La connexion internet s'interrompt. La tête de Manuel Akanji disparaît, et sa voix s'éteint. «Désolé, me revoilà», lance-t-il deux minutes plus tard. L'arrière central de l'équipe de Suisse est assis dans sa nouvelle maison, à Manchester. «On s'est super bien adapté, mais il y a encore quelques choses à régler, comme le wifi, par exemple. J'espère qu'il fonctionnera mieux bientôt!», rigole-t-il. On tente l'interview sans interruption.
Que ferez-vous le 10 juin 2023?
Manuel Akanji: (Il réfléchit). Ce sera la finale de la Ligue des champions?
Oui.
Alors, espérons qu'on gagnera la Ligue des champions ce jour-là!
Manchester City rêve de remporter la C1. Dans quelle mesure le ressentez-vous autour du club?
Pour l'instant, l'accent est plutôt mis sur la Premier League. Bien sûr, le club n'a jamais gagné la Ligue des champions, et c'est quelque chose qui doit absolument changer. Mais c'est encore trop tôt pour parler du titre dans cette compétition. La phase de groupes est encore en cours, on est maintenant qualifié pour les 8e de finale. Le 10 juin, c'est donc encore loin. Par contre, la Premier League, c'est un combat match après match. Là, tu dois travailler semaine après semaine pour gagner le titre. J'espère qu'on y parviendra à nouveau cette saison.
Chaque année, la grande question est de savoir si ce sera enfin la bonne pour City en Ligue des champions. C'est presque devenu une moquerie. Comment le vivez-vous?
Je trouve que c'est un jugement trop négatif. On a vu le football dominant que City a pratiqué ces dernières années. C'était clairement l'une des meilleures équipes d'Europe, peut-être même la meilleure équipe du monde actuellement, je laisse cette évaluation à d'autres. Peut-être que c'est le Real Madrid, peut-être que c'est n'importe qui. Mais on est assurément dans ce haut du panier. Notre objectif, c'est d'y rester dans les mois et années à venir.
Du point de vue suisse, la Premier League pourrait donner lieu à un duel passionnant pour le titre: Manchester City contre Arsenal, Manuel Akanji contre Granit Xhaka. Les paris sont déjà ouverts?
Non, pas encore. On verra bien où ça nous mènera. J'espère, bien sûr, qu'on sortira vainqueur de ce duel. Arsenal est sur une bonne lancée. Mais le championnat est encore long. Il ne faut pas tirer de conclusions hâtives.
Depuis le départ de Xherdan Shaqiri de Bâle pour le Bayern Munich en 2012, votre transfert cet été de Dortmund à City a été le plus médiatisé pour un Suisse. Avezvous réalisé ça?
Je savais que j'allais rejoindre l'un des meilleurs clubs du monde. Mais je ne savais pas si ça allait marcher. Je suis incroyablement heureux que City me considère comme faisant partie de cette grande équipe.
Quel est le bilan après presque huit semaines à City?
Je suis satisfait de mes prestations. Très satisfait. Je sortais d'une période sans jeu. Je ne savais pas comment les choses allaient se passer quand je suis arrivé ici. Je n'ai pas eu le temps de m'adapter. J'ai été appelé pour jouer dès le début. Ça me plaît beaucoup qu'on m'accorde cette confiance. Mais je sais aussi que je peux encore améliorer certaines choses.
Cette période à Dortmund, où vous restiez dans les tribunes sans pouvoir jouer: quel regard portez-vous dessus. avec du recul?
Pour être honnête, je ne veux plus m'occuper de Dortmund. C'est une partie de mon passé. J'ai trouvé un très bon point de chute, j'ai atterri à City dans un si grand club avec de si bons coéquipiers. Je n'ai donc plus besoin de me souvenir de l'époque de Dortmund.
Vous avez une confiance en vous saine. En venant à City, vous vous étiez dit: «Oui, je peux le faire». Mais jouer aussi régulièrement a-t-il dépassé vos attentes?
J'avais confiance en moi. Mais je ne savais pas comment pensaient l'entraîneur ou les dirigeants, par exemple. On a beaucoup de bons joueurs. On a encore quelques blessures à soigner, des joueurs qui reviendront en cours d'année et qui ont un rôle important.
Parlons de Pep Guardiola. Il est considéré comme le meilleur ou l'un des meilleurs entraîneurs du monde. Comment le percevez-vous dans le travail quotidien?
Je pense qu'on remarque, quand on travaille avec lui, qu'il passe vraiment beaucoup, beaucoup, beaucoup de temps connecté au football, qu'il réfléchit beaucoup à la manière dont on pourrait jouer, à la nouvelle tactique qu'on pourrait adopter contre l'adversaire. Et même individuellement, en tant que joueur, il est très souvent à l'écoute. Il se demande, par exemple: «Qu'est-ce qui pourrait aider dans telle ou telle situation?» Il prend beaucoup de temps, il est très attentif aux détails. Mais il est aussi très exigeant. C'est ce qui nous rend meilleurs.
Récemment, Pep Guardiola a dit de vous: «Ce garçon est un cadeau. C'était une décision sensationnelle de le recruter. Il y a des joueurs à qui tu dois expliquer dix fois ce que tu veux d'eux. Ce type est différent, il n'a eu besoin que d'une seule séance d'entraînement. Il suffit de lui expliquer et il comprend tout de suite.» Qu'est-ce qu'un tel éloge vous procure?
Ça me fait évidemment très plaisir d'entendre de telles paroles de la part de mon entraîneur. Mais pour moi, ce qui est décisif, c'est aussi ce qu'il me dit dans l'échange direct avec moi. Comment je peux m'améliorer et ce qu'il me dit de positif.
Que vous dit-il directement? Est-il plus critique lors d'un entretien personnel? Plus terre à terre?
Oui. Finalement, en tant qu'entraîneur, il faut toujours trouver le bon équilibre. Je ne sais pas comment il parle à un Bernardo Silva ou à un Rodri. Je ne sais pas de quoi il parle avec eux. Je ne comprends pas quand il parle espagnol. (rires) Mais oui, il faut toujours trouver la bonne façon de faire.
C'est pourquoi il me met toujours au défi. Mais les félicitations sont bien sûr aussi une motivation, je veux prouver que je les mérite.
Comment vous êtes-vous acclimaté à Manchester?
Bien, ma famille vit maintenant avec moi. On habite un peu en dehors de la ville. Le trajet jusqu'à l'entraînement est donc un peu plus long, 30 minutes à l'aller et un peu plus au retour, parce qu'il faut traverser la ville. Mais c'est mieux comme ça. Habiter en ville avec les enfants ne serait pas facile. On a trouvé une belle maison. Bien sûr, il y a encore quelques petits travaux à faire, par exemple le wifi! (rires)
Adaptation en français: Yoann Graber