Nino Schurter, vous débutez ce week-end au Brésil votre 15e saison de Coupe du Monde. Ressentez-vous toujours cette étincelle qu'il y avait à vos débuts?
Oui, c'est effectivement la même chose. Avant chaque début de saison, je ressens une nervosité supplémentaire. La dernière course remonte déjà à un certain temps. On ne sait pas vraiment où l'on en est.
Vous avez besoin de cette nervosité?
C'est une bonne chose de l'avoir. Mais il ne faut pas que la tension soit trop importante non plus. Sinon, cela devient un fardeau. Idéalement, il faudrait que la nervosité puisse créer une humeur positive.
Vous avez une fois encore effectué une partie de votre préparation en Afrique du Sud.
J'ai conservé ce qui a fait ses preuves. Cela inclut des séances de ski de fond en Suisse. J'ai passé beaucoup de temps dans la neige cet hiver. Et cela inclut aussi l'Afrique du Sud, où j'ai encore participé à la Cape Epic. Cette année, j'avais vraiment en tête ce début de Coupe du Monde. Ce sera humide et chaud. J'espère que mon programme en Afrique du sud me viendra en aide.
Chaleur et décalage horaire: le début de la Coupe du monde au Brésil présente quelques défis.
Je pense que le climat est la chose la plus difficile à gérer. Nous n'avons pas eu beaucoup de journées chaudes en Suisse. Et puis soudain, vous vous retrouvez là, à 30 degrés et avec un important taux d'humidité. C'est un défi. A la Cape Epic, il faisait plus de 35 degrés. J'ai aussi fait des blocs spécifiques à la maison: des séances sur rouleaux sans aucun dispositif pour me refroidir. Et grâce à des séances régulières de sauna et des bains de vapeur, le corps a pu s'habituer à la chaleur et à la transpiration.
Deux courses sont au programme au Brésil et vous êtes loin de chez vous durant environ deux semaines. Cette longue absence est-elle devenue plus difficile?
J'ai beaucoup voyagé ces 15 dernières années. Je suis habitué (Rires). Je crois que j'aime voyager. Au Brésil, nous sommes sur de nouvelles routes. J'attends avec impatience les courses. Mais il est difficile de ne voir ma fille que par Facetime durant de longues périodes.
2024 est une année olympique. Comment cette course fin juillet influence-t-elle votre programme?
Paris apporte une excitation supplémentaire. Une tension supplémentaire. D'autant que la qualification n'est pas encore actée. Nous, les Suisses, nous avons trois athlètes dans le Top 6 mondial. Et pour cette édition, les nations sont limitées à deux compétiteurs au départ. L'un d'entre nous restera à la maison.
Cette concurrence interne est-elle un avantage? Ou plutôt un inconvénient?
La qualification devient un défi, et cela vaut également pour les autres nations. Il y a un risque que certains athlètes ne soient pas à leur meilleur niveau à Paris, car ils doivent faire beaucoup en amont pour se qualifier. J'espère que cela ne nous arrivera pas. Je considère la concurrence et la compétition qui en découle comme une façon de m'aider à atteindre des performances optimales. Une fois à Paris, ce sera effectivement plus simple (Rires). De nombreux athlètes parmi les 20 premiers du classement mondial manqueront les JO en raison des modalités de qualification. C'est dommage pour la course. Mais ce sont les Jeux olympiques.
Quelle signification les Jeux ont-ils pour vous?
Paris serait mes cinquièmes JO. Cela signifierait beaucoup pour moi de pouvoir y être. Avant Tokyo, j'avais le sentiment que les Jeux au Japon seraient mes derniers. Mais à cause du Corona, le ressenti était différent de ce que j'avais imaginé.
Vous avez participé aux Jeux olympiques pour la toute première fois en 2008. Comment l’athlète Nino Schurter a-t-il changé au cours de ces années?
A Pékin, je me suis qualifié de justesse en tant qu'athlète U23. J'étais là pour apprendre. A Londres, j’ai jeté mon dévolu sur l’or et j’ai échoué. Tout s'est bien passé à Rio. Désormais, la posture est différente. Je suis le plus âgé. La perspective a changé, mais je suis resté le même athlète. Je ressens toujours la même joie, la même motivation de me battre.
Vous êtes au sommet depuis plus d’une décennie. Quelles sont les pièces du puzzle qui permettent cette impressionnante régularité?
Je pense que trouver un équilibre est crucial. J'ai réussi à le faire encore et encore au cours des dernières années. J'ai une équipe dans laquelle je me sens bien. Cela m’aide, et pourtant, j'ai toujours mes libertés.
L’impression est-elle trompeuse ou êtes-vous devenu plus détendu ces dernières années?
Oui, dans l’ensemble, c’est vrai. Je sais ce que j’ai accompli, ce que je peux faire, ce dont j'ai besoin. Je peux avoir confiance en mes capacités. Cela me donne un certain relâchement.
Y a-t-il des choses qui deviennent plus difficiles avec l’âge?
La récupération prend un peu plus de temps. Mais je rattrape ça avec l'expérience. Je dois aussi m'investir davantage pour maintenir mon explosivité. Ma chance est que j'ai été épargné ces dernières années.
Carrière, un joli mot-clé. Combien de temps durera la vôtre, justement?
Je ne sais pas combien de temps durera mon voyage. Pour le moment, l’attention est portée sur Paris. Je suis toujours motivé. Je suis convaincu que je peux faire une belle saison. Et puis, peut-être qu’une autre viendra (Rires).
Mais Paris seront définitivement vos derniers Jeux.
(Rires). Je ne pense pas que je serai encore là à 42 ans. Mais il existe actuellement quelques exemples d’athlètes plus âgés qui réalisent encore des performances de haut niveau. Novak Djokovic, Andrés Ambühl. Je suis attentif à leur gestion. Ce n'est pas comme si à un certain âge, tout devait s'arrêter. Si tout se passe bien et que vous prenez soin de vous, vous pouvez toujours performer à un âge avancé. Ici aussi, l’équilibre est crucial.
Dernière question, quelle Une aimeriez-vous lire à votre sujet cette saison?
(Il réfléchit). Ce serait: "Nino Schurter remporte sa quatrième médaille aux Jeux olympiques". C'est le rêve absolu cette année.
Adaptation en français: Romuald Cachod.