. La créatrice se trouvait au bon endroit au bon moment, même si elle s'était déjà fait un nom dans sa jeune carrière.
C'est une amie maquilleuse qui l'a mise en contact avec Nemo. Personne ne savait encore à ce moment-là que dans le courant de la semaine, le chanteur suisse échangerait la tenue de scène initialement prévue contre un vêtement signé Linnéa Samia Khalil, et dans lequel il remporterait pour la Suisse le concours.
Lors des répétitions, Nemo n'était pas satisfait de l'aspect de sa tenue initiale, raconte Linnéa Samia Khalil, qui exposait alors certaines de ses robes au centre des médias durant l'Eurovision. Elle raconte:
La maquilleuse a établi le contact et l'instant d'après, elles se retrouvaient ensemble dans la boutique de la styliste à Malmö. Et il fallait aussi que tout aille vite. La rencontre a eu lieu le samedi, le lundi elle montrait ses idées à Nemo, et le mardi avait lieu les premières répétitions devant la caméra. Elle se souvient:
Le choix de Nemo s'est porté sur une veste rose à l'aspect barbe à papa. Le visage rayonnant, la créatrice raconte:
Une veste spéciale a été conçue pour les danses effrénées sur scène, un modèle qui pouvait résister à toutes sortes de mouvements. «Nous devions retoucher les vêtements après chaque passage, explique Linnéa Samia Khalil, et il y a eu, je crois, vingt passages!»
De loin, elle suivait les performances de Nemo, les répétitions et les spectacles en direct. Tout était tellement surréaliste, dit-elle. «J'étais assise dans l'arène et je me demandais: 'Que se passe-t-il ici? Est-ce que tout cela est réel?» Elle se dit toujours nerveuse lorsque des artistes portent des vêtements faits de sa main, mais c'est également un bon sentiment.
Tout cela est encore relativement récent pour Linnéa Samia Khalil. La designer n'a pas suivi d'apprentissage de couture ni d'études de mode. La Suédoise semble simplement avoir un talent naturel avec un appétit pour les vêtements originaux et la musique. Car la trentenaire est en fait une chanteuse. A 15 ans, elle a été la plus jeune artiste à recevoir la bourse culturelle de Kungälv. Huit ans plus tard, elle s'est classée sixième d'un télécrochet suédois.
Elle se trouvait en tournée lorsque tout s'est arrêté en raison de la pandémie de coronavirus. «Je n'avais plus de travail, je n'avais rien à faire», confie-t-elle. Angoissée, elle a voulu trouver une autre activité qui lui plaisait. C'est ce dont elle avait besoin à ce moment-là».
Elle a ainsi commencé à coudre, sans croquis, sans modèle, et sans expérience. Aujourd'hui encore, elle se laisse inspirer et guider par les tissus, sans réaliser de dessins préalables. Durant la pandémie, elle a posté des photos de ses vêtements sur Instagram. Soudain, elle a reçu des messages de gens qui voulaient acheter ses créations. «Je me suis dit: shit, pourquoi pas? J'ai besoin d'argent!», rie-t-elle.
Quatre ans seulement se sont donc écoulés entre son premier vêtement fait maison et l'Eurovision de Malmö où sa tenue a été vue par plus de 160 millions de personnes à travers le monde. La ville du sud de la Suède s'en est également réjouie. Bien qu'il s'agisse de la troisième plus grande ville du pays, sa population d'environ 360 000 personnes en fait une cité de taille raisonnable. «Je pense qu'ils sont très fiers que le vainqueur de l'ESC ait été habillé par une styliste locale», explique Linnéa Samia Khalil.
C'est ainsi qu'est finalement née l'idée d'offrir un vêtement de la marque Pampas à la ville de Bâle, au lieu d'une clé, comme cela est habituellement la tradition. «Pour nous, c'est bien sûr un immense honneur», déclare la fondatrice. Les responsables de la ville de Malmö ont donné à Linnéa Samia Khalil et à sa couturière une grande liberté de création. Mais l'idée de base était déjà là, ils voulaient un manteau similaire à celui que Nemo avait porté sur le tapis turquoise lors de la cérémonie d'ouverture.
Pour le manteau «bâlois», le thème de la durabilité a joué un rôle central. Linnéa Samia Khalil et sa couturière ont utilisé des chutes de tissu provenant de drapeaux et de bannières publicitaires laissées après l'Eurovision de Malmö. La tâche n'a pas été facile. «C'était des tissus avec lesquels nous n'avions jamais travaillé auparavant», explique la femme de 37 ans. «La machine à coudre est tombée en panne un nombre incalculable de fois».
Les deux ont travaillé pendant deux semaines jusqu'à ce que la pièce soit finalement terminée. Le manteau bigarré et flashy se trouve désormais à Bâle. Dans une ville que Linnéa Samia Khalil ne connaît que par des images. (aargauerzeitung.ch)
Traduit de l'allemand par Joel Espi