Ils sont des centaines, désormais, à vouloir se frotter à son ascension mythique. L'Everest. Un nom synonyme de hauteur, de vide, d'aventure, de danger et de dépassement de soi. Pas moins de 900 permis d'ascension ont été délivrés cette année. Ce qui n'est pas sans créer quelques bouchons sur la crête blanche affûtée qui mène vers le «sommet du monde». Les images de ces colonnes humaines multicolores, perchées à près de 8848 mètres d'altitude, ne manquent jamais de susciter de vifs débats.
Pour un selfie et quelques heures d'attente sur le Toit du monde, la facture se révèle salée. Outre le billet d'avion vers l'Asie, il faut compter le permis délivré par la Chine ou le Népal (environ 18 000 dollars); la société de guide fournissant tentes, Sherpas, bombes à oxygène et produits de première nécessité (autour de 25 000 dollars pour les tout premiers prix); et enfin, l'équipement nécessaire pour gravir la montagne en toute sécurité (à peu près 18 000 dollars, en partant de rien). Bref, n'espérez pas vous en sortir à moins de 50 000 dollars.
Si le voyage n'est donc pas à la portée du premier amateur de montagne venu, certains n'hésitent pas à mettre beaucoup plus sur la table pour bénéficier du confort d'une expérience haut de gamme. Depuis quelques années, plusieurs agences rivalisent d'imagination pour proposer à une clientèle très fortunée des équipements dignes d'un hôtel cinq étoiles. «C'est comme pour l'avion. L'expérience est totalement différente à mesure que vous dépensez», expliquait l'alpiniste Alan Arnette au Times, il y a quatre ans.
Dômes individuels de luxe avec lits à baldaquin, moquette à poils longs, poufs et couettes en duvet, télévision à écran plat, WC privés. Sans oublier l'accès à des masseurs, prof de yoga, bar, voire même barista pour siroter un latte dans une des tentes communes.
C'est le cas notamment de la compagnie Alpenglow Expeditions qui, moyennant 98 000 dollars par personne, propose un accès à des tentes-restaurants ou à un chef «train occidental» sur son camp de base, situé à une altitude d'environ 7900 mètres.
La société Furtenbach Adventures revendique quant à elle tente de deux pièces avec lit, bureau, électricité et Wi-Fi. Le camp de base comprend des tentes lounge avec bar, salle de ciné, bibliothèque, ainsi que l'indispensable sauna pour se détendre après une éreintante journée d'ascension. Le forfait de ses expéditions les plus longues s'élève à 200 000 dollars.
Certains clients exigeant de pouvoir travailler depuis leur camp de base, une connexion Internet rapide n'est pas seulement un luxe, mais une exigence, rappelle le patron de Furtenbach Adventures au Times, en 2020.
Quant à ceux qui tiennent quand même à atteindre le sommet à la sueur de leur front, des porteurs sont tout de même embauchés pour transporter tout l'équipement et installer les tentes de style «glamping».
Pressés? Ceux qui disposent de beaucoup d'argent mais de peu de temps, peuvent suivre une «procédure accélérée» à plus de 98 000 dollars par personne, qui permet de raccourcir l'itinéraire standard de l'Everest de près de deux semaines. «Ces forfaits incluent ce qui pourrait être l'assistance technologique la plus haut de gamme jamais proposée pour l'Everest: une préacclimatation à la maison», décrit le journaliste Will Cockrell dans un livre consacré au juteux business de l'ascension de l'Everest.
Afin de démarrer le processus d'acclimatation à la maison, les aspirants grimpeurs sont invités à dormir dans une bulle en plastique, semblable à «un château gonflable», qui simule la haute altitude, plusieurs semaines avant leur départ pour l'Asie.
L'expérience vous fait de l'oeil? Il est sans doute trop tard. Les jours du tourisme de luxe sur l'Everest sont comptés. Face à un glamping devenu «incontrôlable», les autorités népalaises ont décidé de servir. Pas seulement parce que les files interminables qui se forment sur les chemins de l’Himalaya compliquent une ascension déjà périlleuse - depuis le début de la saison, au moins quatre personnes ont déjà perdu la vie sur la plus haute montagne du monde.
Depuis quelques années, l'Everest s'est surtout muté en poubelle à ciel ouvert. La montagne est aux prises avec un énorme problème de déchets. La saison terminée, les expéditions laissent derrière elles tentes, bonbonnes d'oxygène, conteneurs de nourriture et autres équipements. Sans parler des quelque 20 000 kilos d'excréments humains abandonnés rien que l'année dernière, qui ont forcé les autorités locales à énoncer des mesures drastiques. Depuis février, tous les alpinistes doivent transporter leurs crottes depuis l'Everest dans de petits sacs prévus à cet effet.
Selon le Telegraph, le recours à des installations de luxe tentaculaires qui encombrent la montagne devrait également être limité, en réduisant la zone dans laquelle les tentes des randonneurs pourront être plantées. Les immenses tentes-salles à manger communes ou des toilettes privées attenantes aux tentes individuelles sont particulièrement concernées.
Une décision qui hérisse évidemment le poil des organisateurs de voyages de luxe, qui dénoncent une «attaque directe», voire une «gifle» - mais qui soulage les défenseurs d'une ascension «à l'ancienne».
Même cas de figure pour les hélicoptères, utilisés pour transporter des fournitures et les alpinistes, non seulement vers le camp de base, mais aussi vers les camps 2 et 3, situés plus haut en direction du sommet. Ces appareils devraient désormais se limiter aux seuls sauvetages des alpinistes en difficulté et aux évacuations d'urgence. Un espoir, pour les locaux, de pousser les expéditions à revenir à l'ancienne méthode de ravitaillement dans les montagnes: les yacks.
Une pratique d'élevage en voie de disparition, alors qu'elle est indispensable à la population locale, qui utilise la bouse de yak comme source de combustible pour cuisiner et se chauffer. Le changement de réglementation devrait entrer en vigueur d'ici l'année prochaine. Pour le plus grand bonheur des puristes.