Le Lausanne-Sport touche le fond. Au propre, d'abord: il est dernier de Super League, avec désormais 6 points de retard sur le barragiste, Lucerne. Au figuré, ensuite: la fracture entre le public et l'équipe – joueurs et dirigeants compris – a atteint son point culminant dimanche contre Lucerne.
Les ultras lausannois – fous de rage avec la défaite qui se profilait – ont causé l'interruption du match à la 75e en lançant des engins pyrotechniques. Y compris en direction de leurs propres joueurs, venus pour tenter de les calmer.
Ce triste événement n'est que le dernier d'une histoire turbulente entre le géant de la pétrochimie Ineos et le Lausanne-Sport.
La multinationale basée à Rolle a racheté le LS quelques semaines plus tôt. Très vite, les nouveaux proprios veulent imposer leur patte. Ou plutôt leur marque. Ils ont la très mauvaise idée de retoucher le logo du club vaudois, en y incrustant les couleurs et le logo de leur entreprise. Au bleu historique du LS est ainsi ajouté des parures orange sorties de nulle part et un «o» stylisé, semblable à celui d'Ineos.
En ce début d’année 2018, la nouvelle direction a travaillé sur une évolution du fanion du club. Voici le nouveau logo du FC Lausanne-Sport.
— FC Lausanne-Sport (@lausanne_sport) January 24, 2018
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L'initiative ne passe pas du tout auprès des supporters vaudois, qui multiplient les actions pour forcer les nouveaux dirigeants à revenir en arrière: pétitions en ligne, silence pendant les matchs, messages sur les réseaux sociaux. Ils auront finalement gain de cause, les boss du LS présentant quelques semaines plus tard un nouvel emblème: épuré, et surtout sans référence à Ineos. Le faux-pas des nouveaux patrons est pardonné, mais la relation commence mal.
Ineos voulait faire du LS un club de Coupe d'Europe trois ou quatre ans après son arrivée à la barre. Mais six mois après, c'est la douche froide: Lausanne, bon dernier du classement, est relégué en Challenge League, alors qu'il était 5e à la reprise après la pause hivernale...
Les Vaudois nourrissaient pourtant de grands espoirs avec les arrivées à mi-saison du buteur Simone Rapp, de l'international suédois Alexander Fransson et du talentueux Enzo Zidane, fils de Zinédine. Mais les trois recrues ont déçu, et le LS s'est embourbé au fil du 2e tour, ne gagnant que deux matchs. Lors de l'avant-dernière journée, plusieurs ultras du LS s'étaient tristement démarqués en quittant leur secteur pour aller agresser des fans du FC Thoune à l'autre bout du stade de la Pontaise. La partie avait dû être arrêtée avant la fin, une sombre première pour le club vaudois. Sa défaite 0-3 par forfait avait acté sa culbute en 2e division.
Ce 4 juin 2020, le LS s'apprête à reprendre le championnat après une pause forcée de quelques mois due au Covid. Tout roule pour les Vaudois, qui sont en tête de Challenge League et se dirigent assez sereinement vers la promotion dans l'élite.
Mais, voilà: coup de théâtre! Le club annonce qu'il se sépare avec effet immédiat de son directeur sportif, Pablo Iglesias. Le club bleu et blanc se justifie avec ces mots, dans un communiqué:
Quelques jours plus tard, il intronise Souleymane Cissé comme nouveau directeur sportif. Aujourd'hui, beaucoup de fans du LS réclament son départ.
Vincent Steinmann, alors directeur commercial et marketing du Lausanne-Sport, est élu président de Team Vaud, le mouvement juniors d'élite chapeauté par le LS et qui comprend aussi Yverdon, le Stade Nyonnais, le Stade-Lausanne-Ouchy, Vevey, Gland, Echallens et Bavois. Parmi ces clubs partenaires, plusieurs voix s'élèvent contre l'élection de Vincent Steinmann. La raison? Il représente un LS trop privilégié aux yeux de certains membres de l'association.
Contrairement aux autres, Lausanne pèse pour deux voix dans les décisions et il reçoit davantage d'argent sur les transferts des pépites formées au Team Vaud. En plus, il a la main mise sur les meilleurs jeunes footballeurs du canton.
Le président d'Yverdon-Sport, Mario Di Pietrantonio, s'était offusqué de cette situation dans 24 Heures: «Il faut modifier ces statuts qui datent d’un autre temps. On a l’impression de n’avoir aucun pouvoir, de ne pas être écouté». La collaboration chancelante a empêché Vincent Steinmann d'être élu à l'unanimité. Mais le désormais vice-président du LS ne semblait pas vouloir changer de politique au sein du Team Vaud. «On est ouverts à la discussion, mais on attend encore de recevoir de vrais arguments pour changer ce modèle», rétorquait-t-il à son homologue du Nord vaudois par médias interposés.
Les amoureux de foot à Lausanne attendaient ce moment depuis de nombreuses années: l'inauguration d'un nouveau stade, pour remplacer la vétuste et si peu football friendly Pontaise. Leur souhait a été exaucé le 29 novembre 2020, avec le premier match, contre YB, dans la flambant neuve Tuilière... sans public, Covid oblige.
On pensait qu'une nouvelle enceinte doperait l'engouement des Lausannois pour le football, et qu'une fois les stades rouverts aux spectateurs, ils viendraient voir leur équipe en nombre. Raté. La moyenne de spectateurs à la Tuilière depuis le début de cette saison est de 5'669. Soit seulement 1'700 fans de plus que lors du dernier exercice en Super League du LS à la Pontaise (2017-2018).
Le vieux stade olympique avait même un meilleur score que la nouvelle arène lors de la saison 2011/2012 (6'269 spectateurs). Certes, la pandémie, puis les mesures pour entrer dans les stades (pass, tests, etc.) n'ont pas aidé, mais le constat est bien là: le nouveau très bel outil du LS ne lui a pas permis de devenir plus populaire. Et c'est bien dommage, parce qu'il en aurait bien besoin en ce moment.