Chaque semaine, Marco Stalder passe entre 15 et 17 heures en selle avec une idée en tête: boucler la mythique Transcontinental Race. Une épreuve considérée comme la course cycliste la plus dure et la plus folle d’Europe. L’an dernier, seuls 55% des participants sont parvenus jusqu’à l’arrivée.
Pourquoi le Thurgovien de 30 ans s'est-il lancé un tel défi? En réalité, Marco Stalder n’a commencé à faire du vélo de manière intensive qu’il y a environ six ans – avec un atout non négligeable: son père, Fredy Stalder, tient un magasin de vélos et de motos à Pfyn (Thurgovie).
L’expertise technique sur le matériel était donc acquise dès le départ. Tout comme le plaisir de parcourir les routes à deux roues. C’est ce plaisir qui continue aujourd’hui encore de le motiver. «Le rythme du vélo est idéal pour percevoir le paysage et observer ce qui nous entoure», souligne-t-il.
Pendant les vacances universitaires de ses études d’architecture, cet ancien footballeur amateur a commencé à apprécier les longues distances à vélo. Il s’est ainsi aventuré jusqu’à Vienne, Rome ou Lisbonne. Jusqu’au jour où son père lui suggère de participer au «Hope 1000»: une course de VTT entre Romanshorn et Montreux, longue de 1000 kilomètres, à travers les Alpes, sans assistance extérieure. Sans grande ambition, Stalder décide de tenter l’expérience. Cinq jours plus tard, il franchit la ligne d’arrivée – et réalise qu’il aime la compétition, le fait de se mesurer aux autres. Il s’inscrit alors à d’autres courses, mais cette fois, avec un vélo de route.
En octobre 2024, il participe à la TransPyrénées, une traversée des Pyrénées à vélo. Après cinq jours et demi, 2000 kilomètres et 40 000 mètres de dénivelé, il termine à la cinquième place. C’est à ce moment-là que le virus de l’ultracyclisme le saisit définitivement. Il prend part à deux autres courses, dont l’Atlas Mountain Race en février de cette année. Il y parcourt 1300 kilomètres en 4 jours et 17 heures, et se classe onzième face à une concurrence relevée. Fort de ces expériences, Marco Stalder se sent désormais prêt à affronter le défi de la Transcontinental Race.
Même lui le reconnaît: «C’est encore une toute autre dimension.» Au-delà des innombrables heures d’entraînement, il faut, dit-il, une réelle conviction, une volonté de fer et une solide endurance mentale. Car le Thurgovien devra parcourir 4600 kilomètres à vélo – à travers toute l’Europe, de Saint-Jacques-de-Compostelle jusqu’à Constanţa, au bord de la mer Noire – et cela le plus rapidement possible.
A titre de comparaison, le parcours complet du Tour de France cette année totalise 3338,8 kilomètres. Les coureurs professionnels bouclent cette distance en 21 étapes, avec deux journées de repos. Un luxe dont Stalder ne pourra que rêver: il s’est fixé pour objectif de rallier l’arrivée en environ douze jours. Cela représente près de 400 kilomètres par jour. A titre de repère, l’étape la plus longue du Tour de France 2024 faisait 209 kilomètres. Stalder devra donc quasiment doubler cette distance – chaque jour.
Une chose est sûre: la capacité de résistance de Marco Stalder sera mise à rude épreuve. Dans les moments difficiles, Marco Stalder trouve du réconfort dans de petites choses. Comme les bonbons, dont il ne se sépare jamais. Il a un faible particulier pour les vers fluorescents acidulés. Non seulement ils apportent du sucre, mais ils ont aussi le mérite de lui remonter le moral.
L’alimentation constitue l’un des aspects les plus cruciaux de la course. Le besoin calorique quotidien s’élève à environ 10 000 calories. «En réalité, tu ne peux pas manger autant», reconnaît Stalder. C’est pourquoi il prévoit de partir avec un maximum de gels énergétiques et de nourriture pour sportifs. Ensuite, il devra se rabattre sur ce qu’il trouvera dans les supermarchés ou les stations-service le long du parcours. L’essentiel, dans tous les cas: consommer un maximum de sucre et de glucides.
L’hydratation est elle aussi primordiale. Il faut boire au moins six à huit litres d’eau par jour – voire jusqu’à dix litres en cas de forte chaleur. Stalder sera équipé de deux bidons pour un total de 1,7 litre. Et toujours à portée de main: une canette de cola pour les coups durs.
Autre facteur décisif: le sommeil. «Mon objectif, c’est de dormir entre trois et quatre heures par nuit.» Comme la course débute dimanche soir à 20 heures, Stalder prévoit de rouler sans pause pendant les premières 24 heures. Il envisage de s’accorder un premier repos après environ 600 kilomètres. Ces dernières années, le sommeil a gagné en importance dans le monde de l’ultracyclisme. On constate souvent que les athlètes qui dorment davantage avancent plus vite que ceux qui dorment à peine.
Mais là aussi, les approches diffèrent. Pour pouvoir dormir partout, Marco Stalder emporte avec lui un sac de couchage et un matelas de sol. Il privilégie toutefois, dès qu’il le peut, une chambre d’hôtel. «Pour la récupération, c’est bien meilleur.» Il peut ainsi laver ses vêtements, recharger ses batteries et son téléphone. Car Stalder est totalement autonome. L’électricité – pour le GPS, le téléphone et l’éclairage – est vitale. Il doit régulièrement vérifier son itinéraire et réserver ses nuitées au fil de la route.
A la Transcontinental Race, les participants doivent franchir cinq points de contrôle, où un tampon leur est apposé, ainsi que cinq tronçons imposés. Le reste de l’itinéraire est à planifier soi-même. Quels passages Stalder attend-il avec le plus d’impatience? «Le col du Tourmalet, mais aussi les Balkans, avec l’Albanie et la Macédoine du Nord.» Le col du Tourmalet, explique-t-il, est le sommet le plus souvent emprunté du Tour de France. Il y règne quelque chose de mythique. «On voit encore souvent les noms des coureurs inscrits à la peinture blanche sur l’asphalte.»
Quant aux Balkans, c’est l’inconnu qui l’attire. «Je n’y suis encore jamais allé.» Chaque jour réserve de toute façon sa surprise. Il dit apprécier la simplicité à laquelle ces deux semaines se résument: «Juste rouler, manger et dormir.» Marco Stalder se dit prêt. Physiquement, et en ce qui concerne son matériel.
Au total, il n’emportera pas plus de 14 kilos, vélo et sacoches compris. Tout excès serait du poids inutile. L’aventure commencera le dimanche 27 juillet. Quant à savoir quand elle se terminera, même Stalder ne le sait pas encore précisément. «Mais j’ai l’esprit de compétition, et je garderai un œil sur mes adversaires en ligne», confie-t-il, avant d’enfourcher son vélo et de repartir en direction de Winterthour, quittant le canton de Thurgovie en pédalant.
La course est à suivre ici: https://dotwatcher.cc.