
Jeu d'échecs égyptien, peint par Lawrence Alma-Tadema, 1865.Image: wikimedia Le jeu a tenu un rôle fondamental, formateur et politique, dans de nombreuses civilisations. Petit plongeon dans l'Histoire, en passant par la mythologie.
25.11.2024, 09:2725.11.2024, 09:27
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Le jeu permet aux plus jeunes de découvrir le monde. Les plus chanceux continueront, eux, de jouer à l'âge adulte. Car le jeu n'aide pas seulement à maintenir le cerveau en forme, il le stimule littéralement et le pousse à former de nouvelles synapses, à créer des liens qui seraient autrement restés en friche. Plus l'homme connecte de réseaux de neurones entre eux, plus son inventivité et sa créativité augmentent.
Sans tout cela, rien de fondamentalement nouveau n'apparaîtrait dans notre monde. Les inventions révolutionnaires sont toujours le résultat d'un jeu réussi avec les limites de la réalité. Voilà la seule façon de les repousser de temps en temps - la vie comme un labyrinthe fou.
Celui qui joue traverse donc non seulement mieux la vie, mais aussi certainement de façon plus sereine et avec davantage de plaisir. Les répercussions se feront d'ailleurs sentir aussi lors de la mort, comme le montre notre exemple de l'Egypte ancienne.
Invitons-nous dans les jeux des civilisations passées et pénétrons dans la tombe de Toutankhamon, dans le Bosquet sacré d'Olympie et dans le Circus Maximus de Rome!
«Ludi incipiant!»
«Que la partie commence!»
L'Egypte antique: un jeu vers le chemin de l'au-delà
L'archéologue britannique Howard Carter a mis la main sur environ 5400 objets funéraires lorsqu'il est entré dans le KV62 - le tombeau de Toutankhamon dans la vallée des rois à Louxor Ouest. C'était en novembre 1922.

L'antichambre du tombeau de Toutankhamon, 1922.Image: Hulton Archive
«Je vois des choses merveilleuses»
Howard Carter
Voici ce qu'il aurait vu une fois que les débris qui avaient enseveli le couloir menant à l'antichambre furent dégagés. Il fut ébloui par les quantités d'or qui ornaient le trône, les chars et les lits à tête d'animal sur lesquels le pharaon, mort aux alentours de 1323 avant J.-C., était allongé pendant sa momification. Il devait ainsi pouvoir s'unir à la déesse du ciel lors de rituels secrets et devenir un soleil immortel. En dessous, il y avait d'étranges coquilles de plâtre en forme d'œufs remplies de viande de bœuf et d'oie séchée. Le pharaon ne devait pas mourir de faim pendant son voyage dans l'au-delà.
Et il devait aussi s'amuser. Quatre plateaux de senet seulement, sur un total de 80, ont été retrouvés dans la tombe de Toutankhamon.

Un plateau de senet en ébène, décoré d'or et d'ivoire, et provenant de la tombe de Toutankhamon. Il est aujourd'hui exposée au Musée égyptien du Caire.Image: aegyptologie.com Avant de continuer, voici au préalable un bref message publicitaire:
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Et maintenant, revenons à l'histoire ...
Le senet est un jeu d'évasion pour deux personnes, un croisement entre le backgammon et le hâte-toi lentement, joué pendant plus de 3000 ans (de 3000 av. J.-C. à l'époque postchrétienne, vers 300) dans l'Égypte antique. Le but: extraire ses sept pions, appelés ibau (danseurs), du plateau. Des petits os avec un nombre différent de traits selon les faces faisaient office de dés.
Sur les trois rangées de dix, quatre cases chance ou malchance: la case avec l'eau, par exemple, renvoyait le personnage dans la rangée précédente, tandis que le crapaud doublait le prochain jet de dés. Les trois dernières cases portent les chiffres 3, 2, 1 - on ne peut quitter le plateau qu'avec le bon nombre de points aux dés.
En égyptien ancien, «senet» signifie «passer» ou «traverser», et c'est précisément ce que le joueur devait pouvoir faire: le passage dans l'au-delà - le dangereux voyage à travers le monde souterrain. Il fallait surmonter la Douât peuplée de démons sans dommage.
Car s'il ne s'agissait à l'origine que d'un simple moyen de se divertir, le jeu a bien vite influencé très profondément les croyances de l'Égypte ancienne, tout comme les rites et les mystères de la résurrection.
C'est pourquoi on a retrouvé quatre plateaux dans le tombeau du grand pharaon. Le senet orne également les chambres funéraires de personnages de la haute société d'alors.

Planche de jeu émaillée avec une inscription pour Aménophis III et un tiroir séparé, env. 1390-1353 av. J.-C., aujourd'hui exposée au Brooklyn Museum.Image: wikimedia Au début, il faisait partie des festivités funéraires auxquelles seuls les vivants participaient. Cependant, au cours de la sixième dynastie (2347 à 2216 av. J.-C.), des représentations apparaissent montrant le défunt lui-même qui se mesure à un adversaire vivant.
Le senet est devenu un pont entre la vie et la mort, et le plateau de jeu a servi de lieu de conversation, dans la vie bien réelle autant qu'après.
Enfin, au Moyen Empire (2137 à 1781 av. J.-C., XIe-XIIe dynasties), il n'avait plus rien d'un jeu de société rigolo, mais constituait plutôt un rituel secret exécuté lors de la momification et de l'inhumation. On le déposait alors comme un sort sur le couvercle des cercueils des hauts fonctionnaires, des prêtres, des rois et de leurs épouses:
«Laisse-le jouer au senet avec ceux qui sont sur la terre. Sa voix sera entendue, même s'il ne peut pas être vu»
Gravure du cercueil, formule magique 335
Jouer devait aider le défunt à ne pas tomber dans les pièges du sombre monde souterrain à l'ouest du Nil, à surmonter toutes les épreuves pour pouvoir finalement affronter celle qui serait décisive: le tribunal des morts d'Osiris.
Au Nouvel Empire (1550 à 1070 av. J.-C., 18e à 20e dynasties), des illustrations montrent les morts contre un adversaire invisible.

La peinture funéraire de Néfertari (19e dynastie), lors d'une partie de senet contre un adversaire invisible.Image: wikimedia
Néfertari, la grande épouse royale de Ramsès II, joue ici probablement contre son ba, c'est-à-dire la partie de l'âme humaine qui, selon les croyances de l'époque, peut se détacher et s'éloigner du corps. La partie aussi qui, en cas de jugement positif du tribunal des morts, se réunit avec le corps purifié et peut entrer dans la partie lumineuse du monde souterrain, dans les domaines des joncs (Sechet-iaru).
Au cours de ses 3000 ans d'existence, le senet est passé du statut de jeu de société à celui de billet d'entrée exclusif dans l'au-delà. Poursuivant au départ un but de pure convivialité, y compris dans les maisons des classes les plus pauvres, il s'est transformé en un objet rituel, fabriqué en vue de l'inhumation. Un moyen de relier le royaume des morts à celui des vivants. Il était enfin une offrande funéraire protégée par des sorts, qui devait garantir le passage en toute sécurité dans la Douât. Ses secrets les plus profonds échappaient au commun des mortels
Au même titre que la religion, qui - à un certain niveau -servait uniquement à l'élite, à la classe supérieure sachant lire et écrire. C'est à elle seule qu'était accordée une vie future aux côtés des dieux. Une vie dans le Sechet-iaru, un endroit venteux où l'on pouvait s'adonner à la douce oisiveté.

Sechet-iaru (les terres des joncs, abrégé en Aaru) est le nom donné au paradis céleste dans la mythologie égyptienne. Une terre de l'au-delà extrêmement fertile, gouvernée par le dieu des morts Osiris. L'image provient de l'ancienne cité ouvrière de Deir el-Medina, à Louxor.Image: wikimedia Et où l'on disposait de beaucoup de temps pour jouer.
Car en vieil allemand, «spil» signifie sous nos latitudes la danse, la musique et la compétition. Mais il signifie aussi divertissement, plaisir, plaisanterie, c'est un passe-temps, le contraire de l'obligation, de l'accomplissement du devoir et du travail. Le jeu est léger et vivant.
Selon Friedrich Schiller, c'est le jeu qui fait de l'humain un humain:
«Car, pour le dire une bonne fois pour toutes», il affirme en 1795:
«L'homme ne joue que là où il est homme dans toute l'acception du terme, et il n'est tout à fait homme que lorsqu'il joue»
Friedrich Schiller, Sur l'éducation esthétique de l'homme (1795)
Il a raison. Le poète allemand n'est évidemment pas le premier à avoir perçu la véritable nature de notre espèce. Les Grecs anciens l'ont fait bien avant lui. Et ils en ont donné l'exemple le plus radical. Les Hellènes avaient élevé la vie au rang de jeu et le jeu au rang de vie.
Les Grecs anciens: Olympie, le culte ludique

Le Concile des dieux de Raphaël, détail de la loggia de Cupidon et Psyché à la Villa Farnesina à Rome, 1518.Image: De Agostini Editorial
Que faire quand on n'a rien à faire? S'ennuyer - ou jouer. Les dieux de l'Olympe étaient passés maîtres en la matière. Le cosmos éternel était déjà là, il n'y avait pas de monde à créer comme dans la Bible, alors ils passaient le temps en faisant la guerre ou l'amour. Zeus, le dieu des dieux, s'est particulièrement distingué en ayant entre 45 et 66 enfants. Quatre d'entre eux avec celle qui était à la fois son épouse et sa sœur Héra. Elle était souvent jalouse de ses infidélités effrontées.
Ils étaient donc douze, perchés sur une montagne brumeuse, comme sur une tour de jeu céleste, à s'amuser comme des gamins avec le globe terrestre. Chacun à sa manière: Poséidon, le dieu de la mer, a fait subir des tempêtes au pauvre Ulysse pendant dix ans, Apollon, le dieu des arts, a offert sa lyre au chanteur Orphée, tandis qu'Athéna, la déesse de la sagesse, a équipé Persée d'un bouclier réfléchissant pour son combat contre la Méduse à tête de serpent. Tous symbolisent un aspect de la vie, des condensés de l'être - et c'est en l'honneur de leur nature enjouée que les Grecs organisaient leurs jeux.

Ulysse (nostalgie de la patrie), peint par Alexander Rothaug, avant 1924. Pour avoir ébloui le géant borgne Polyphème, Poséidon le punit en l'obligeant à errer en mer pendant dix ans. Car le dieu de la mer était le père du cyclope mangeur d'hommes.Image: Hulton Fine Art Collection
En permanence. Aux anniversaires, aux funérailles et entre les deux. Même leur calendrier suivait le cycle de l'événement le plus important, le festival panhellénique d'Olympie, qui s'est tenu pour la première fois en 776 av. J.-C.. Il se répétait ensuite lors d'une olympiade tous les quatre ans. Voilà à quoi correspondent les Jeux olympiques depuis leur renaissance en 1894, et jusqu'à aujourd'hui.
Et plus seulement en l'honneur de Zeus, puissant dieu des dieux. A l'époque en revanche, c'est pour lui que jusqu'à 100 000 visiteurs affluaient dans le bosquet sacré d'Olympie, dans la péninsule du Péloponnèse. Seuls les citoyens de plein droit et les femmes non mariées étaient autorisés à participer aux véritables compétitions (agones), disputées par des hommes nus et célibataires. La prêtresse de Déméter constituait une exception, puisqu'elle pouvait s'asseoir sur un trône de pierre au nord du stade. En cas de non-respect, tous les autres étaient passibles de la peine de mort.
Mais personne n'a été jeté du haut du rocher voisin, le Typaion, comme l'exigeait la loi en cas de transgression. Pas même Callipatira de Rhodes, qui s'est glissée dans le stade en 404 avant J.-C., crâne rasé et déguisée en entraîneur. Alors qu'elle s'apprêtait à sauter dans les bras de son fils victorieux, les franges de sa tunique se sont accrochées à la barrière et, hop, son véritable sexe a été révélé.
On comprend sa ferveur. Son père et ses frères avaient été des athlètes, des vainqueurs couronnés de rameaux d'olivier - et c'était désormais le tour de son fils. C'est en eux que la nature du dieu des dieux, sa force et sa puissance, s'exprimaient le mieux.

Amphore panathénaïque, un trophée datant d'environ 530 av. J.-C. et représentant une course. Aujourd'hui exposée au Metropolitan Museum of Art de New York, on l'attribue au peintre Euphiletos.Image: Metropolitan Museum of Art
Les Jeux olympiques étaient de nature purement athlétique, les hommes se mesuraient à la course, au pentathlon (lancer du disque, saut en longueur, lancer du javelot, course de stade, lutte), à la course de chars et à l'athlétisme de combat. Celui-ci comprenait, outre la lutte et le combat à mains nues, le pancrace, dans lequel tout était permis, à l'exception de mordre et de percer les yeux.
On se battait jusqu'à ce que l'adversaire abandonne, soit assommé ou meure.
Les jeux en l'honneur d'Apollon - appelés jeux pythiques ou jeux delphiques - étaient complétés par des concours de musique, de danse, de théâtre et de peinture. Comme il se doit pour le dieu des arts. Un moyen d'explorer la facette apollinienne de la vie. Il s'agissait de la voie vers la maîtrise, la version grecque du service divin.
Sur ces terrains de jeu antiques, le sport et le culte, la consécration et la compétition, la vie et le jeu s'unissaient en une seule fête immense.
Pour les Grecs, il s'agissait d'amener l'âme à son plein épanouissement au cours de sa vie, de la former, de la cultiver et de l'harmoniser avec le corps. De quoi pouvoir participer un peu au vrai, au bien et au beau éternels. Essayer de s'ajuster à Dieu, comme l'écrit Platon. Ce qui ne signifiait rien d'autre que de jouer comme jouaient les dieux. A la seule différence que le jeu des humains est limité par l'espace, le temps et les possibilités.
Le jeu grec a néanmoins pris fin avec la destruction des villes sacrées d'Olympie et de Delphes par les Romains au premier siècle avant Jésus-Christ. Il a certes continué à vivre dans la culture des conquérants, mais avec une nécessaire adaptation à l'âme romaine.
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Et maintenant, revenons à l'histoire ...
Les Romains: le jeu du pouvoir politique
En plus de ces grands événements sportifs, les Grecs connaissent évidemment de nombreux jeux de société. Que les Romains ont adoptés.

De nombreux plateaux en damier adoptés par les Romains datent de l'époque hellénistique. Sur ce qui ressemble à un plateau de dames actuel, on jouait par exemple latrunculi (soldats, mercenaires), le jeu des Romains. Il était particulièrement apprécié par les légionnaires désoeuvrés. En l'absence de vraie bataille, on s'affrontait avec 30 pièces pouvant se déplacer comme des pions ou des chevaux, à la manière du jeu d'échecs. Un jeu de stratégie pure autorisé partout en public, contrairement aux jeux de hasard qui étaient interdits à Rome depuis le 3e siècle avant J.-C. en raison de leur influence prétendument néfaste sur le caractère. Le vainqueur du latrunculi pouvait prétendre au titre d'«Imperator» et, à la honte de son adversaire, qui devait le balader dans les rues sur son dos.
Image: Llandudno Museum
Mais nous nous intéresserons plutôt aux mises en scène grandioses, aux combats de gladiateurs, aux courses d'animaux, aux courses de chars et aux représentations théâtrales organisés pour le peuple. Ils étaient plus ou moins modestes à l'époque où Rome était encore une république gouvernée par le Sénat (avant 27 av. J.-C.). Certes, les magistrats responsables des ludi publici tentaient déjà de se surpasser les uns les autres, mais le faste, la splendeur et l'opulence déployés sous l'Empire viendront éclipser tout ce qui avait précédé.

L'empereur Claude (41 apr. J.-C. - 54 apr. J.-C.) a introduit l'exposition de la peine: depuis lors, l'exécution de la sentence faisait partie du spectacle. On envoyait voleurs et assassins condamnés dans l'arène. Pas entraînés et sans défense, ils tombaient tel Icare et ses ailes ridicules. Néron punissait les chrétiens en les faisant coudre dans des peaux de bêtes sauvages et en les faisant déchiqueter par des chiens - c'est du moins ce que racontent Tacite et Clément de Rome. La nuit, ils éclairaient son propre jardin sous forme de torches enflammées, tandis que le jour, il faisait attacher les chrétiennes aux cornes des taureaux dans un jeu de cirque, les abandonnant ainsi à la mort cruelle que devait également subir la mythologique Dirke. Ci-dessus, une oeuvre du polonais Henryk Siemiradzki, 1897.
Les Césars pouvaient puiser dans leurs ressources. Dans les faits, cela conduisit à un centralisme ruineux, il n'y avait plus de général qui aurait pu concurrencer les jeux de l'empereur, plus de magistrat pour battre ceux de l'empereur avec ses gladiateurs. L'empereur en place était devenu le seul maître du jeu et le propriétaire des meilleurs combattants de l'empire.
Les jeux étaient désormais tellement imprégnés de contraintes et d'obligations sociopolitiques qu'ils n'avaient plus rien d'un loisir libre et insouciant. Ils relevaient au contraire d'une activité souvent dangereuse, et pas seulement pour les participants.
De son côté, l'empereur se voyait ainsi contraint d'organiser ces divertissements de masse. Son pouvoir reposait sur une bienfaisance ostentatoire (évergétisme), ce qui signifiait, selon la coutume romaine, qu'il devait organiser des jeux pour le peuple par véritable générosité, mais qu'il devait également servir la communauté avec de nouvelles routes et des latrines propres. Il devait donc se distinguer comme un protecteur prévoyant.
«Négliger les projets sérieux est certes plus dommageable, mais négliger les divertissements est plus impopulaire»
Le rhéteur et avocat romain Marcus Cornelius Fronto (env. 100 après JC - 170 après JC).
La plebs urbana, c'est-à-dire la foule de Rome - qui comptait déjà un million de personnes au début de l'Empire - se révoltait à chaque pénurie d'approvisionnement. Il fallait alors acheminer en ville, sur des charrettes, les céréales acheminées d'Égypte. Et puis il fallait jouer. «Panem et circenses», a proclamé le satiriste romain Juvénal (Ier-2e siècle après J.-C.), déplorant ainsi la restriction des devoirs et des libertés des citoyens romains.
C'en était terminé de l'assemblée populaire romaine, où les citoyens décidaient de la guerre et de la paix, des impôts et des céréales. Cette foule d'artisans, d'esclaves et de femmes se battait désormais au théâtre en sifflant, en applaudissant ou en réclamant en chœur une baisse d'impôts.
La politique, sous forme de revendications maladroites, s'est déplacée vers les gradins du théâtre et c'est la populace qui décide maintenant.
Du moins en partie, comme le montrent les agissements de l'empereur Caligula (37 ap. J.-C. - 41 ap. J.-C.), décrits de façon subjective par l'historien Suétone:

Caligula se vautrant dans l'adoration du peuple par le peintre et portraitiste français Émile Lévy, 1877. On ne présente cependant pas toujours l'empereur sous un aussi beau jour: selon Suétone, il avait un corps extraordinairement gras, reposant sur deux petites jambes maigres et se prolongeant par un petit cou fin, sur lequel reposait une tête disgracieuse et pauvrement poilue. Ses yeux et ses tempes étaient enfoncés et son front aussi sombre que son âme.Image: wikimedia Pour financer sa prodigalité, cet empereur trouvait chaque jour de nouveaux moyens de racketter ses sujets. L'un d'eux consistait à instaurer des impôts, par exemple sur les gains quotidiens des porteurs, sur ceux des proxénètes et des prostituées, et même sur ceux des mariés de longue date. Il promulguait simplement les lois, sans les afficher par écrit, ce qui entraîna de nombreuses infractions par ignorance. Et quand le peuple se plaignit à grand fracas au théâtre de cette mauvaise habitude, Caligula fit afficher ses dispositions en si petits caractères et dans un endroit si inaccessible que personne ne put les recopier.
L'empereur se moquait de ses sujets! Une fois de plus, il a traité l'expression de la volonté politique avec un sarcasme amer.
Cette dépendance aux désirs de la plèbe lui déplaisait tellement qu'il en allait complètement à l'encontre:
«Certes, les rapports étaient déséquilibrés. Les uns ne pouvaient rien faire d'autre que parler ou exprimer par des gestes, tandis que Caligula décidait de faire traîner beaucoup de gens au milieu de la représentation, et en faisait arrêter et tuer beaucoup même après avoir quitté le théâtre».
Suétone, La Vie des douze Césars, Caligula
Il ne supportait pas qu'on n'apprécie pas ses jeux à leur juste valeur, qu'on ne fasse pas l'éloge des interprètes ou qu'on encourage un autre parti que les «Verts» durant la course de chars.

Le Circus Maximus d'Ettore Forti vers 1900. Les conducteurs de chars romains ne se contentaient pas d'avoir les cordes dans les mains comme les Grecs, mais les enroulaient autour de leur bras ou de leur corps. Cela leur permettait de mieux se tenir. En cas de chute, ils risquaient d'être traînés par leurs chevaux, ce qui arrivait souvent. Le couteau qu'ils transportaient devait les sortir de ce mauvais pas. Les attelages tournaient sept fois autour de la spina - ce long mur au milieu de l'hippodrome - dans le sens inverse des aiguilles d'une montre. Au Circus Maximus, la spina était équipée d'un support avec sept œufs en bois, qui servaient à compter les tours. On les a ensuite remplacés par sept dauphins en marbre en l'honneur de Neptune, le dieu de la mer qui, selon la croyance romaine, avait créé les chevaux.
Image: artnet
Pour punir le bas peuple de sa désobéissance, Caligula faisait retirer les toits de protection pendant les affrontements de gladiateurs, lorsque la chaleur était particulièrement torride. Il ordonnait à tous de rester assis.

Le célèbre tableau du Français Jean-Léon Gérôme, 1872: Pollice Verso (en latin: avec le pouce tourné). Il montre le geste rapporté dans deux textes antiques qui permettait au public de demander la mort du vaincu. On ne sait toutefois toujours pas exactement comment le pouce était positionné, mais les personnages sanguinaires de Gérôme (inspirées par la description d'une visite d'amphithéâtre par les vierges dans le poème Contra Symmachum du poète chrétien de l'Antiquité tardive Prudentius) ont jusqu'à aujourd'hui forgé l'idée qu'un pouce pointé vers le bas représente une demande de mort.Image: wikimedia
Il arrivait que l'empereur, contrarié, se retire en Campanie et charge d'autres personnes de la direction des jeux, pour revenir ensuite et offrir au peuple des séances gratuites pendant deux jours.
«Si seulement vous aviez une seule nuque!»
Caligula dans les textes de Suétone
Ils étaient trop nombreux. Même le plus grand des empereurs ne pouvait plus ignorer les souhaits de la plèbe. Elle réagissait par des tumultes et des révoltes, elle prenait d'assaut le cirque et le théâtre lorsque son mécontentement menaçait de s'éteindre sans être entendu. Il y avait certes la répression, mais à long terme, elle ne permettait pas de gouverner, l'appareil de maintien de l'ordre étant trop faible pour cela.
Outre leur caractère divertissant, ces lieux publics de spectacle donnaient donc constamment à voir des réalités sociopolitiques. Ne serait-ce que dans la disposition des places: les sénateurs s'asseyaient devant les chevaliers, les personnes mariées devant celles qui ne l'étaient pas, et tout en haut, sur les gradins, se trouvaient les petites gens sans toges, les femmes et les esclaves.
Il fallait voir et être vu. Quel dignitaire manque à l'appel? Quel magistrat saluait-on par des acclamations, qui accueillait-on par de vilains sifflements?
Puis, il y eut un dirigeant qui bouleversa l'ordre établi: Néron (54 ap. J.-C. - 68 ap. J.-C.). Il se mit lui-même en scène, brandissant le sceptre d'une main et réclamant la couronne de la victoire de l'autre, imposant sa petite voix fluette à tout Rome.
Son costume de joueur de cithare ne cachait pas ses insignes du pouvoir. Applaudi par des spectateurs payés pour et accompagné de sa garde personnelle, il demeurait bel et bien un empereur déguisé en artiste:
«Pendant qu'il chantait, il n'était pas permis de quitter le théâtre, même en cas d'urgence. On raconte ainsi que certaines femmes accouchaient même pendant les représentations et que de nombreuses personnes, fatiguées d'écouter et de louer, soit sautaient secrètement du haut des murs, les portes de la ville étant fermées, soit faisaient le mort pour pouvoir être ainsi portées dehors». Suétone, La Vie des douze Césars, Néron.
En fin de compte, la politique n'est elle aussi qu'un théâtre, un jeu avec le pouvoir.

Caracalla et Geta: combat d'ours au Colisée de Sir Lawrence Alma-Tadea, 1907.Image: db-1.gallerease.com Le vainqueur n'abuse pas des règles. C'est exactement ce qu'ont fait Néron et Caligula, en violant bien trop de sentiments et de coutumes romains basiques et en vivant leur pouvoir impérial trop arbitrairement. On ne les a par conséquent pas élevés au rang de dieux après leur mort, on a préféré les soumettre à une damnatio memoriae, un effacement et une malédiction de leur mémoire: pour que leur nom détruit reste à tout jamais sali.
Rien ne sert alors de traîner le jeu dans la boue. Mieux vaut le préserver de toute velléité de pouvoir et de toute tentative d'instrumentalisation économique. Pour que la compétition - autrefois ludique - ne revête pas un sérieux bien trop amer.
(Traduit de l'allemand par Valentine Zenker)
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