Ce match de baseball vire en conflit politique Canada vs Etats-Unis
Ce spot publicitaire met Donald Trump hors de lui. Pendant le septième match décisif de la demi-finale de baseball entre les Toronto Blue Jays et Seattle, l’image de Ronald Reagan, président républicain des Etats-Unis de 1981 à 1989, apparaît soudain sur les grands écrans du Rogers Centre.
Il y déclare que les droits de douane peuvent sembler patriotiques à première vue, mais qu’ils ne produisent des effets que très limités dans le temps. Il s’agissait d’une publicité de la province canadienne de l’Ontario, dont Toronto est la capitale. Le message est limpide: le Canada se défend contre les tarifs douaniers de Trump, et le sport est devenu profondément politique.
Le spot en question 📺
Les Toronto Blue Jays ont renversé la situation face à Seattle, et il y a là une ironie de l’histoire: ils atteignent de nouveau les World Series – la finale de la ligue nord-américaine, la MLB – pour la première fois depuis leurs deux titres de 1992 et 1993.
Un titre de «champion du monde» – une appellation pas franchement humble pour un championnat certes très prestigieux mais qui reste régional – pour lequel s'affrontent le Canada et les Etats-Unis, dans un contexte politique tendu. Car les adversaires de Toronto sont les quasi invincibles Los Angeles Dodgers, tenants du titre et sacrés à quatre reprises lors des huit dernières années.
Hymne américain hué et produits retirés
Après cinq rencontres dans cette série au meilleur des sept matchs, les Canadiens mènent 3 à 2. Et le prochain match, dans la nuit de vendredi à samedi, se jouera à Toronto. Les Blue Jays auront donc une première occasion d'être sacrés. Leurs adversaires américains y seront accueillis dans une atmosphère devenue glaciale. Les Canadiens passent pour les gens les plus polis du monde, mais la guerre commerciale déclenchée par Donald Trump contre leur pays leur fait momentanément oublier leurs bonnes manières.
Depuis le début des play-offs, les équipes américaines évoluant au Canada dans les grandes ligues professionnelles sont impitoyablement sifflées, et l’hymne américain accueilli par des huées. Ce qui relevait autrefois d’une rivalité sportive saine entre deux pays, notamment de la part du plus petit et du moins puissant, s’est mué en une hostilité ouverte. Le nombre de vacanciers canadiens partis aux Etats-Unis a chuté d’un tiers cet été, et de nombreux supermarchés ont retiré des produits américains de leurs rayons.
Ce climat se retrouve jusque sur les terrains de sport. On n’a pas oublié les scènes de février dernier, lorsque les équipes de hockey des Etats-Unis et du Canada se sont affrontées à deux reprises à Montréal et à Boston dans le cadre du «4 Nations Face-Off», donnant lieu à des duels électriques et à des bagarres au poing. Aujourd’hui, sur un terrain de baseball, les Canadiens pourraient bien adresser un doigt d’honneur symbolique à leur voisin honni.
Des fans inattendus
Même aux Etats-Unis, certains milieux critiques à l’égard de Trump ne cachent pas leur sympathie pour un éventuel triomphe surprise des Toronto Blue Jays. D’une part, l’équipe joue le rôle d’outsider, ce qui lui attire souvent la faveur du public; d’autre part, son succès aurait une portée symbolique. Ainsi, le Boston Globe a publié avant le début de la finale une tribune intitulée Pourquoi je soutiens une victoire des Toronto Blue Jays en World Series.
La chroniqueuse y avance aussi l’idée que les Los Angeles Dodgers ne seraient sans doute pas ravis de la traditionnelle invitation du vainqueur à la Maison-Blanche, et qu’une défaite leur éviterait la délicate décision de savoir s’ils doivent ou non courir le risque d’un affront en la refusant.
Los Angeles est une forteresse démocrate, et la majorité de ses habitants sont tout sauf des admirateurs de Donald Trump – surtout depuis que celui-ci a envoyé la Garde nationale dans la métropole californienne pour réprimer des manifestants.
Un joueur met du piment
La tension reste vive entre Los Angeles et Toronto, dans cette finale de baseball, pour d’autres raisons. Lorsque la star japonaise Shohei Ohtani, surnommée «Shotime», cherchait un nouveau club il y a deux ans, les Blue Jays avaient manifesté leur intérêt. Mais Ohtani a choisi le glamour de Los Angeles (et un contrat de 700 millions de dollars sur dix ans), snobant Toronto.
Les supporters ne l’ont pas oublié: lors de la victoire 11 à 4 du premier match, ils l’ont copieusement conspué en scandant «We don’t need you» («On n’a pas besoin de toi»).
Tous les ingrédients sont donc réunis pour une fin de World Series explosive. Pour les Canadiens, un triomphe aurait cette fois une saveur particulièrement douce – même si la grande majorité des joueurs de l’effectif de Toronto sont… américains.
Adaptation en français: Yoann Graber


