Une médaille suisse en athlétisme aux championnats d'Europe, c'est rare. Trois, ça l'est encore plus. Alors imaginez quand elles sont gagnées par la même fratrie!
Si l'exploit est rarissime, il est moins surprenant qu'il n'y paraît. Parce que dans la famille Kambundji, tout était réuni pour que Mujinga (or sur le 200 mètres et argent sur le 100 mètres) et Ditaji (bronze sur le 100 mètres haies) le réalisent. A commencer par un environnement bienveillant et stimulant. «On avait l'habitude de s'asseoir à table pendant des heures après le dîner et de parler à toute la famille», se souvenait Mujinga Kambundji dans la Schweizer Illustrierte en 2020.
«Avec un tel entourage, Mujinga n’a jamais eu et n’aura jamais besoin de soutien psychologique ou de préparation mentale», appuyait dans L'Illustré Jacques Cordey, le premier entraîneur de la nouvelle championne continentale.
Comme la semaine passée dans le stade olympique de Munich, les parents ont toujours été présents pour soutenir leurs filles. Mais en sachant garder la distance adéquate, celle qui évite de rajouter une pression toxique. Mujinga Kambundji rendait hommage en ces termes à sa mère, Ruth, dans une lettre ouverte:
Mais la championne sera sans doute moins maman poule avec ses enfants, en tout cas sur un aspect qui l'agaçait particulièrement, comme le racontait Ruth dans une interview pour La Liberté en 2014:
Le père, Safuka, a lui aussi son côté papa poule. Il le confiait dans le même entretien:
Dans la famille, il y a aussi les deux autres sœurs: Kaluanda (31 ans), l'aînée, et Muswama (29), née entre Mujinga (30) et la petite dernière, Ditaji (20). Les frangines Kambundji ont toujours été toutes les quatre très proches et soudées, malgré la grande différence d'âge entre Ditaji et ses aînées. «Nous, les trois plus grandes, avons toujours tout fait pour ne pas exclure la petite dernière, quitte à lui dire de fermer les yeux quand les séries devenaient un peu trop violentes ou sexy», expliquait Mujinga dans Le Matin.
Autre exemple: il y a huit ans, elles sont toutes parties ensemble en vacances à New York. Et là encore, les trois grandes ont adapté leur programme pour inclure leur petite soeur, alors âgée de 12 ans, en décidant de ne pas sortir le soir.
En plus des moments derrière la TV ou des virées, les sœurs Kambundji partagent la passion de l'athlétisme. Elles ont toutes pratiqué ce sport à un moment ou un autre, à différents niveaux. De quoi renforcer les liens et donner envie à la «petite» Ditaji d'imiter les trois grandes. «Je veux aussi atteindre le sommet», avait-elle clamé dès ses débuts.
Entre temps, elle a eu la chance d'assister aux exploits de Mujinga de très près, depuis les gradins. Il y a d'abord eu le premier titre de championne suisse du 100 mètres (à 17 ans, seulement!) au Letzigrund, les championnats d'Europe 2014 dans le même stade et, surtout, les JO 2016 à Rio.
Forcément, avoir un tel modèle à ses côtés booste la motivation et amène de l'expérience, rien qu'en observant et en discutant. «Au niveau de l’athlétisme, j’ai un peu mon rôle d’exemple», expliquait Mujinga Kambundji en octobre 2019, juste après sa médaille de bronze aux Mondiaux de Doha.
La Bernoise avouait aussi il y a trois ans que voir sa petite sœur plus rapide qu'elle au même âge lui faisait plaisir, preuve que la compétition dans la famille a toujours été saine et stimulante.
Cette atmosphère positive permet aujourd'hui aux deux jeunes femmes d'être bien dans leurs baskets sur la piste, mais aussi en dehors. Après une course, à l'interview ou sur les photos, elles rayonnent et semblent profiter du moment présent, sans aucune diplomatie de façade. «Mujinga vit bien sa notoriété, qui reste très agréable», témoignait dans Le Temps sa grande sœur Kaluanda. «Les gens l’abordent pour discuter ou prendre une photo. Certains veulent même lui offrir un café. En tout cas, c’est toujours positif.»
Dans le même article, Fanette Humair, une ancienne coéquipière du relais avec qui la Bernoise a souvent partagé sa chambre, appuyait:
Là encore, l'éducation y est sans doute pour beaucoup. Les sœurs Kambundji ne sont pas nées avec une cuillère en argent dans la bouche. Mujinga n'a reçu sa première paire de chaussures d'athlétisme que deux ans après sa première course. D'occasion, à moitié prix. Et même quand elle commence à se faire un nom dans le milieu, sa situation matérielle reste quelque peu précaire: lors des mondiaux M18 en Italie, elle a dû emprunter les pointes d'une autre athlète après s’être fait voler son unique paire.
Mais à ne pas s'y tromper: malgré sa jovialité, la Bernoise a son caractère. Elle avait par exemple claqué la porte du relais 4x100 en 2016 après un désaccord avec l'entraîneur de l'époque, Laurent Meuwly. Elle était revenue quelques mois plus tard, une fois le Fribourgeois parti.
Ce caractère, c'est aussi un élément indispensable à la progression dans le sport de haut niveau. Pour Mujinga et Ditaji Kambundji, la prochaine occasion d'atteindre de nouveaux sommets aura lieu vendredi. D'autant plus que les deux sœurs courront devant leur public et leur famille, au meeting Athletissima à Lausanne. En cas de nouvel exploit, le bras et la caméra de Safuka vont assurément trembler dans les tribunes de la Pontaise.