Le FC Lugano défiera le FC Saint-Gall dans le cadre de la finale de la 97ème édition de la Coupe de Suisse, ce dimanche à 14h00. Une compétition que les Tessinois n'ont plus remportée depuis 1993. À leur tête, on retrouve un «Chiassesi» (originaire de la ville rivale de Chiasso), qui a su se faire apprécier par tout un canton grâce à son travail mais également ses qualités humaines. Retour sur le parcours d'un joueur humble et d'un coach passionné.
Mattia Croci-Torti voit le jour le 10 avril 1982, à Chiasso, dans l'extrême sud du canton (et du pays). Il rejoint rapidement le club local avant de tenter sa chance du côté de GC, en moins de 21. Une terrible blessure l'éloigne d'une carrière en Suisse alémanique, où il développe néanmoins quelques qualités qui lui seront utiles plus tard, comme la maîtrise de l'allemand.
Il revient alors dans son jardin, le Tessin, pour embrasser une carrière honorable de latéral droit, principalement en Challenge League. Entre 2002 et 2014, il porte les couleurs de Malcantone Agno, de Lugano, de Biasca, de Mendrisio avant de revenir à la maison, à Chiasso. Entre-temps, il commet une petite infidélité au Tessin en évoluant pour Wil. Un parcours qui lui permet d'afficher à son compteur plus de 197 matchs de Challenge League et lui assure une notoriété dans tout le Tessin.
Pour Giacomo Notari, journaliste tessinois de blue Sports et rédacteur en chef de Proxifoot, la célébrité locale de Croci-Torti est l'un des éléments qui expliquent le succès actuel du technicien:
Mattia Croci-Torti (39) is now officially the new headcoach of FC Lugano 🤝
— Bolzplazz Swiss Football Platform (@Bolzplazz) September 20, 2021
Contract until 2023 📝
Surprising move by the new owners! A big name was expected but they decided to go with someone from the region.#lugano #ticino #fcl #schweiz #suisse pic.twitter.com/4yxlU8XZAY
Le Tessinois met un terme à sa carrière de joueur en 2014 et passe tout de suite de l'autre côté de la ligne de touche. Il devient assistant à Chiasso puis à Lugano, où il parfait ses gammes jusqu'à en devenir l'entraîneur principal l'été passé. Il se dira alors «heureux d'avoir la chance d'être nommé entraîneur ici et pleinement motivé».
La nomination de Mattia Croci-Torti à la tête du FC Lugano s'est fait dans un contexte particulier, voire chaotique. L'été passé, le club est racheté par l'Américain Joe Mansueto, propriétaire également du club de MLS Chicago Fire, où joue Xherdan Shaqiri. On craint alors pour l'avenir du club du Cornaredo: deviendra-t-il un énième club ferme de ces multinationales du football, qui investissent de plus en plus ce sport?
Les nouveaux propriétaires se veulent rassurants. Mais après cinq matchs seulement, ils se séparent du coach alors en place, choisi par des Brésiliens – qui s'étaient engagés à reprendre le club juste avant les Américains, mais dont le rachat a capoté: le légendaire Abel Braga, plus de 20 titres à son palmarès avec Flamengo, Fluminense ou encore Porto Alegre, avec qui il a été sacré champion du monde des clubs en 2006.
La situation est rocambolesque, mais elle s'éclaircit quand les dirigeants nomment l'un des assistants de l'Auriverde pour assurer l'intérim, Mattia Croci-Torti, au club depuis de nombreuses années. «C'était l'opportunité de sa vie», explique Giacomo Notari.
Mickaël Facchinetti, latéral du FC Lugano, confirme:
Les résultats suivent également rapidement et Lugano se retrouve à jouer les premiers rôles. Une situation inattendue, tant le début de saison a été troublé par le contexte extra-sportif.
Le coach tessinois a aussi permis aux supporters de garder une part d'identification au club, après le rachat américain. Une identification qui ne fait pas tout dans le football, mais qui aide à garder une proximité entre les fans et le club. Le directeur technique du FC Lugano, Georg Heitz, ne disait rien d'autre en décembre dernier quand il affirmait que «la population doit se retrouver dans le projet. Sinon, nous échouerons».
Le succès du club tessinois peut également s'expliquer par l'ADN du club. Proche culturellement et géographiquement de l'Italie, le FC Lugano transpire les valeurs du «calcio». Qualifiés de joueurs défensifs par certains, les Tessinois transmettent une image d'équipe combattive, difficile à jouer et qui mise sur sa solidité. Le tout agrémenté d'une certaine passion bien latine que transmet le coach à son groupe, comme en témoigne Mickaël Facchinetti :
Des qualités humaines qui collent parfaitement aux valeurs du club. Mattia Croci-Torti n'a par ailleurs pas révolutionné le football du FC Lugano en arrivant à sa tête. Après plusieurs années comme assistant, il a fait le choix de la continuité. Et ça fonctionne: «Mattia Croci-Torti n'a pas vraiment modifié le style de jeu du FC Lugano, valide Giacomo Notari. Au contraire, il a misé sur la continuité en se basant sur les forces de ses hommes. Il a été très fort jusqu'à présent dans la gestion de son groupe et dans ses choix.»
Si la continuité fonctionne, c'est aussi parce que le groupe est soudé. Mickaël Facchinetti, au club depuis 2020, n'en a jamais connu d'aussi solidaire:
A la tête de cette joyeuse bande, un chef d'orchestre qui préfère nettement la combo Stan Smith-jeans-casquette aux costumes. On peut voir dans ce choix le reflet de l'humilité du technicien du Cornaredo, où sa simplicité est appréciée:
Les bons résultats de l'équipe ces derniers mois nourrissent des grandes ambitions et attentes à Lugano. Ce dimanche, on espère y soulever un trophée, une première depuis 1993. Et Mattia Croci-Torti est le premier à être excité par cette idée. L'homme fort du FC Lugano revient régulièrement en conférence de presse sur cette compétition.
Le FC Lugano a reçu 12'000 billets au Wankdorf. 10'000 auraient déjà trouvés preneurs. Giacomo Notari a le sien et il espère que cette finale sera celle de la ville de Lugano mais également celle de tout un canton: «Ce serait sympa de voir des gens de Bellinzone ou de Chiasso avec nous. Je pense que Mattia Croci-Torti a le profil pour unifier le canton derrière notre équipe.»
Réponses dimanche à Berne, en tribunes tout d'abord, où les supporters luganais feront face à l'habituelle nombreuse et bruyante cohorte saint-galloise, elle aussi sevrée de titres depuis très longtemps (2000). Sur le terrain ensuite, où la troupe de Croci-Torti en découdra avec celle de Peter Zeidler, biberonnée à l'«école Red Bull», celle du pressing et du jeu offensif. On se réjouit de voir cette opposition de style, tout comme l'effervescence dans les gradins!