Située au bas de l'échelle européenne, la Super League est considérée comme un tremplin et un championnat formateur. C'est aussi sa vocation. Alors souvent, ses meilleurs joueurs partent vers des ligues plus prestigieuses. Lors du mercato hivernal, synonyme de reprise économique post-Covid, le phénomène a été particulièrement marqué, avec les départs de sept cracks.
Le meilleur buteur Arthur Cabral, son prédécesseur Jean-Pierre Nsame, Edon Zhegrova, Michel Aebsicher, Silvan Hefti, Eray Cömert et Christopher Martins ont tous quitté le pays. Que deviennent-ils dans leurs nouveaux clubs?
Arthur Cabral, ex-FC Bâle, a gagné sa place dans le onze de la Fiorentina. Ces dernières semaines, le Brésilien occupait le poste d'avant-centre, au détriment de Krzysztof Piatek, son concurrent direct polonais.
Cabral est arrivé en Toscane avec 14 buts en 18 matchs, pour environ 16 millions de francs. De loin le transfert le plus cher de l'hiver en Super League. De quoi nourrir des attentes élevées envers l'attaquant, engagé pour remplacer le Serbe Dusan Vlahovic, parti à la Juventus pour 75 millions. Mais jusqu'à présent, Cabral n'y est pas parvenu. Il n'a marqué que deux fois en treize apparitions. La Fiorentina, septième de Serie A, inscrit désormais deux fois moins de buts par match qu'avec Vlahovic...
Le Camerounais a martyrisé les défenses à la pointe de l'attaque de Young Boys. Il a terminé deux fois meilleur buteur de Super League. Lors de la saison 2019/20, il a inscrit 32 buts en autant de matchs. Un transfert à l'étranger semblait n'être qu'une question de temps, mais Nsame s'est ensuite blessé au tendon d'Achille en mai 2021.
Depuis, il n'a plus jamais joué pour YB. Cet hiver, il a rejoint Venise, en danger de relégation, remis de sa blessure mais en manque de compétition. En Italie, les choses ne se passent pas du tout comme prévu: Nsame n'a été titulaire qu'à une seule reprise et il n'a jamais trouvé le chemin des filets, en onze apparitions. Avant la victoire contre Bologne (4-3), Venise avait perdu neuf fois de suite. La relégation est proche. Et un retour du Camerounais à Berne possible: l'option d'achat des Italiens ne s'applique qu'en cas de maintien.
Au fil des ans, Michel Aebischer a été un pilier de Young Boys, au point d'en devenir le maître à jouer. Le quadruple champion national, qui compte huit sélections avec la Nati, est parti cet hiver pour Bologne, club italien de milieu de classement. Lors de la défaite contre Venise, le Fribourgeois de 25 ans était sur le banc, comme Jean-Pierre Nsame.
Le bilan d'Aebischer est meilleur que celui de son ex-coéquipier à Berne, mais il reste décevant: il a participé à onze des quinze matchs de Bologne depuis son arrivée, dont seulement deux en tant que titulaire.
Edon Zhegrova n'a pas beaucoup joué au FC Bâle au cours de la première moitié de saison, car il était régulièrement blessé. Mais quand le Kosovar était sur le terrain, il se passait souvent quelque chose: il a marqué quatre buts et adressé six passes décisives en douze apparitions en Super League et en Conference League. Avec Lille, champion de France en titre surprise, il a régulièrement été aligné ces dernières semaines. L'ailier totalise deux réussites et une passe décisive en douze matchs.
Mais pour le club du nord de la France, l'exercice se passe nettement moins bien que le précédent: il occupe seulement le dixième rang de Ligue 1, et vient de perdre quatre de ses cinq derniers matchs.
Le latéral droit (24 ans) a quitté YB après une année et demie et un titre. Le footballeur originaire de Suisse orientale a rejoint le Genoa pour environ cinq millions de francs. En Ligurie, il lutte contre la relégation. Mais il est titulaire. Il faisait partie du onze de base lors du précieux et prestigieux succès 2-1 contre la Juventus.
A Bâle, Eray Cömert était l'un chouchous des supporters. Cet hiver, le défenseur central est parti tenter sa chance à Valence, où joue également Omar Alderete, son ancien complice dans l'axe de la défense bâloise L'international suisse n'a toutefois jamais commencé un match aux côtés du Paraguayen. Cömert débute rarement tout court: seulement quatre fois sur les treize matchs où il a figuré dans l'effectif. Lors des neuf dernières rencontres, il n'a disputé que 96 minutes.
Selon Transfermarkt, Young Boys et le Spartak Moscou ont négocié une obligation d'achat de 6,4 millions d'euros pour Christopher Martins, actuellement prêté. Le directeur sportif des Bernois Christoph Spycher a laissé entendre qu'il ne pouvait pas refuser une telle offre. Ça tombe bien pour le milieu défensif luxembourgeois, qui performe en Russie: parmi tous les cracks de Super League transférés cet hiver, il est celui qui est le plus souvent titulaire (neuf fois sur les dix matchs qu'il a disputés). Mais son nouveau club traverse une saison morose, avec une décevante neuvième place en championnat.
En résumé, seuls trois ex-cracks de Super League partis cet hiver – Cabral, Hefti et Martins – ont réussi à s'installer dans leur nouvelle équipe. Et encore, c'est relatif. Sans compter que leurs clubs appartiennent au ventre mou de leur championnat. Alors, comment interpréter ce constat? Que signifie-t-il pour la Super League?
Le bilan n'est pas très réjouissant. Mais il faut relativiser: un transfert en hiver est toujours difficile, car les joueurs arrivent dans des équipes aux automatismes rodés ou, au contraire, en perdition totale. Ces recrues doivent colmater des brèches, régler des problèmes. Autrement dit, elles ont beaucoup de pression et une courte période d'adaptation. Mais c'est certain: les premiers signes ne sont pas très bons pour le niveau du football suisse.
Adaptation en français: Yoann Graber