Les chantres de la légalisation du dopage tiennent leur nouvel ambassadeur: il s'appelle Aron D'Souza, c'est un homme d'affaires né à Melbourne mais basé à Londres, où il préside «Enhanced Games» (littéralement: Jeux améliorés), une coalition d'athlètes, de médecins et de scientifiques qui prévoit d'organiser les premiers Jeux de l'histoire sans contrôle antidopage. Ceux-ci se tiendraient en décembre de l'année prochaine, sur un site encore à définir.
Pour inciter les villes à se porter candidates, l'organisateur évoque des coûts dérisoires (moins de 100 millions) si on les compare avec les milliards dépensés par les JO dits «traditionnels». Mais ce n'est bien sûr pas la différence la plus importante avec les Jeux olympiques qui se tiennent chaque deux ans et au cours desquels de nombreux contrôles antidopage sont effectués.
Car ce qu'Aron D'Souza souhaite dans sa compétition «améliorée», qui réunirait cinq catégories de sports parmi les plus surveillées par les instances antidopage (athlétisme, natation, haltérophilie, gymnastique et sports de combat), c'est qu'absolument aucun contrôle ne soit effectué. Cela signifie que chaque athlète serait libre de consommer des steaks au clenbutérol ou de boire la potion de Michele Ferrari, le médecin italien qui avait un jour comparé l'EPO à du jus d'orange.
L'homme d'affaires australien estime qu'«aucun gouvernement, aucune fédération sportive paternaliste ne devrait prendre ces décisions à la place des athlètes, en particulier en ce qui concerne les produits réglementés et approuvés par la Food and Drug Administration (FDA).» La question que pose D'Souza est la suivante: si chacun est libre de consommer des produits dopants dans la société civile, pourquoi devrait-il en être autrement lorsqu'il s'agit de sport?
Professeur à l'Université de Lausanne (Unil), Fabien Ohl avait répondu à cette question après les JO de Rio en 2016, marqués par des contrôles antidopage de grande envergure (plus de 6000). Il avait estimé que «théoriquement», légaliser le dopage pour que ce qui est admis dans la vie de tous les jours le soit aussi dans le monde sportif était «une bonne idée». Avant de préciser aussitôt:
La cheffe de mission olympique australienne pour Paris 2024 et ancienne médaillée d'or olympique, Anna Meares, s'est dite consternée par le projet d'Aron D'Souza, dans des propos rapportés par The Guardian.
Ce projet est «ridicule», a même asséné sur Twitter l'ancienne star du sprint Michael Johnson (quatre titres olympiques et huit mondiaux).
D'Souza pense au contraire que sa compétition, qu'il espère organiser tous les ans et pour laquelle deux athlètes australiens de haut niveau auraient déjà manifesté leur intérêt, incarne le futur.
L'Australien souhaite se battre pour que les futurs Lance Armstrong puissent continuer à se piquer au jeu. «Le CIO s'est engagé à vilipender les athlètes améliorés, peut-on lire sur le site d'Enhanced Games. A chaque olympiade, une nouvelle cohorte d'athlètes courageux établit de nouveaux records du monde, avant de voir leurs médailles révoquées, leurs carrières suspendues et leurs noms traînés dans la boue. Il est temps de mettre fin à ce cycle oppressif.»
On a déjà trouvé le lieu idéal pour accueillir les athlètes des premiers Jeux améliorés: les épreuves auraient tout à fait leur place à Trichey, une petite commune rurale de Bourgogne.