Son transfert est presque passé inaperçu. En plein stage d’été, début juillet, un mardi soir à 21h00. Dans le football suisse, tous les regards sont alors tournés vers l’Euro féminin qui débute le lendemain. Pas sur Keigo Tsunemoto, fraîchement transféré de Servette au FC Bâle, avec un contrat jusqu’en 2028.
A peine deux mois plus tard, on pourrait dire: ce qui semblait anecdotique pourrait devenir un tournant pour le FCB. Car avec le recrutement du Japonais de 26 ans, Bâle a enfin comblé un poste digne d’un club qui vise le titre.
Ce que Tsunemoto a montré lors de ses premiers matchs avec le FCB est impressionnant. En match aller du barrage de Ligue des champions contre Copenhague, le latéral droit a été de loin le meilleur Bâlois, et il se distingue par son style de jeu ainsi que sa fiabilité.
«Dès mon arrivée, tout s’est enchaîné: stage, matchs amicaux, puis les vrais rendez-vous. Ce n’était pas simple de m’adapter», raconte Tsunemoto. Mais sur le terrain, rien ne trahit ces difficultés. Titulaire d’entrée, il a commencé chaque rencontre.
«Je pense avoir déjà pu montrer mes qualités lors de mes premiers matchs», dit-il. Il les décrit ainsi:
Lors du long entretien qu'il nous accorde, Keigo Tsunemoto préfère s’exprimer en japonais, avec un interprète. Il comprend un peu l’anglais, mais insiste: c’est la seule façon de raconter son histoire. Une histoire qui commence à Kanagawa, près de Tokyo. Il grandit avec ses parents et sa sœur, la tête obsédée par un seul mot: football.
Une passion héritée de son père, joueur amateur.
Quand il ne s’entraîne pas avec les juniors du Yokohama F. Marinos, il regarde la série animée Captain Tsubasa (plus connue sous le titre Olive et Tom), un manga sur le foot qui est culte aussi en Europe. Ou encore mieux: des vrais matchs. Les grands championnats et la Ligue des champions le fascinent. Très vite, il comprend: le football européen est supérieur. Lui qui veut devenir pro doit viser le Vieux Continent.
Tsunemoto rêve d’intégrer un jour l’un des cinq grands championnats. «J’ai toujours cru que je pouvais y arriver». Il gravit toutes les étapes de la formation à Yokohama, s’assoit même sur le banc des pros à 18 ans. Mais la progression s’arrête.
Des douleurs au talon, dont on ne trouve jamais l’origine, l’empêchent de jouer.
Au lieu de jouer en J-League, la première division, il part à l’université.
Il y entame des études d’économie et intègre l’équipe universitaire. «Au début, je ne pouvais pas jouer à cause de mon pied. Et le niveau était assez élevé. Je me suis dit: "Peut-être que ce n’était pas si mal de ne pas être devenu pro."» Mais il n’abandonne jamais son rêve.
Avec le recul, il estime que l’université lui a fait du bien:
Il retient aussi deux forces: ne jamais abandonner et savoir être reconnaissant. «Et aussi prendre soin des gens autour de moi».
Tout en se construisant comme personne, il travaille sans relâche pour son rêve. Jusqu’à ce qu’il signe, en février 2021, aux Kashima Antlers. Chez le club le plus titré du Japon, Tsunemoto débute en J-League face à… Yokohama, là où sa carrière avait buté.
Aux Antlers, il croise celui qui lui ouvrira les portes de l’Europe: René Weiler. Alors entraîneur au Japon, il sera plus tard son coach et directeur sportif à Servette, la première étape européenne de Tsunemoto.
Weiler a-t-il été son coach le plus marquant? Tsunemoto préfère ne pas s’avancer. Mais il dément que le départ du technicien de Genève ait motivé son propre transfert cet été.
La raison, dit-il, est ailleurs: l’âge. «Pour moi, il était important de pouvoir jouer la Ligue des champions ou l'Europa League. Et à Bâle, ces chances sont plus grandes».
Le latéral japonais voulait aussi remercier Servette: en partant avant la fin de son contrat de trois ans, il a permis aux Grenat d’encaisser une indemnité de transfert.
Le FCB aurait versé 1,8 million d’euros. Une somme conséquente pour un transfert national d’un joueur de 26 ans.
Un hiver plus tôt, Servette avait refusé une offre du Slavia Prague. Mais cette fois, parce que Tsunemoto tenait absolument à rejoindre Bâle, l’opération s’est conclue.
Avec Bâle, lui qui a gagné la Coupe de Suisse avec Servette en 2024 veut désormais viser le titre. C’est son rêve – tout comme celui d’un jour rejoindre l’un des grands championnats. Lequel? Peu importe. Son équipe de cœur est le Real Madrid, son idole Philipp Lahm.
Tsunemoto rit: «Même si moi, j’ai le sentiment d’être rapide!»
Quoi qu’il en soit, le numéro 6 du FC Bâle s’inspire du champion du monde allemand: un latéral moderne qui défend, mais sait aussi attaquer. Aujourd’hui, il considère cette double dimension comme l’une de ses forces. Et ses centres sont une arme, déjà démontrée à Bâle: en huit matchs, il compte deux passes décisives.
Ces performances vont-elles le rapprocher de la sélection japonaise? Ce serait un rêve. «Mais pas un rêve obsessionnel. Je ne sacrifie pas tout pour ça, je ne travaille pas spécifiquement dans ce but». Il sait qu’être joueur japonais en Europe ne suffit plus pour se faire remarquer.
Avec ses prestations au FCB, une chose est sûre: son prochain transfert, lui, ne passera pas inaperçu.
Traduction: Cyrill Sakurai
Adaptation en français: Yoann Graber