Le fait que la Coupe Spengler soit encore un succès à l'ère du numérique tient du miracle. On a tendance à oublier que ce tournoi de hockey sur glace est avant tout un chef-d'œuvre de politique sportive. En dehors de la Fête fédérale de lutte, aucun autre événement sportif helvétique de tradition, plus que centenaire, ne s'est adapté avec autant d'intelligence aux exigences de son temps, que ce soit sur le plan sportif, politique, médiatique ou commercial.
Au bon vieux temps, quand il n'était même pas permis de charger l'adversaire et que l'argent ne jouait aucun rôle, car personne ne pouvait vraiment en gagner avec le hockey, la Coupe Spengler était inébranlable dans le paysage sportif. La Fédération internationale de hockey sur glace (IIHF) protégeait l'événement: il était considéré comme un tournoi officiel, au même titre qu'un championnat du monde. Cela signifiait qu'aucun match de championnat ne pouvait être disputé dans le monde pendant la Coupe Spengler.
Mais voilà, dans les années 1980, le patron allemand de l'IIHF, le docteur Günther Sabetzki, a qualifié publiquement la Coupe Spengler d'«événement de pacotille» et lui a retiré son statut protégé. C'est justement à ce moment-là que le HC Davos, hôte du tournoi, s'est retrouvé en grande difficulté sportive et financière. Au point d'être relégué en ligue amateur.
Les organisateurs se sont alors retrouvés devant deux obstacles: si les fêtes de fin d'année ne sont plus des dates protégées pour leur tournoi et qu'on peut donc jouer ailleurs, il ne sera plus possible de faire venir des équipes de premier ordre à Davos. Et comment le tournoi pourrait-il survivre sans un HCD compétitif?
Mais de tout temps, des hommes intelligents se sont occupés du club grison. Dans cette phase de transition délicate, les deux dirigeants de la Coupe Spengler, Buzz Gfeller et Fredy Pargätzi, font venir les Canadiens («Team Canada») à Davos et une autre équipe suisse remplace provisoirement le HCD.
Aujourd'hui, un véritable palais VIP trône dans le Kurpark. Il est utilisé conjointement avec le Forum économique mondial (WEF).
Plus le hockey national brassait d'argent (les budgets des clubs ont été multipliés par dix entre 1985 et 2000), plus la Coupe Spengler était mise en difficulté. Ce qui n'est pas sans rappeler les relations actuelles entre la Suisse et l'UE.
Et de toute façon, il n'était, pour eux, pas acceptable que le HC Davos gagne autant d'argent avec la Coupe Spengler, au point de pouvoir construire une équipe championne sur le marché des transferts. Dans les années 2010, la polémique sur la pause liée au tournoi davosien et les indemnités versées aux autres clubs (à l'instar des versements de cohésion de la Suisse à l'UE) était inhérente à la Coupe Spengler, comme le tintement des cloches à la désalpe.
En 2011, l'actuel président du HC Davos, Gaudenz Domenig, un avocat d'affaires au succès international, a réussi un chef-d'œuvre de diplomatie sportive sans précédent, qui peut servir de modèle aux politiciens suisses pour les discussions litigieuses avec l'UE.
Celui-ci contient entre autres des paiements aux clubs qui coûtent certes au HC Davos un peu plus d'un demi-million chaque année, mais qui garantissent en contrepartie la stabilité et la prospérité sportive et économique de la Coupe Spengler, tout en assurant la participation d'une deuxième équipe de National League (cette année Fribourg-Gottéron, en 2025 probablement Langnau).
Alors que les matchs de National League ne sont aujourd'hui disponibles que sur les chaînes payantes, les Davosiens continuent de miser intelligemment sur la télévision publique pour la Coupe Spengler.
L'accord avec la ligue est, lui, désormais valable jusqu'en 2027. Les négociations «n'ont même pas duré 10 secondes, nous nous sommes mis d'accord si rapidement», se souvient une personne présente.
Le HC Davos réalise aujourd'hui un chiffre d'affaires de 11 millions de francs suisses avec la Coupe Spengler, les autres clubs suisses ne grognent plus, la valeur inestimable du tournoi pour notre hockey – et l'industrie publicitaire – est incontestée. Une preuve? Même la banque UBS a prolongé son partenariat jusqu'en 2025.
Traduction et adaptation en français: Yoann Graber