Il n'y avait aucun suspense. Comme attendu, le congrès de la FIFA a accordé mercredi l'organisation du Mondial 2030 au trio Espagne-Portugal-Maroc, ainsi que l'édition 2034 à l'Arabie saoudite. Tout cela, lors d'un vote unique particulièrement étrange, par acclamation, lors duquel la Suisse ne s'est pas abstenue, contrairement à certains pays. C'est le cas par exemple de la Norvège.
Cette décision n'a pas surpris. Dans une interview accordée en début de semaine à CH Media, le groupe auquel watson appartient, Dominique Blanc, président de l'Association suisse de football, avait prévenu:
Or ce soutien n'est pas «sans condition». «Si nous le comparons à un feu de circulation, nous donnons un feu jaune à l'Arabie saoudite», a ajouté le dirigeant. Ou un carton jaune, footballistiquement parlant, «parce que la situation n'est pas entièrement satisfaisante».
Concrètement, si l'ASF a accordé son vote et ne s'est pas abstenue mercredi, c'est parce que dans le dossier reçu, «l'Arabie saoudite s'engage, accompagnée par la FIFA et diverses organisations indépendantes, à améliorer la situation en matière de droits humains et de droit du travail», a assuré le président de l'association. Il a précisé avoir longuement étudié la candidature saoudienne.
Ces réserves, l'Association suisse de football les a communiquées lundi, dans un courrier adressé à la FIFA. «Dans notre lettre, nous demandons le droit à la liberté d'expression et une protection complète contre la discrimination. Nous demandons à la FIFA de regarder de très près ce qu'il se passe en Arabie saoudite, de mettre en place des organisations indépendantes ainsi que des instances de recours, et d'intervenir immédiatement si les choses évoluent dans la mauvaise direction ou si les promesses ne sont pas tenues», a confessé Dominique Blanc.
Le président de l'ASF, qui veut croire aux promesses du royaume saoudien, tient à préciser qu'il représente une organisation sportive, et «non pas politique». Il regrette en ce sens le procès qui est fait au football, quand «en Arabie Saoudite, il y a déjà la Formule 1, le golf, le tennis et de nombreux grands événements».
Sans se placer en victime, Blanc ajoute que «la Suisse entretient de très bonnes relations, durables, avec l'Arabie saoudite». «Peut-être que les droits de l'homme ne sont pas abordés de la même manière. Ce sont des relations commerciales ou scientifiques. Du business. Il y a plus de 100 entreprises suisses en Arabie saoudite», a rappelé Dominique Blanc, qui a complété: «Nous devons nous expliquer plus que d'autres industries. C'est le sort du sport le plus populaire au monde».
Dominique Blanc a présenté enfin l'exemple du Qatar, positif selon lui, et qui a fait pencher la balance. «Le système Kafala, qui régit les relations entre les travailleurs étrangers et les employeurs, a été révolutionné. Un salaire minimum et un fonds de 50 millions pour des projets de développement, que nous réclamions, ont été introduits», a-t-il expliqué, avant de poursuivre: «Le Qatar a montré que le football pouvait accélérer les progrès en matière de droits de l’homme. Mais il ne peut pas le faire seul».
Par son vote, formulé mercredi lors du Congrès extraordinaire de la FIFA, l'Association suisse de football souhaite donc donner une chance à l'Arabie saoudite. Reste à savoir si les réserves émises seront réellement prises en considération.
(roc)