Xherdan Shaqiri s'est vu refuser un but jeudi 25 mars en Bulgarie. Ou plus exactement: la réussite que pensait avoir inscrite le numéro 23 a été accordée à son coéquipier Steven Zuber. L'ailier de l'Eintracht Francfort a exploité le formidable travail de Shaqiri sur le côté droit en poussant le ballon du pied juste avant qu'il ne franchisse la ligne. Il s'en est presque excusé.
C'est tout de même à lui qu'il a été accordé (Zuber a été vérifier les statistiques officielles après la partie 😉) et pas à Shaqiri. Or «un but de plus ou de moins en sélection, quand on sait qu'on n'y joue pas tous les week-ends, ça compte», rappelle Lorenzo Falbo, agent de footballeurs depuis 18 ans. Surtout pour Xherdan Shaqiri, qui s'apprête à faire son entrée dans le top 3 des meilleurs scoreurs de la Nati (il est à une longueur du podium).
Peut-être qu'un jour «XS» aura oublié; peut-être pas. Car contrairement aux présidents, les joueurs offensifs ont la mémoire des chiffres. Ils connaissent la valeur d'un goal, savent que c'est au nombre de réussites qu'ils seront jugés par des observateurs qui assurent frénétiquement les bilans comptables, dans une course au record permanente. Les matches, désormais, ressemblent moins à un duel entre deux équipes qu'à une lutte à distance entre deux hommes: Messi vs Ronaldo, Haaland vs Mbappé, Batman vs Robin.
🤯 Encore un record fou pour Haaland !
— beIN SPORTS (@beinsports_FR) March 12, 2021
⭐ 14 matchs pour atteindre 20 buts en Ligue des Champions !
⚽ Benzema : 34
⚽ Lewandowski : 36
⚽ Neymar : 38
⚽ Messi : 40
⚽ Mbappé : 40
⚽ CR7 : 56 pic.twitter.com/Hfq43QIQMD
Le football est devenu un sport individuel pratiqué à plusieurs, où chacun essaie de briller en soignant ses stats, ce qui conduit parfois à des comportements douteux. Comme en 2015, lorsque Cristiano Ronaldo n'avait pas célébré le but de son coéquipier Gareth Bale contre Levante, furieux d'avoir manqué une occasion juste avant. «Son ego ne connaît aucune limite. Le Ballon d'or a de nouveau démontré sa cupidité excessive», avait taclé haut le journal catalan Mundo Deportivo.
Mbappé s'était lui aussi illustré en 2019. L'attaquant parisien avait écrit à la Ligue (LFP) pour que sa frappe victorieuse, déviée par Hilton, s'ajoute au nombre de ses réussites. La LFP avait rejeté sa demande, au motif que son envoi n'aurait pas été cadré s'il n'avait pas été touché par le Montpelliérain.
Bonsoir 👋🏽 @LFPfr @Ligue1Conforama
— Kylian Mbappé (@KMbappe) February 20, 2019
On fait comment pour le 4e but ?
Vous pouvez me l’offrir pour privilégier l’attaque...et surtout pour pas donner un CSC à Hilton 😏
Partout la même obsession pour le but. En Premier League, il y a trois ans, Christian Eriksen avait expédié une merveille de ballon dans les filets de Stoke. Une réalisation fêtée par son coéquipier Harry Kane, certain d'avoir effleuré le ballon de l'épaule. L'Anglais le jurera même sur la tête de sa fille -qui, aux dernières nouvelles, se porte bien.
La vidéo ne permet pas de se faire une idée du propriétaire de la réussite, mais Harry Kane était alors en course pour obtenir le trophée de meilleur buteur européen et son combat justifiait tous les moyens. Tottenham soutiendra d'ailleurs son joueur en interpellant le comité de validation des buts de Premier League (Premier League’s goal accreditation) pour que le goal lui revienne, ce qui sera fait.
Le championnat de Suisse s'est aussi doté de moyens humains et techniques pour établir de façon fiable l'identité des «scoreurs». Joint par téléphone, le porte-parole de la Swiss Football League Philippe Guggisberg en détaille le fonctionnement.
La SFL applique le même règlement que la Ligue française: si une frappe victorieuse est déviée par un défenseur alors qu'elle prenait le chemin des filets, le goal est attribué au tireur; dans le cas contraire, il pèse sur les épaules du défenseur (autogoal).
➡️Pour approfondir le sujet: analyse détaillée de trois buts consécutifs à une déviation en Super League
Convoquer des scientifiques ès goals pour débattre de l'identité d'un buteur peut faire sourire, mais Lorenzo Falbo connaît trop les enjeux d'une réussite pour blâmer des attaquants qui très souvent marquent moins pour l'argent que pour la reconnaissance. «Les clubs n'aiment pas proposer de primes de but, hormis aux joueurs de top niveau, pour éviter des conflits d'égos au sein du vestiaire. En Super League, en tout cas, ce n'est pas très courant. Quoi qu'il en soit, un vrai buteur est forcément sensible au nombre de réussites qu'il inscrit. Car il sait que plus il marque, et plus il a de chances d'intéresser de nombreux clubs. Certains peuvent même être obnubilés par leurs statistiques: on a déjà vu des joueurs se battre pour tirer un penalty!»
Le fameux «fighting spirit 2.0»: tout donner pour soi, et ne rien laisser aux autres.
Les plus belles prises de têtes au point de péno 😤