Quelle évolution incroyable! En 2013, une finale dans un Mondial relevait encore du miracle. L’année précédente, la Suisse n’avait même pas atteint les quarts de finale. Des semaines durant après le tournoi, le sélectionneur Sean Simpson ignorait s’il allait être reconduit.
Et soudain, neuf victoires de rang nous propulsent en finale contre la Suède (défaite 1-5). Personne ne mesure vraiment l’ampleur de cet exploit historique: la première médaille mondiale depuis 1953! Ce Mondial 2013 a été vécu comme en transe. Un rêve dont on ne s’est réveillé qu’en finale, stupéfaits non pas par ce qu’on avait rêvé, mais par ce qu’on avait réellement accompli.
Douze ans plus tard, nous revoilà en finale, dans la même ville, la même patinoire (dimanche, 20h20). Tout semble identique à 2013. A Stockholm, les rues et les maisons sont les mêmes. Mais le monde du hockey, lui, a radicalement changé pour la Suisse.
Douze ans plus tard, on peut presque se permettre un brin d’arrogance: une finale mondiale? Et alors? Nous étions déjà en finale l’an passé à Prague. Jouer pour le titre mondial est devenu presque une routine pour les Helvètes.
En fait, après le carton en demi-finale contre le Danemark (7-0), la Suisse a déjà remporté un titre: celui de la «division B» de ce Mondial. Cela peut paraître un brin méprisant, mais nous n’avons affronté que deux équipes du gratin mondial: la Tchéquie (défaite 4-5 après prolongation) et les États-Unis (victoire 3-0).
Les 7 autres matchs? On peut, sans exagérer et d’un point de vue strictement hockey, les qualifier de «Mondial B». Actuellement 5e au classement planétaire, la Suisse a battu l’Allemagne (8e), la Norvège (12e), l’Autriche (13e), le Kazakhstan relégué (15e), la Hongrie (18e) et deux fois – en phase de groupes puis en demi-finale – le Danemark (11e).
Ces victoires étaient attendues – elles devaient l’être vu le potentiel de notre équipe. Et pourtant, n’oublions pas combien la Nati a souvent peiné face à des adversaires dits «modestes».
Être favori n’a rien d’une promenade. Ce rôle implique une pression mentale particulière. L’obligation de gagner freine parfois la créativité nécessaire pour percer des défenses solides et des équipes travailleuses. Le Canada en a fait l’amère expérience face au Danemark en quart.
Remporter la «division B», ce n’est pas rien. Certes, vu le niveau de notre équipe – la plus rapide, la plus équilibrée et la plus mature tactiquement de notre histoire –, cela semble logique. Mais ce succès n’a rien d’évident. Jamais la Suisse n’a versé dans l’arrogance, la suffisance ou la déconcentration. Une preuve du professionnalisme de chaque joueur et un immense mérite pour le sélectionneur Patrick Fischer. Ils ont accompli leur devoir avec brio.
Contre le Danemark, la victoire en demi-finale a été une démonstration (7-0). Une opération chirurgicale, exécutée avec une précision redoutable. Les Danois étaient meilleurs que les Autrichiens, certes, mais ils n’ont jamais eu la moindre chance. Face aux Helvètes, ils n'ont jamais pu espérer rééditer leur exploit contre le Canada. C’était plié avant même que l’histoire ne commence (3-0 après le premier tiers).
Le bilan du quart et de la demie-finale: 13 buts marqués, 0 encaissé. Treize à zéro! Sans compter les deux buts refusés contre le Danemark. La Suisse secoue le monde du hockey avec un jeu poussé à la perfection.
Mais ce devoir accompli perdra de sa valeur si l’équipe échoue à transformer l’essai en finale contre les Etats-Unis. Nous tenons là une chance unique de devenir champions du monde. Jamais une route vers le titre n’a été aussi dégagée: il «suffisait» de battre l’Autriche en quart et le Danemark en demi. Nous avons pris l’autoroute du sommet, et là-haut, la gloire nous attend.
Nos chances contre les Américains? 50-50. Pas plus. Mais pas moins. Il n’y a pas de complexe face à eux. En 2013, nous les avions battus 3-0 en demi-finale (avec Reto Berra dans les buts). Cette année, même score en phase de groupes. Seule ombre au tableau: la défaite 0-3 en quart de finale en 2022.
Depuis leur revers il y a deux semaines contre la Nati, les Américains ont progressé. Mieux rodés, ils forment désormais un véritable groupe soudé, engagé dans une aventure passionnante. Avec une moyenne d’âge de 24 ans, c’est l’équipe la plus jeune du tournoi (la Suisse, avec plus de 28 ans, est la 3e plus âgée). Leur style? Simple, direct, courageux, intense, talentueux. Seuls deux joueurs n’évoluent pas en NHL. C’est peut-être la meilleure équipe américaine de l’ère moderne.
Aussi bien la Suède en 2013 et 2018 que la Tchéquie en 2024 étaient les grands favoris de la finale. Aujourd’hui, la Suisse n’est plus l’outsider. Les Américains sont-ils plus talentueux? Non. Mieux coachés? Certainement pas. Plus durs, plus solides? Non. Plus rapides? Non. Plus expérimentés? Absolument pas – la Suisse a clairement l’avantage ici. La seule vraie question: qui a le meilleur gardien?
Leonardo Genoni a réalisé quatre blanchissages dans ce tournoi (contre les Etats-Unis en phase de groupes, la Hongrie, l’Autriche et le Danemark). Après 2018 et 2024, c’est la troisième finale mondiale de sa carrière. Dimanche soir, si Leonardo Genoni décide de devenir champion du monde, alors nous le deviendrons.
Adaptation en français: Yoann Graber