C'est une histoire d'amour devenue très rare dans le foot qui a pris fin le 17 mai dernier. Ce jour-là, Romain Derivaz (32 ans) a disputé son ultime match avec le FC Monthey, en 1ère ligue, après 17 saisons passées au club (dont quinze avec la première équipe). Un nul 3-3 face à Coffrane, qui a consolidé la 11e place des Montheysans, maintenus en 1ère ligue.
Le défenseur central (qui a aussi longtemps évolué comme... avant-centre et milieu de terrain) – originaire de Saint-Gingolph (VS) – a rejoint le club du Chablais valaisan en 2008, en provenance des juniors du FC Sion. Il s'y est tellement plu qu'il a disputé 311 rencontres pour son équipe fanion. Ce véritable clubiste, une espèce en voie de disparition, nous raconte son extraordinaire lien avec le FC Monthey.👇
Vous avez dû ressentir de sacrées émotions le 17 mai, après votre dernier match?
ROMAIN DERIVAZ: Oui, même si je ne les montre généralement pas à l'extérieur. J'ai dû retenir les larmes. Quand le coach Lucien Dénervaud m'a fait sortir à deux minutes de la fin pour être applaudi par le public, ça m'a fait bizarre de penser que c'était fini. Que c'était la fin de ces quinze ans à jouer sur ce même terrain chaque week-end. C'était un vrai pincement au cœur. Le déroulement de ce match a d'ailleurs été particulier...
C'est-à-dire?
J'ai pris un carton jaune après cinq minutes, du coup j'ai été suspendu pour la dernière journée de la saison.
Rassurez-nous: ce n'était quand même pas pour partir plus tôt à la retraite?
Non, non! (Rires) Et heureusement, la petite fête d'adieux a eu lieu avant ce match contre Coffrane, qui était le dernier à domicile.
Monthey est un club qui a connu beaucoup de changements ces dernières années, notamment des promotions et relégations. Pourquoi y êtes-vous resté si longtemps?
Premièrement, parce que je m'y suis toujours senti bien. Et je n'aime pas le changement. Une preuve? Je travaille toujours, comme géomaticien, dans la même entreprise où j'ai fait mon apprentissage. Ensuite, je n'avais ni les qualités ni l'envie pour jouer plus haut, ce qui aurait impliqué encore moins de temps libre. Pour moi, il était clair que le foot devait rester un hobby. Finalement, je suis resté car Monthey est le meilleur club de ma région.
Une sorte d'étendard du Chablais valaisan?
Oui, même si le basket est nettement plus populaire à Monthey. Quand j'étais junior au FC Saint-Gingolph, le FC Monthey, c'était le grand club du coin. Alors oui, c'est une fierté si je peux servir de modèle à des jeunes de Saint-Gingolph ou du Bouveret qui voudraient suivre mes traces.
Vous avez eu l'opportunité d'aller voir ailleurs?
Une fois. Le Vevey-Sports voulait m'engager au début des années 2010, mais à cette époque, il jouait en 2ème ligue interrégionale. Soit une ligue plus bas que Monthey. D'ailleurs, les duels contre Vevey (désormais en Promotion League) étaient spéciaux pour moi.
Mais souvent, c'est moi qui pouvait le taquiner le lundi après le match, parce qu'on faisait généralement des bons résultats face à Vevey. (Rires) Je n'ai aucun regret de ne jamais avoir quitté Monthey pour tenter ma chance ailleurs.
Vous avez ressenti des changements dans le foot amateur au long de votre carrière?
Le jeu est devenu plus physique qu'à mes débuts en première équipe, en 2010. Aujourd'hui, en 1ère ligue, tous les joueurs sont très bien préparés physiquement. Ce n'est plus possible d'évoluer à ce niveau uniquement grâce aux qualités techniques.
Quand ils ne jouent pas, ils veulent tout de suite quitter le club plutôt que d'essayer de se battre et gagner leur place à l'entraînement.
C'est pour ça qu'il n'y a quasiment plus de clubistes?
Oui, mais c'est aussi à cause de l'argent. Aujourd'hui, les joueurs sont prêts à signer dans un autre club si celui-ci donne 50 francs de plus. C'est malheureux. Même en 2ème ligue interrégionale, plusieurs clubs paient bien mieux que Monthey. Moi, l'argent ne m'a jamais intéressé dans le foot.
Vous retenez quoi comme moments forts de vos 17 ans au FC Monthey?
En positif: les deux promotions en 1ère ligue, surtout la seconde, en 2021. On a été champions en gagnant à Collex-Bossy, avec une belle fête à la clé. Et en négatif: le match de Coupe de Suisse contre Saint-Gall, en 2019. Je me suis cassé le bras après 40 secondes de jeu, après avoir été déséquilibré dans un duel. C'était la première fois que je jouais contre une si grande équipe, devant 2000 spectateurs.
La suite pour vous, c'est quoi?
Je pense arrêter définitivement le foot. Après quasiment 30 ans dans ce sport, j'ai envie de faire autre chose, par exemple du tennis. Je vais aussi pouvoir profiter davantage de ma famille les week-ends, avec notamment ma deuxième fille qui naîtra en octobre. Mais comme je reste un mordu de foot, je vais continuer à aller voir jouer le FC Monthey. Après toutes ces années, j'y ai tissé des relations fortes.