Les gardiens sont des individus à part dans les équipes de foot. Alors forcément, entre eux, ils se comprennent et, souvent, s'apprécient. «On forme une grande famille», valide Gianluca Giannarelli, lui-même ancien gardien de Martigny en deuxième division nationale, dans les années 1980, et actuel coach des portiers du FC Fully (VS) et du FC Aigle (VD).
Cette grande famille, le Valaisan la réunit ce dimanche 15 juin à Fully grâce à un événement insolite et exclusif qu'il a créé: le «Gianna Stop & Shoot».
Il s'agit d'un tournoi uniquement ouvert aux gardiens, une première en Suisse, qui vivra sa quatrième édition. Les participants sont des portiers licenciés dans des clubs, âgés d'au moins 17 ans, et qui viennent de toute la Romandie. Le gardien le plus coté évolue en Promotion League (troisième division).
Si la démarche est insolite, le format de la compétition l'est aussi. Les participants forment des équipes de deux. Il y a seize équipes, réparties en quatre poules. Les deux premiers de chaque groupe se qualifient pour la phase à élimination directe (quarts de finale, demi-finales et finale).
Vous vous demandez sûrement comment des gardiens peuvent s'affronter entre eux, sans joueur de champ. Gianluca Giannarelli nous détaille le mode de jeu:
Les deux coéquipiers font des tournus, le score final des matchs étant le cumul de leurs résultats. Et il y a des particularités: l'un des deux goals utilisés est une cage de juniors. Du coup, un but marqué dans celle-ci compte double. Lors de certaines séries, les protagonistes doivent jouer avec un ballon spécial (et plus dur à maîtriser) qui ressemble à celui de rugby. Là-aussi, les buts marqués comptent double.
Et n'imaginez surtout pas que cette compétition se joue en dilettante, contrairement à certains tournois populaires où on voit ici et là des gobelets de bière traîner au bord du terrain. «A la fin de la journée, ceux qui vont jusqu'en finale sont claqués!», prévient Gianluca Giannarelli.
Et pour cause: ils doivent fournir d'importants efforts répétés, avec la succession de shoots et de parades. «Ceux qui vont jusqu'en finale, soit six confrontations de 25 minutes, cumulent jusqu'à près de trois heures de jeu».
Une autre preuve de la compétitivité de l'événement? «La première année, en 2022, on a surpris deux des finalistes se faire masser juste avant la finale dans un vestiaire annexe, en cachette, par des masseurs pros qu'ils avaient fait venir d'eux-mêmes», se marre l'organisateur.
L'événement offre aussi une vitrine aux gardiens, dont certains ont tapé dans l'œil de recruteurs de ligues amateurs lors des précédentes cuvées.
Mais l'ambiance au «Gianna Stop & Shoot» se veut avant tout festive et rassembleuse. A la fin de la journée, tous les participants sont invités à manger sur place et partager un verre. «Beaucoup de coéquipiers en club des gardiens viennent les encourager et créent ainsi une atmosphère sympa», se réjouit Gianluca Giannarelli.
Car oui, à Fully, certains portiers viennent pour représenter leur club et jouent avec le maillot de celui-ci. Mais pas tous. «Des gardiens qui évoluent dans des clubs rivaux durant la saison décident de former un duo et créent leur propre maillot», sourit Gianluca Giannarelli. Pour lui, c'est une preuve de plus que les gardiens forment une véritable confrérie. Ces paires choisissent ensuite des noms comme le «CS Cleansheet», le «FC Bourbier» ou encore «Bonnie & Clyde».
D'ailleurs, dans la liste, un nom de duo attire particulièrement l'attention: «L'équipe mixte». «C'est la première fois qu'une femme participe», s'enthousiasme l'organisateur. Il s'agit de la Vaudoise Gilliane Roch, qui défend la cage d'Yverdon en Ligue nationale B. Elle jouera avec Simon Michellod, portier de Belfaux en 2e ligue fribourgeoise.
«A court terme, j'aimerais beaucoup créer un tournoi parallèle avec uniquement des femmes. Et peut-être aussi un autre avec des gardiens pros», se projette Gianluca Giannarelli. Le résident de Collombey-Muraz (VS) voit grand, et il a de quoi: son événement est en quelque sorte déjà victime de son succès. Les inscriptions étant limitées à 32 participants, des demandes ont dû être refusées.
«Plusieurs clubs m'ont contacté, car ils étaient motivés à héberger l'événement», fait savoir le Chablaisien, qui a toutefois décidé de le maintenir à Fully, par loyauté. Si l'engouement grandit encore, il imagine éventuellement partager le concept – dont il a déposé le brevet – aux clubs intéressés.
Pour le moment, cette cuvée 2025 se déroulera donc toujours dans le village valaisan. Et notamment sous l'œil avisé de l'invité d'honneur: Pierre-Marie Pittier (70 ans), ancien dernier rempart légendaire du FC Sion (trois Coupes de Suisse à son palmarès) et précurseur de l'entraînement des gardiens.
Dimanche, il prendra sûrement plaisir à regarder ses héritiers. «Ces duels de gardiens, avec tous ces plongeons, c'est très spectaculaire», promet Gianluca Giannarelli, qui espère voir du monde autour des terrains, notamment des jeunes.
Oui, les gardiens forment une grande famille soudée, et elle compte bien engendrer encore beaucoup de nouveaux membres.