C'est l'été et il fait chaud à Stellenbosch. Les gens sont assis aux tables des cafés et des restaurants branchés. La ville étudiante, située à environ 45 minutes en voiture du Cap, est animée en ce mercredi midi. De dos déjà, on reconnaît Nino Schurter. La calvitie et le maillot arc-en-ciel du champion du monde sautent aux yeux. Le vététiste grison arbore son sourire malicieux lors des salutations. Il sort directement d'une séance d'entraînement, qui l'a laissé sur sa faim. Avant même que le déjeuner ne lui soit servi, des fans le reconnaissent et lui demandent des photos. Nino Schurter pose tout sourire.
A Stellenbosch, le champion de 36 ans est presque un héros local. Il s'entraîne environ deux mois par an en Afrique du Sud. En ce mois de janvier, froid en Suisse, la région est un lieu d'entraînement idéal, d'autant plus que le climat chaud et estival de la région viticole n'est pas le seul avantage. La région de Stellenbosch est également connue pour ses nombreux et bons sentiers de VTT. «Les conditions d'entraînement ici sont parfaites», résume Schurter.
Lorsque Schurter se rend pour la première fois à Stellenbosch en 2006 dans le cadre d'un camp d'entraînement, cette localité qui rappelle une petite ville hollandaise est encore largement méconnue des vététistes. Mais ces dernières années, de plus en plus de trails sont venus s'y ajouter et les conditions d'entraînement sont désormais si bonnes qu'en janvier, une grande partie de l'élite mondiale s'entraîne en Afrique du Sud.
«Ici, j'ai presque de meilleurs partenaires d'entraînement qu'en Suisse», estime Schurter. Pendant la préparation, les concurrents deviennent souvent des partenaires d'entraînement.
Schurter vient chaque année à Stellenbosch et possède désormais un petit appartement dans le centre-ville. Il l'utilise lui-même environ deux mois par an. Lorsqu'il s'absente, il le loue à des touristes. «Au cours des 15 dernières années, j'ai passé environ deux ans en Afrique du Sud, explique Schurter. Cela m'a permis de me constituer un bon réseau.» Il est facile de trouver des physiothérapeutes, des masseurs ou des salles de musculation à Stellenbosch. «C'est une vraie ville de sport et les possibilités sont énormes», dit-il.
A cela s'ajoute le grand avantage de ne pas avoir de décalage horaire avec l'Afrique du Sud.
S'il s'entraînait au Brésil, son corps aurait besoin de plusieurs jours pour s'habituer au nouveau fuseau horaire.
Bien sûr, il y a aussi quelques obstacles à surmonter lorsque Nino Schurter se trouve en Afrique du Sud. Cette fois-ci, sa femme Nina et sa fille Lisa ne sont pas de la partie. La famille est séparée pendant environ un mois. Nino Schurter revient en Suisse pendant deux semaines pour les vacances scolaires, puis il passe du temps avec sa famille et s'entraîne dans la neige dans les Grisons, par exemple sur des skis de fond, avant de retourner dans le pays le plus au sud de l'Afrique.
Le VTT y est de plus en plus pratiqué. La popularité du Grison à Stellenbosch en est la preuve. «On me reconnaît aussi souvent ici qu'à Coire», résume-t-il en évoquant l'euphorie du VTT dans la nation arc-en-ciel. Si ce sport est de plus en plus populaire, ce n'est pas seulement parce que les beaux paysages d'Afrique du Sud sont idéaux pour le VTT, mais aussi en raison de problèmes dans le pays.
Le cyclisme sur route est en effet plus risqué que le VTT. «La circulation routière ici est très dangereuse. C'est aussi l'une des raisons pour lesquelles le VTT est plus populaire que le cyclisme sur route», raconte Schurter. Il se déplace néanmoins souvent sur son vélo de route à des fins d'entraînement. Il opte alors pour l'un des itinéraires disposant d'une bande d'arrêt d'urgence suffisante.
Au Cap, Nino Schurter participera le 12 mars au «Cape Town Cycle Tour». Avec plus de 35'000 participants, il s'agit de la plus grande course sur route du monde. Une semaine plus tard, la course de VTT par étapes Cape Epic en Afrique du Sud marquera le premier grand moment de la saison. Ce n'est que le 13 mai, le jour du 37e anniversaire de Nino Schurter, que la saison de la Coupe du monde débutera pour les vététistes à Nove Mesto, en République tchèque.
Sa motivation pour la nouvelle saison est grande après l'année dernière qui a été très fructueuse. En août dernier, Schurter a remporté pour la dixième fois le titre de champion du monde dans la catégorie élite du cross-country aux Gets, en France, et s'est assuré pour la huitième fois la victoire au classement général de la Coupe du monde.
Les principaux objectifs de Schurter pour la nouvelle saison sont à nouveau élevés, avec des victoires en Coupe du monde et le titre de champion du monde à aller chercher. Et puis, il pense déjà aux Jeux olympiques d'été de 2024 à Paris. «Mon objectif est de pouvoir à nouveau courir pour des médailles l'année prochaine», déclare le champion olympique 2016. Mais il ajoute: «Si je remarque d'ici là que les médailles sont hors de portée, je laisserai la place à un coureur plus jeune». Mais tant qu'il estime pouvoir gagner des courses, il n'est pas question de se retirer.
Alors que la conversation touche à sa fin, un fan s'approche de la table et demande brièvement: «Nino, je peux prendre une photo de ton vélo?». Schurter lui répond que «oui, bien sûr». Quelques minutes plus tard, la star prend congé, enfourche son VTT et s'en retourne dans sa deuxième maison, au coeur de Stellenbosch.
Adaptation en français: Julien Caloz