Plus d'un million de personnes au bord des routes, des vainqueurs de prestige (Tadej Pogacar, Lotte Kopecky ou encore Remco Evenepoel), des images spectaculaires de la ville et du canton, et un événement inclusif, faisant la part belle au paracyclisme: Zurich a fait les choses en grand, mais ce que l'on retiendra surtout de ces Mondiaux de cyclisme sur route, c'est bien sûr le décès malheureux de la jeune cycliste Muriel Furrer.
Les organisateurs en étaient conscients lorsqu'ils ont tiré un premier bilan de la manifestation mercredi au Kongresshaus de Zurich. «Nous restons sous le choc de ce tragique accident auquel nous avons assisté», a déclaré Olivier Senn, manager général du comité d'organisation des Mondiaux de Zurich. Il aimerait savoir si la mort de Muriel Furrer aurait pu être évitée.
Olivier Senn estime que le dispositif mis en place n'a pas été défaillant et que le circuit emprunté par les coureurs était particulièrement bien sécurisé. Les autorités compétentes enquêtent néanmoins: ce sont elles qui diront si oui ou non des erreurs ont été commises. Or pour Senn, «les chutes en cyclisme ne peuvent jamais être totalement évitées».
Compte tenu des conditions météorologiques défavorables le jour de l'accident (il a plu pratiquement sans interruption), des volontaires et des secouristes supplémentaires ont été positionnés sur le parcours afin de prévenir les athlètes du danger et de les inviter à ralentir.
A l'heure actuelle, le mystère reste toutefois entier sur la manière dont Muriel Furrer a chuté. C'était dans un virage se resserrant sur la gauche dans une descente du hameau de Schmalzgrueb, à proximité de Küsnacht, sans que la direction de course ne s'en aperçoive. Grièvement blessée, la Suissesse serait restée plus d'une heure en sous-bois, sans être détectée. «C'était un peloton dispersé et nous ne savons pas où elle se situait dans la course. Cela ne devrait pas se produire, mais cela peut arriver», a expliqué Olivier Senn.
Nous savons désormais grâce à certains témoignages à quelle heure Muriel Furrer a entamé la descente. Les données de vol permettent également de déterminer avec précision à quel instant l'hélicoptère des secouristes a décollé de l'hôpital universitaire de Zurich. Or ni les organisateurs des Mondiaux ni le ministère public ne confirment le lieu de l'accident et l'heure à laquelle la cycliste a été retrouvée par un membre de la sécurité posté sur le parcours.
Les recherches montrent néanmoins qu'il a fallu un certain temps – probablement trop long – pour que les secours soient déclenchés. Seul point positif: Olivier Senn a déclaré au lendemain de la chute de Muriel Furrer que la chaîne de sauvetage avait «très bien» fonctionné. Dès que la coureuse a été repérée, les médecins ont en effet été sur place en cinq minutes et ont commencé à prodiguer les premiers soins.
Or Muriel Furrer a été transférée à l'hôpital plus de deux heures après sa chute, car il a également fallu la stabiliser afin de pouvoir la transporter. La jeune Zurichoise est décédée le lendemain à l'hôpital universitaire de Zurich, à l'âge de 18 ans, des suites de son traumatisme crânien.
Le patron des Championnats du monde de cyclisme sur route à Zurich estime rétrospectivement «qu'un suivi GPS aurait été la solution parfaite. Nous devons tirer les enseignements de cet accident et des précédents, et initier des changements pour l'avenir. C'est notre motivation et nous voulons faire pression». Olivier Senn met donc ici l'Union cycliste internationale (UCI) face à ses responsabilités.
L'instance interdit l'utilisation des oreillettes durant les Championnats du monde et souhaite possiblement étendre cette interdiction aux courses du calendrier World Tour. Elle attend de cette mesure des épreuves plus ouvertes et moins cadenassées et veut permettre aux coureurs de se distinguer par leur science de la course.
Or le peloton rappelle régulièrement que les oreillettes sont importantes pour la sécurité des coureurs. Elles permettent notamment de les avertir de certains dangers. Le président de l'UCI, David Lappartient, n'est pas de cet avis. «Il y a aussi des chutes à cause des oreillettes. Il faut être prudent et ne pas généraliser une tragédie», rappelle le dirigeant. Il est vrai que les directeurs sportifs poussent les cyclistes à se replacer sans cesse à l'avant du peloton avant les situations de course dangereuses et que cela peut provoquer des chutes à grande vitesse.
Les organisateurs des Championnats du monde de cyclisme sur route ont décidé de ne pas mener d'enquête interne, mais ils offrent leur aide au ministère public et à l'UCI «en leur fournissant des informations et des contacts», comme le dit Olivier Senn. Et si, plus tard, l'enquête révèle que des erreurs ont été commises, «nous, en tant qu'organisateurs, et moi personnellement, en assumerons bien sûr la responsabilité», a concédé l'homme de 54 ans. Or pour lui, c'est évident: «Il y a eu définitivement trop de morts dans le cyclisme». Il faut agir quelque part.
Olivier Senn souligne enfin que la descente a été effectuée des milliers de fois à l'occasion des Mondiaux. «Le lieu n'était pas dangereux. Il y a eu une chute. Une seule, tragique». Les coureurs n'ont d'ailleurs jamais contesté ce passage, «contrairement à une descente utilisée lors du contre-la-montre», celle où l'Australien Jay Vine a goûté au bitume.
A la vue de la météo et des conditions le jour de la course, une autre question se pose: fallait-il donner le départ de l'épreuve? Olivier Senn déclare à ce sujet que les annulations, les reports ou les modifications apportées au parcours sont possibles grâce au protocole Conditions Météorologiques Extrêmes. Mais ni les concurrentes ni les staffs n'ont ressenti un quelconque danger voire des conditions problématiques. Contrairement à la neige, la pluie est habituelle pour le peloton. Etre mouillé fait partie du métier de coureur cycliste.