Stéphane Henchoz et Xamax ont réalisé l'impossible le 2 juin 2019 à Aarau.Image: KEYSTONE
«On courait pour notre vie»: Henchoz raconte son miracle
Alors coach de Neuchâtel Xamax, le Fribourgeois a réalisé l'un des plus grands exploits de l'histoire du foot suisse le 2 juin 2019, quand son équipe s'est sauvée en barrage après avoir perdu le match aller 4-0.
Le FC Aarau a perdu 4-0 le match aller de son barrage contre GC, mardi. Ce vendredi (20h30), lors du match retour à domicile, il fera tout pour inverser ce résultat.
Cette situation ravive un souvenir très douloureux aux Argoviens: en 2019, alors deuxième de Challenge League, ils avaient perdu le barrage contre Neuchâtel Xamax (avant-dernier de Super League) aux tirs au but, après avoir gagné 4-0 le match aller à l'extérieur... Le score était identique au retour au Brügglifeld, mais pour les visiteurs. Aujourd'hui, le FC Aarau veut faire du drame qu'il a vécu une force, en s'appuyant dessus pour se convaincre que tout est possible.
Les Argoviens ont été balayés 4-0 par GC mardi à Lugano, lors du match aller de ce barrage. image: Keystone
Stéphane Henchoz, alors entraîneur de Xamax (et désormais directeur sportif du Lausanne-Sport), nous raconte comment ses joueurs et lui ont réalisé l'un des plus grands exploits de l'histoire du foot suisse et sauvé ainsi leur place en Super League.
«J’ai participé à deux Euros avec la Suisse, j’ai remporté la Coupe de l’UEFA avec Liverpool, mais les émotions de ces jours de barrage surpassent tout. Regardez, j’en ai la chair de poule rien qu’en y repensant», s'émeut le Fribourgeois.
Il se replonge dans cet incroyable souvenir:
«Lors de la conférence de presse après le 0-4 du match aller, j’ai dû me retenir pour ne pas dire de bêtises. Même si une petite voix minuscule au fond de moi murmurait que le barrage n’était pas encore perdu, je ne pouvais pas dire ça aux journalistes – je me serais ridiculisé!
Après cela, je suis allé dans mon bureau, je ne voulais plus voir aucun joueur. C’était la première fois depuis que j’étais à Xamax que mon équipe n’avait pas tout donné. Certains avaient déjà la tête en vacances ou dans leur futur club – le sort de Xamax ne les intéressait pas ce jour-là.»
Nuzzolo et Xamax ont vécu un traumatisme à domicile, lors du match aller du barrage en 2019. Image: KEYSTONE
Un petit groupe de joueurs, autour du capitaine Raphaël Nuzzolo – expulsé pour avoir prétendument craché sur l’arbitre –, reste encore longtemps à la Maladière. Dans leurs têtes, une seule pensée tourne en boucle:
«Si Aarau nous a mis quatre buts chez nous, on peut faire pareil chez eux au Brügglifeld»
Somnifères, survie et zéro tactique
Henchoz ne monte dans sa voiture que bien après minuit, bouleversé et totalement éveillé. Il ne parvient à dormir qu’avec l’aide de somnifères:
«Le lendemain matin a été le plus difficile de toute ma carrière en football – et pourtant, j’en ai vu! Je n’avais pas envie de me lever, aucune motivation, aucune force pour retourner au stade et diriger un entraînement. Mais j’étais l’entraîneur, il fallait que je me ressaisisse et que je montre l’exemple.
Je n’ai dit que quelques mots à l’équipe – à peu près ceci: "Il reste un match, deux jours, et vous serez débarrassés de moi et de Xamax! Même si nous devons quitter la Super League à Aarau, faisons-le avec fierté. Tous ceux parmi vous qui ne sont plus prêts à ça peuvent rendre leurs affaires maintenant et partir en vacances. Je comprendrai chacun qui ne veut plus. Mais ceux qui monteront samedi dans le bus pour Aarau, j’attends d’eux qu’ils soient prêts à mourir les armes à la main. Je n’ai jamais fui un adversaire, je l’ai toujours regardé droit dans les yeux, aussi puissant soit-il – et j’attends la même chose de vous!"»
Samedi, tous les joueurs de Xamax sont dans le bus. «Je ne m’y attendais pas», confie Henchoz. Avant le départ pour Aarau, il montre à l’équipe un film de sept minutes: des images de la demi-finale de Ligue des champions entre Liverpool et Barcelone, quelques semaines auparavant. Les Anglais y avaient renversé un 0-3 du match aller par une victoire 4-0 au retour.
Xherdan Shaqiri et Liverpool ont inspiré Xamax pour sa remontada.Image: keystone
Le tout accompagné d’une musique grandiloquente et de cette phrase:
«Si plus personne ne croit en toi, crois au moins en toi-même!»
L’ambiance à l’hôtel, selon Henchoz, est détendue. Le soir, tout le monde regarde la finale de Ligue des champions entre Liverpool et Tottenham, sans couvre-feu imposé. Le matin du match, le coach fait quelque chose qu’il n’a jamais fait auparavant:
«Lors de la causerie d’avant-match, je n’ai pas prononcé un mot sur la tactique – une première et probablement une dernière fois dans ma carrière. Pourquoi l’aurais-je fait? Ça n’aurait servi à rien. Ce jour-là, la tactique était la chose la plus insignifiante du monde! J’ai seulement fait appel à la fierté des joueurs, je voulais les toucher émotionnellement, leur donner une raison de mourir sur le terrain ce jour-là – ils en avaient besoin.
Au mur était affichée une feuille avec les noms des titulaires – j’ai effectué cinq changements par rapport à l’aller et n’ai aligné que des joueurs dont je savais qu’ils joueraient avec le cœur. Peu importait qu’ils soient à leur poste préféré. Charles Pickel, par exemple, jouait pour la première fois de sa carrière comme ailier.
Dans le vestiaire, c’était calme, mais en regardant les joueurs dans les yeux, j’ai senti qu’ils pensaient comme des hommes qui ont tout perdu dans leur vie. Voyez-vous: quand vous construisez une maison, vous la protégez des cambrioleurs. Quand vous achetez une voiture neuve, votre grande peur, c’est qu’elle ait une éraflure. Quand vous portez de nouvelles chaussures, vous évitez les flaques. Pourquoi? Parce que vous avez quelque chose à perdre. Mais celui qui n’a rien à perdre n’a pas peur de mourir. C’est exactement comme ça que nous avons joué.»
Serey Die (en jaune) était l'un des guerriers xamaxiens alignés par Henchoz à Aarau, ce 2 juin 2019. Image: KEYSTONE
Les quelques centaines de supporters ayant fait le déplacement à Aarau le ressentent et soutiennent l’équipe dès la première seconde, malgré la situation désespérée. Que le secteur visiteurs du Brügglifeld soit resté à moitié vide n’étonne pas Henchoz:
«Moi aussi, en tant que fan, j’y aurais bien réfléchi à deux fois avant de payer 40 francs pour aller à Aarau par cette chaleur, alors qu’un barbecue dans le jardin aurait été plus tentant»
Détour par le centre-ville et énormes émotions
À la 20e minute, Xamax ouvre le score: but de Geoffroy Serey Dié. «C’est à ce moment-là que la croyance dans le retournement est revenue», témoigne le technicien. Dès lors, il arpente nerveusement la ligne de touche, harangue ses joueurs et voit comment, à chaque but supplémentaire, la confiance quitte les corps des Argoviens:
«Pendant trois jours, les joueurs d’Aarau ont entendu de toutes parts qu’ils étaient quasiment en Super League, la ville s’était préparée à la fête de la montée. Sur le trajet de l’hôtel au Brügglifeld, j’ai demandé à notre chauffeur de passer par le centre-ville d’Aarau. Là, les tentes et les stands de bière étaient prêts pour la grande fête. Quand nous sommes passés devant, j’ai saisi le micro dans le bus et dit aux joueurs: "Regardez ça! Vous êtes les seuls à pouvoir empêcher cette fête!"
Certains joueurs d’Aarau pensaient peut-être déjà à sabrer le champagne. Qu’on ne me comprenne pas mal: à leur place, j’aurais pensé pareil. Après un 4-0 à l’aller, c’est humain. Mais dès le début, j’ai senti que les joueurs d’Aarau jouaient avec la peur de tout perdre. C’était l’inverse chez nous – mes gars couraient pour leur vie.»
La détresse du capitaine argovien Elsad Zverotic – seul tireur à avoir raté – après l'échec du FC Aarau aux tirs au but. Image: KEYSTONE
Peu avant 19h00, le miracle devient réalité: Xamax se maintient en Super League, Aarau sombre dans les larmes. Henchoz, lui, explose de joie, enlace tout ce qui bouge.
De retour à Neuchâtel, Henchoz et les Xamaxiens ont fêté le maintien comme il se devait.Image: KEYSTONE
«Je ne savais plus quoi faire de mes émotions, je ne savais pas si je devais pleurer ou rire. C’était si intense, presque insupportable, tout simplement incroyable». Ce n’est que sur la route du retour vers Neuchâtel que Stéphane Henchoz trouve enfin un peu de calme et commence à réfléchir à ce qui s’est passé ce 2 juin:
«Si Patrick Rahmen, mon homologue d’alors au FC Aarau, dit encore aujourd’hui qu’il ne voit pas ce que son équipe a mal fait ce jour-là, je suis d’accord avec lui. Les dieux du football en avaient décidé ainsi. Le football est irrationnel, inexplicable. Tactique, malchance, arbitrage – tout ça, ce jour-là, c’était du blabla – ça devait juste se passer comme ça.
Le stade du Brügglifeld restera pour toujours un lieu à part dans ma vie – cette journée fut une leçon de football. Non, plus encore: une leçon de vie.»
Reste à savoir si le FC Aarau a, lui aussi, tiré leçon de cette incroyable histoire. S'il parvient à renverser son barrage face à GC ce vendredi soir et retrouver la Super League dix ans après l'avoir quittée, on saura que la réponse était oui.
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