«Superbe scène», «la belle image de la soirée», «le foot comme on l'aime»: de nombreux médias et internautes s'extasiaient devant le geste d'André Ayew, dimanche soir lors du match de Ligue 1 Marseille-Le Havre. Moi, ce geste m'énerve. On rembobine.
L'attaquant du Havre (35 ans) sauve l'honneur de son équipe en réduisant le score de 5-0 à 5-1 (score final), à la 85e minute. Après sa réussite (de la tête), il lève les bras en direction du public marseillais, pour s'excuser. Car Ayew est un ancien de l'Olympique de Marseille: il y a été formé, y a fait ses débuts pros et a porté 209 fois son maillot entre 2007 et 2015. Après la repentance du Ghanéen, une bonne partie du Vélodrome l'a applaudi et a même scandé son nom, donnant lieu à un moment de complicité rare entre un public et un adversaire.
Qu'on se le dise tout de suite: je n'ai absolument rien contre André Ayew, qui m'a l'air fort sympathique et dont j'admire la belle carrière. Et je préfère mille fois voir ce genre de scènes pacifiques et bienveillantes dans un stade plutôt que de la violence, malheureusement beaucoup trop présente.
Je comprends l'idée de respect derrière ce geste. J'avais d'ailleurs défendu, dans un précédent débat, les footballeurs qui ne fêtent pas leur but contre leur ex-équipe. Ce comportement est, à mon avis, judicieux car il est empathique avec les fans de l'ancienne équipe (des gens que le joueur en question a apprécié ou apprécie encore) et permet d'éviter que le match s'envenime inutilement.
Mais s'excuser va plus loin que ne pas célébrer. Trop loin. Demander pardon sous-tend avoir commis une faute, avoir fait quelque chose de mal. Or, pour un footballeur – qui plus est un attaquant comme André Ayew –, il n'y a strictement aucune faute à avoir marqué un but à l'adversaire (y compris son ancienne équipe). Au contraire, c'est même ce qu'on lui demande de faire!
Et puis, en s'excusant envers son adversaire d'avoir marqué contre lui, on devient trop respectueux envers celui-ci. Pas besoin d'avoir fait un doctorat en psychologie du sport pour comprendre qu'un tel état d'esprit est contre-productif pour atteindre l'objectif ultime d'un match de football: la victoire. Le foot étant un sport d'équipe avec, donc, des dynamiques mentales collectives, le joueur trop docile et complice avec l'adversaire risque de déteindre sur ses coéquipiers. Et sans la rage de vaincre, impossible de gagner...
C'est en tout cas comme ça que ce comportement peut être interprété. Alors il a de quoi braquer les fans et les dirigeants. D'autant plus dans le contexte actuel du Havre, avant-dernier du classement et relégable, en besoin urgent de goals et de points.
Finalement, sans remettre en question les valeurs d'André Ayew, on peut s'interroger plus généralement sur la sincérité d'une telle attitude: le Ghanéen, et les nombreux joueurs qui ont eu le même geste avant lui, auraient-ils calmement demandé pardon à leur ancien public s'ils venaient d'inscrire le but décisif à la 85e minute et non pas le 1-5, avec toutes les émotions qu'un tel goal entraîne? Pas sûr.
On est encore plus en droit de douter de la réaction du public marseillais – largement vantée après la scène avec Ayew – dans pareil cas: aurait-il sagement applaudi son ancien chouchou si celui-ci l'avait privé de la victoire? Ceux qui répondent «oui» n'ont soit jamais supporté une équipe, soit jamais mis les pieds dans un stade...
Bref, s'il vous plaît, chers footballeurs, pour toutes ces raisons, arrêtez de demander pardon après avoir marqué contre votre ancienne équipe!