L'indignation dans le monde du sport a été gigantesque. Lorsque l'investisseur et homme d'affaires australien Aron D'Souza a présenté en 2023 son idée d'Enhanced Games – les «Jeux améliorés» –, les organisations antidopage, les fédérations sportives et le corps médical sont tous montés aux barricades. Et pour cause: le dopage sera officiellement autorisé lors de ces Enhanced Games.
Mais depuis, de plus en plus de scientifiques ont donné leur avis sur ces Jeux pour le moins particuliers. Et certains y voient des aspects positifs.
Les Enhanced Games se positionnent délibérément et de manière provocatrice comme un contre-projet aux Jeux olympiques, qu'ils qualifient de «corrompus».
Celui qui battra un record du monde sera récompensé par un prix d'un million de dollars.
«L'excellence mérite d'être récompensée», a déclaré D'Souza, qui vit à Londres. Les cinq sports au programme sont l'athlétisme, la natation, la gymnastique, les arts martiaux et l'haltérophilie. Les organisateurs affirment même que l'absence de tests antidopage rend les compétitions «plus équitables».
D'anciens participants aux Jeux olympiques ont déjà manifesté leur intérêt et de puissants investisseurs issus de l'économie veulent soutenir financièrement l'événement, comme le milliardaire américain libertaire et cofondateur de PayPal, Peter Thiel. Selon Aron D'Souza, de nombreux sportifs qui étaient en lice à Paris cet été souhaitent également participer aux Enhanced Games.
Au cours des derniers mois, plusieurs articles scientifiques ont été publiés, qui posent un nouveau regard – nettement moins accusateur – sur ces «Jeux pour dopés». Le Britannique Andrew Richardson écrit que l'idée d'explorer des possibilités dans le domaine de l'amélioration des performances humaines est fondamentalement intéressante. Tout comme de savoir si les records existants peuvent être améliorés de manière significative.
Richardson estime toutefois que les organisateurs ont l'obligation d'en faire beaucoup plus pour garantir la santé des athlètes. Pour l'instant, pour prévenir les éventuels problèmes de santé, ils veulent soumettre tous les participants à différents tests médicaux tels que des dépistages, des tests sanguins et des électrocardiogrammes et les surveiller. Ainsi, les risques d'effets néfastes sur la santé dus à la prise de produits dopants seraient réduits.
Il préconise aussi que les participants soient conseillés avant l'événement et que la consommation de produits dopants soit limitée par athlète. «Personne ne veut voir des athlètes hospitalisés ou, dans le pire des cas, mourir à cause de la prise de ces médicaments», écrit-il dans son travail.
L'exemplarité des sportifs est également un thème débattu. Dans quelle mesure les athlètes qui se dopent incitent-ils les jeunes à consommer des anabolisants, par exemple? Sur ce point, Richardson est favorable à cette compétition sans test antidopage:
Luke Thomas Joseph Cox, scientifique gallois, conclut, lui, «qu'à l'instar de la division du bodybuilding en disciplines testée et non testée, cet événement pourrait coexister avec les Jeux olympiques, car ils incarnent chacun des idéaux et des identités différents».
Le jugement d'April Henning, une sociologue écossaise du sport, est encore plus radical. Pour elle, les Enhanced Games renversent toute la logique de la lutte contre le dopage. Ce qui n'est, selon elle, pas un problème. Dans son analyse sur ces jeux où le dopage est autorisé, elle observe:
Henning souligne que le dopage est stigmatisé, s'étant vu attribuer une valeur morale négative. L'Ecossaise enchaîne:
Selon elle, la suppression des tests ou des sanctions permettrait aux sportifs d'obtenir un soutien légal pour les méthodes les plus efficaces et les moins risquées d'amélioration des performances. La recherche a également montré «que le dopage dans le sport de haut niveau n'est peut-être pas aussi nocif qu'on le craignait», ajoute la sociologue.
On peut facilement comprendre que les institutions sportives adoptent une toute autre position. Le Comité international olympique (CIO) a qualifié les Enhanced Games de «blague» et de compétition «injuste». L'Agence mondiale antidopage (Wada) a, elle, parlé de «concept dangereux et irresponsable». Elle développe:
Interrogé par CNN, Grigori Rodtchenkov, médecin réfugié aux États-Unis et ancien chef du programme de dopage russe, s'est lui aussi offusqué face aux Enhanced Games:
Travis Tygart, le boss de l'agence antidopage américaine, est également outré par ce projet, qu'il qualifie de «spectacle de clown dangereux. Vraiment personne ne veut que nos enfants grandissent en consommant des produits dopants de manière débridée dans le sport, même si certains profiteurs pensent le contraire».
Jusqu'à présent, le lancement des Enhanced Games ressemble surtout à un énorme show de relations publiques. Il est très peu probable que la première édition, prévue dans la seconde moitié de 2025, ait vraiment lieu.
Certes, les organisateurs affirment que les négociations pour déterminer le lieu de la compétition sont bien avancées. Plusieurs villes du monde entier auraient fait part de leur intérêt. Mais sur le site web de l'événement, on attend des nouvelles depuis des mois. A part l'idée, tout reste extrêmement vague.
Traduction et adaptation en français: Yoann Graber