Cela fait dix jours que la jeune cycliste suisse Muriel Furrer a perdu la vie, au lendemain de sa chute survenue dans des circonstances encore floues aux Championnats du monde de Zurich. Le drame n'a pas seulement endeuillé sa famille. Il a marqué la communauté cycliste, d'autant que la Zurichoise est restée plus d'une heure seule, en sous-bois, avant que les secours ne soient déclenchés.
Il suffit de s'intéresser aux hommages rendus à la jeune femme ici et là pour voir à quel point cette tragédie a touché le petit monde du vélo. Professionnels et amateurs ont tous été ébranlés par ce qu'il s'est produit dans le canton de Zurich.
Outre les messages de soutien adressés à la famille, 1500 cyclistes se sont réunis à la mémoire de Muriel Furrer dimanche dernier. Ils ont pédalé ensemble et en silence, au petit matin, sur le circuit ayant causé la perte de la championne. Un lieu de recueillement a également été aménagé devant la Wasserkirche de Zurich dès le lendemain de l'annonce de sa mort.
Parmi tous les cyclistes touchés, les jeunes – ceux appartenant aux catégories juniors et espoirs – sont logiquement les plus démunis face à ce drame. Il les a touchés en plein cœur. Ces coureurs en devenir se sont identifiés à Muriel Furrer.
Ramona Griesser est une coureuse autrichienne de 17 ans. Elle pédalait aux côtés de la Zurichoise peu avant l'accident. On les voit toutes les deux en plein effort sur une photographie prise par une agence dans un mur à 18%. D'autres cyclistes apparaissent en fond.
L'Autrichienne n'a pas remarqué la chute de Muriel Furrer quelques hectomètres plus loin. Ce n'est guère surprenant. Le drame a eu lieu en descente sur route sinueuse et détrempée. Les écarts se créent naturellement et il est facile de perdre de vue un concurrent au détour d'un virage. Elle serait passée huit secondes derrière la Suissesse à 400 mètres du lieu de l'accident.
Contacté en milieu de semaine par CH Media, le groupe auquel watson appartient, le père de Ramona Griesser dit de sa fille qu'elle reste choquée par ce qu'il s'est passé. Elle a appris mardi par son entraîneur qu'elle était certainement l'une des dernières personnes à avoir vu Muriel Furrer vivante. Cette situation est difficilement gérable pour la jeune fille. Son père évoque des symptômes similaires à ceux d'une dépression, du fait notamment qu'elle soit dans l'incapacité à fournir des informations sur le drame.
Andrea Raccagni Noviero, 20 ans, n'a pas couru avec Ramona Griesser et Muriel Furrer. Il s'est contenté d'une participation au contre-la-montre individuel de sa catégorie plus tôt dans ces Mondiaux. Il reste néanmoins marqué par les événements. Dans un message publié vendredi sur les réseaux sociaux, une semaine après l'annonce de la perte de la Zurichoise, l'Italien, membre de l'équipe développement de la Soudal-Quick-Step, s'est livré de manière étonnante, rongé par la culpabilité.
Andrea Raccagni Noviero a emprunté la descente très controversée placée sur le parcours du contre-la-montre de Zurich. Il dit avoir risqué sa vie ce jour-là et regrette de ne pas avoir fait davantage pour la sécurité des coureurs, que ce soit après cette expérience ou de façon plus générale depuis qu'il court à haut niveau. «Chaque athlète qui a couru le contre-la-montre comme moi a mis sa vie en danger dans une descente qui n’avait aucune raison d’être là, et tout le monde le savait», dit-il en déplorant son attentisme et celui du peloton.
Muriel Furrer a chuté et subi un grave traumatisme crânien dans une autre descente. Olivier Senn, patron des Championnats du monde de Zurich, dit de celle-ci qu'elle a été empruntée 1500 fois durant la semaine sans que personne ne vienne s'en plaindre. Est-ce parce que les coureurs, robotisés, ont fini par s'habituer à des risques devenus plus importants – compte tenu de l'augmentation de la vitesse, des enjeux démultipliés ou des aménagements urbains plus fréquents? C'est en tout cas ce vers quoi Andrea Raccagni Noviero tend à penser.
Le père de Ramona Griesser, lui, défend le comité d'organisation. Sa fille aurait évoqué auprès de sa fédération des descentes dangereuses et glissantes une fois l'arrivée franchie, mais elle serait revenue depuis sur ses propos, selon lui. Il rappelle qu'il s'agissait d'un ressenti à chaud après une journée passée sous la pluie. «En tant que père, je ne peux que dire qu'une chose: de notre point de vue, l'organisation était irréprochable», a-t-il déclaré auprès de CH Media. Pas sûr qu'Andrea Raccagni Noviero soutienne cet avis lui qui, depuis vendredi dernier, se sent en partie responsable de la mort de Muriel Furrer.